Peterinck François-Joseph

Socio-économique, Entreprise

Lille 04/10/1719, Tournai 25 ou 26/11/1799

Au cours de la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), l’armée française s’empare de Tournai en 1745 et l’occupe jusqu’en 1748 et le traité d’Aix-la-Chapelle par lequel Louis XV rend Tournai à l’Autriche. Durant cette période troublée, un jeune Lillois sert dans le corps du génie français, s’occupe de la démolition des fortifications de Menin (1746), avant de se pencher sur celles de Tournai (1747). Quand les armées françaises se retirent, le jeune Peterinck s’installe à Ath où il fait commerce de charbon, avant d’investir à Tournai, en 1750/1751, dans le rachat de la manufacture de faïences qu’avait fondée François Carpentier quelque temps plus tôt, puis dans l’installation d’une nouvelle usine de porcelaine. Pendant un demi-siècle, François(-Joseph) Peterinck ne va plus s’occuper que du développement de son entreprise, la hissant au sommet de la production européenne de son temps, au point de rivaliser avec les faïences de Sèvres et de Saxe.

Soutenue par la municipalité et par le gouvernement des Pays-Bas autrichiens qui accorde notamment à Peterinck un monopole de 30 ans pour la fabrication de la porcelaine sur tous les Pays-Bas (1751), la Manufacture impériale et royale de Tournai trouve d’abord un important débouché en pays wallon, avant de s’étendre à l’ensemble de l’Europe. C’est aussi la première fois que l’on fabrique ce produit en pays wallon.

Fabriquant de front une vaisselle de luxe de qualité supérieure, des sculptures variées et de la vaisselle courante peinte en émail bleu, ou brun de manganèse, à prix modique, Peterinck réussit à s’entourer d’artisans doués qui donnent à la porcelaine de Tournai un cachet spécifique et sa faïencerie un raffinement exceptionnel. Ainsi, même pour la vaisselle ordinaire, la clientèle reconnaît aisément les deux décors typiquement tournaisiens appelés « au ronda » et « à la mouche ». Atteignant son apogée entre 1763 et 1775, la société de Peterinck emploie 400 personnes à la fin du siècle, comme quatre fois moins en 1760.

Disposant sur place de terres propres à faire la céramique, Peterinck possède un autre avantage avec la proximité de Lille et de Saint-Amand où il a pu recruter des artistes doués (comme le peintre Duvivier) et des ouvriers connaissant les secrets du métier ; de surcroît, le privilège de la manufacture de Vincennes-Sèvres (seule en France à avoir le droit d’appliquer l’or sur les porcelaines) ne s’applique pas aux Pays-Bas. Malgré sa réputation et son succès, le projet industriel de Peterinck reste en permanence à la limite du déséquilibre financier ; il ne doit qu’aux soutiens extérieurs – surtout publics – d’avoir traversé les épreuves jusqu’en 1799. On en veut aussi pour preuve le fait qu’il est occupé à d’autres activités dans les années 1770 et 1780 : pavage de rues, construction de maisons, installation d’aqueducs, travaux de démolition, chercheur de houillères : bref, le patron de la manufacture multipliait les activités, dont celle de professeur de dessin à l’Académie des Beaux-Arts de Tournai, qu’il a contribué à fonder. Anobli par Marie-Thérèse, en 1769, François Peterinck adopte pour armoiries deux épées croisées, cantonnées de quatre croisettes, ce qui est aussi sa marque de fabrique.

 

Sources

Jacques STIENNON, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
Jean LEMAIRE, La porcelaine de Tournai, histoire d’une manufacture, (1750-1891), Bruxelles, Renaissance du Livre, 2005
E-J. SOIL DE MORIALMÉ, dans Biographie nationale, t. XVII, col. 94-98
Revue du Conseil économique wallon, décembre 1966, n°81, p. 41-42
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 256
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 340
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 272-273