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Wincqz Grégoire

Socio-économique, Entreprise

Feluy 27/06/1708, Soignies 18/09/1794


Cinquième enfant du couple Jean Wincqz-Thérèse Seutin, (Joseph-)Grégoire Wincqz assure la relève de l’activité familiale exploitée à Soignies par son père depuis 1720. Formé dans la tradition familiale, Grégoire contribue avec son père au décollage de son activité industrielle vers 1730-1750. Après les guerres de Louis XIV, l’époque est encore à la reconstruction, mais d’autres besoins apparaissent : outre les grandes chaussées et les canaux, le XVIIIe siècle est marqué par d’importantes constructions d’abbayes, de châteaux, de grosses fermes et l’agrandissement comme la modernisation des villes. En raison des incendies meurtriers des sièges « récents », des instructions sont données pour que les maisons soient construites « en dur » et, dans le Hainaut, pour que les soubassements soient en pierre sur 70 cm. Mons et la partie romane du duché de Brabant s’approvisionnent notamment auprès des Wincqz. Jusqu’en 1748, Grégoire est reconnu, comme son père, maître tailleur de pierre. À partir de 1750, il semble avoir réussi à acquérir une carrière, car il est appelé « maître de carrière et marchand ». Ce statut est confirmé par une commande exceptionnelle – un million de florins de l’époque – qu’il parvient à décrocher le 26 décembre 1754.

Au début du XVIIe siècle avait été creusé un canal reliant Ostende à Bruges, qui fut élargi dans la deuxième moitié du siècle. Cependant, début 1654, la base du système d’écluse du sas de Slijkens s’écroule et plus de 250 mètres de berges sont à emmurailler. Soucieux de la qualité de la pierre et de délais courts, les États de Flandre portent leur choix sur la pierre de Soignies, préférée à celle de Tournai, et sur un Grégoire Wincqz qui a su se montrer convaincant, en se lançant dans cette entreprise périlleuse. Décrivant ce « contrat du siècle », Jean-Louis Van Belle en détaille l’exécution : en vingt mois, 103 bateaux sont lourdement chargés. 9.000 tonnes de pierres bleues sont livrées dans les temps, alors que jusque-là, annuellement, les petits maîtres de carrière de Feluy-Arquennes travaillaient à peine 57 tonnes ! Pour réussir un tel challenge, Grégoire Wincqz a sans doute dû mobiliser tous ses confrères de la région, fédérant des esprits pourtant fort individualistes.

Même s’il fournit d’autres beaux chantiers (châteaux, fermes, abbayes), Grégoire Wincqz n’aura plus jamais l’occasion de réaliser une commande similaire à celle du canal flamand. Sa prospérité et sa réputation étaient faites. Elle ne l’empêche pas d’être le carrier le plus productif de son temps, la trace de sa « marque de maître de carrière », un W, se retrouvant « sur plus de 270 bâtiments », dans plus de 80 localités (Van Belle), surtout du Brabant wallon et du Hainaut oriental. Riche propriétaire terrien (plusieurs maisons à Soignies et 27 hectares de terre), resté un chef d’entreprise actif jusqu’en 1790, il introduisait la première machine à feu dans les carrières de la région en 1785. Le coût de la machine de Newcomen était à ce point exorbitant que rares étaient les industriels qui pouvaient se permettre un tel investissement. C’est par conséquent un entrepreneur annonçant les patrons d’industries du XIXe siècle qui remet ses affaires à l’un de ses fils, l’architecte Jean-François Wincqz (1743-1791), mais c’est finalement François Joseph Thomas (1752-1807), le carrier, qui lui succèdera.

 

Sources

Jean-Louis VAN BELLE, Une dynastie de bâtisseurs. Les Wincqz. Feluy-Soignies XVIe-XXe siècle, Bruxelles, ciaco, 1990
Jean-Louis VAN BELLE, dans Nouvelle Biographie nationale, t. III, p. 353-354