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Chainaye Hector

Culture, Journalisme, Militantisme wallon

Liège 14/04/1865, Ixelles 04/09/1913

En dépit d’une formation en Droit aux Universités de Liège, puis de Bruxelles, et de sa prestation de serment comme avocat, Hector Chainaye n’en fera jamais sa profession, pas plus qu’il n’était attiré par la perspective de poursuivre la batellerie, l’activité familiale traditionnelle ; attiré par l’écriture, il s’essaye dans plusieurs revues littéraires, avant de faire carrière dans le journalisme. Avec son frère, Achille, il dirige le journal La Réforme, de 1895 à 1907, avant de se consacrer principalement à la défense de la cause wallonne.

À la différence d’une littérature flamande déjà dynamique et représentée par de grands noms (Conscience, Hiel, Gezelle, etc.), il n’existe guère d’équivalent, avant 1880  et le mouvement de la Jeune Belgique, pour les lettres françaises de Belgique. Après s’être adonné au romantisme dans une feuille namuroise (Plume et crayon, vers 1882), Hector Chainaye est séduit par l’élan de La Jeune Belgique, auquel il ne participe que de loin, mais dont il garde l’esprit quand il fonde la revue La Basoche (1884-1886), puis L’Élan littéraire, avant de collaborer à La Wallonie avec la bienveillante attention d’Albert Mockel, voire à Floréal, au temps de l’université. « Son idéal littéraire s’apparente à celui des Parnassiens par sa haine de la mollesse et du laisser-aller dans la forme », commente Sosset au sujet de celui qui recourt alors aux pseudonymes de Virelle et H. Vigoureux. En juillet 1890, il est l’auteur d’un recueil intitulé L’Âme des choses, tiré en un petit nombre d’exemplaires et dont la qualité est d’emblée saluée. Promis à une carrière littéraire, il doit y renoncer ; à l’instar de son frère, les contraintes de l’existence le conduisent à exercer un métier rémunérateur et qui occupe tout son temps.

Recourant au pseudonyme de Virel, le journaliste écrit pour L’Indépendance belge et L’Étoile belge, avant de prendre la direction de La Réforme républicaine et anticléricale, que son fondateur, Émile Feron (1841-1918) a décidé d’abandonner (décembre 1895). Ensemble, de 1895 à 1907, les frères Chainaye donnent à La Réforme une ligne éditoriale libérale, démocrate et radicale, où peuvent s’entendre certains libéraux et socialistes. Le suffrage universel, l’instruction obligatoire et la défense de la politique coloniale occupent une part importante des colonnes du journal. Lors de la discussion sur la reprise du bien personnel de Léopold II par la Belgique (1908), une brochure favorable à la cession du Congo à la Belgique est publiée sous la plume d’Hector Chainaye, marié, il faut le préciser, à la fille d’Émile Bockstael, le bourgmestre de Laeken et collaborateur particulier de Léopold II. Vers 1904/1905, La Réforme s’ouvre aussi à la question wallonne.

À ce moment, Hector Chainaye dirige la Ligue wallonne de Bruxelles. Avec Alphonse Sasserath, il est d’ailleurs le délégué officiel de cette Ligue au Congrès wallon qui se tient à Liège, en 1905. Il y intervient avec force dans les débats, afin de défendre le passage par Liège des grands trains internationaux, de réclamer l’instruction obligatoire et de plaider en faveur de la suprématie de la langue française en Flandre. Il s’élève aussi contre la conception de l’histoire défendue par Henri Pirenne. Mais l’imposition du français en Flandre est la question qui déchire le congrès de Liège, et la Ligue wallonne de Bruxelles propose d’organiser un autre Congrès en 1906 pour trancher le sujet. Celui-ci est pris en charge par une nouvelle association, la Ligue wallonne du Brabant, créée peu après le congrès de Liège, pour regrouper les délégués de l’ensemble des ligues et associations wallonnes du seul arrondissement de Bruxelles. Dans les faits, la Ligue de Bruxelles et les frères Chainaye dominent les autres mouvements wallons actifs à Bruxelles. En février 1907, après un scrutin où deux listes s’affrontent, Hector Chainaye devient d’ailleurs le président de la Ligue wallonne du Brabant. Il le restera jusqu’à son décès, en septembre 1913.

Après la liquidation de La Réforme (janvier 1907), ce « Wallon de Bruxelles » se consacre essentiellement à l’action wallonne. Orateur brillant, polémiste redoutable, inventeur de formules imagées et décisives, il apporte sa collaboration à des journaux et revues, organise des meetings, mobilise les citoyens et les politiques aux enjeux de l’époque. En 1910, il emmène une « Liste wallonne bruxelloise anti-flamingante » aux élections législatives du mois de mai. L’expérience d’une liste wallonne – la toute première dans l’histoire – se solde par un double échec ; les électeurs n’ont pas suivi, et des amis ont quitté la Ligue wallonne pour rejoindre leur famille politique respective.
Ayant à plusieurs reprises brandi la séparation administrative de la Wallonie et de la Flandre comme solution à la question belge, Hector Chainaye sort enthousiaste du Congrès wallon qui se tient à Liège, en juillet 1912. Présents lors de la réunion constitutive de l’Assemblée wallonne, Achille et Hector Chainaye ont été parmi ceux qui convainquent Jules Destrée d’ouvrir cette sorte de Parlement wallon informel aux Wallons de Bruxelles. Tout naturellement, les deux frères deviennent deux des délégués de cet arrondissement à l’Assemblée wallonne (octobre 1912). Restant avant tout anti-flamingant, Hector prend part à ses travaux, du moins jusqu’en septembre 1913.

Sources

Philippe CARLIER, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 253-254
Paul DELFORGE, L’Assemblée wallonne (1912-1923). Premier Parlement de la Wallonie ?, Namur, Institut Destrée, décembre 2012, coll. Notre Histoire n°10
Maurice WILMOTTE, Mes Mémoires, Bruxelles, 1919, p. 177
Jean-Luc DE PAEPE, La Réforme, organe de la démocratie libérale, CIHC, Cahiers 64, Leuven-Paris, 1972, p. 33 et 139
Hector Chainaye et l’Âme des Choses, dans La Vie wallonne, 15 avril 1923, n°XXXII, p. 354 et 355
Léon-Louis SOSSET, Un oublié : Hector Chainaye, dans La Vie wallonne, novembre 1935, n°CLXXXIII, p. 69-77