Collinet Dominique

Socio-économique, Entreprise

Liège 20/04/1938

Jusqu’au 1er janvier 2003, Dominique Collinet a maintenu une tradition familiale remontant à plusieurs générations : celle de présider le Conseil d'administration et d’être l'administrateur délégué de Carmeuse, société fondée en 1860 par plusieurs familles liégeoises sous le nom de « Société anonyme des Carrières et Fours à Chaux de la Meuse », et dont le siège a été installé à Seilles. Licencié en Sciences économiques de l’Université de Liège (1960), Dominique Collinet reste secrétaire général de Carmeuse pendant dix ans, fonction qui lui permet de bien connaître toutes les activités de la société quand il en devient le directeur général (1970). Sous son impulsion, le chaufournier wallon va se transformer en un groupe de dimension mondiale, se hissant aux premiers rangs dans le secteur de l'extraction de calcaire et de dolomie, ainsi que dans la production de chaux. S’appuyant sur une petite dizaine de sites de production traditionnels le long de la vallée mosane, Carmeuse réussit à se redéployer avant d’être frappée par les répercussions de la crise des années 1970. Quand plonge la sidérurgie wallonne, qui fut longtemps son principal client, Carmeuse cherche et trouve de nouveaux clients dans le secteur du verre, du papier et de la chimie, avant de développer des techniques de protection de l’environnement ; elle investit surtout les marchés étrangers, tente de s’implanter seule aux États-Unis (1979-1986), avant de comprendre qu’elle doit nouer des alliances avec des partenaires solides, ce qu’elle fait en Espagne, en France, aux Pays-Bas, en Italie, en Turquie, au Canada voire au Mexique, avant que ne s’ouvrent les portes de l’est de l’Europe, après la chute du Mur. L’entreprise familiale devient alors une société holding de droit néerlandais, Calcitherm Nederland n.v., contrôlant toutes les filiales, et dont les actionnaires principaux sont les familles des fondateurs, ainsi que la société espagnole Calcinor et le holding Cobepa (via la Mosane), du moins de 1984 à 1994 pour ce dernier qui est remplacé par des investisseurs suédois.

La réussite du chaufournier mosan – principal concurrent d’un autre groupe wallon, la société Lhoist – attire les regards sur un patron qui se veut discret, même s’il a déjà accepté d’être administrateur de la Fédération des industries extractives et transformatrices de roches non combustibles, ainsi que vice-président et membre du comité de direction de la Fédération des entreprises de Belgique. En 1993, c’est l’Union wallonne des Entreprises dont il est aussi membre qui lui demande de succéder à Philippe Delaunois. Malgré ses réticences, Dominique Collinet devient ainsi le 10e président de l’UWE et va exercer ce mandat d’octobre 1993 à octobre 1996.

Formé chez les Jésuites, officier de réserve, le patron de Carmeuse n’a guère d’atomes crochus avec la régionalisation de la Belgique et l’attribution de compétences économiques à des institutions wallonnes. Membre fondateur du Cepic (à la fin des années 1970), unitariste convaincu, membre fondateur du Cercle de Lorraine, il accède à la présidence de l’UWE au moment même où les Accords de la Saint-Michel et de la Saint-Quentin inscrivent dans la Constitution le caractère fédéral de la Belgique. Le mouvement est irréversible et le monde patronal l’a bien compris : entre 1991 et 1993, l’UWE a vu le nombre de ses membres passer de 450 à 900… et ils seront près de 1500 en 1997, quand Michel Hahn succède à D. Collinet.

Au-delà d’un discours patronal qui ne doit pas surprendre, le président de l’UWE va insister, durant son mandat, pour obtenir davantage de transparence, de règles et de limites dans le fonctionnement des intercommunales wallonnes ; critique à l’égard des « pesanteurs administratives régionales », il engage aussi une réflexion pour favoriser l’esprit d’entreprise et de créativité en Wallonie et tient des mots assez durs concernant le rapport qualité/coût de l’enseignement francophone. On notera encore que, dès février 1996, le patron des patrons wallons soutient les autorités wallonnes dans leur volonté de concentrer les efforts sur cinq pôles technologiques, tout en les invitant à encourager davantage la recherche appliquée, soit la production de connaissances, de services et de savoir-faire nouveaux dans les secteurs des nouveaux matériaux, des télécommunications, de la biotechnologie ou encore des énergies nouvelles.

Administrateur de la filiale liégeoise de la CGE-Paris (Compagnie générale européenne) à la fin des années 1980, président du Conseil d'administration de la Mosane, administrateur des holdings Cobepa et GBL dans les années 1990, puis de Spadel, Dominique Collinet diversifie les activités de Carmeuse quand est rachetée Zincpower, en 1994, société limbourgeoise spécialiste de la galvanisation. En 1997, son centre de coordination des activités hors Benelux est transféré à Louvain-la-Neuve, dans les anciens bâtiments des éditions Duculot.

Succédant à Roger Mené, Dominique Collinet est élu censeur au sein du Conseil de Régence de la Banque nationale en février 1997 ; en mars 2001, sur décision du ministre des Finances, il est appelé à remplacer François Martou comme régent de la BNB, mais cette fonction étant incompatible avec son mandat d’administrateur à la BBL, il préfère renoncer à la BNB. Dans le même temps, il contribue à la fondation d’une association réunissant les managers de Wallonie et de Bruxelles ; il préside ce « réseau interactif de managers belges et européens » (1997). Associé – sans succès – à Stephan Jourdain dans l’opération de reprise du groupe Vers l’Avenir (1999), Dominique Collinet met un terme à son activité professionnelle principale quand il cède son mandat de président directeur du Groupe Carmeuse à Philippe Delaunois le 1er janvier 2003. Selon certaines sources, il est présenté comme l’une des plus grosses fortunes de Wallonie.

 

Sources

Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 244
J. VANDENBROUCKE, Aux origines de Carmeuse. Les métamorphoses d’une entreprise, dans M. DUMOULIN (dir.), Carmeuse. Histoire d’un groupe chaufournier 1860-2010, Bruxelles, Fonds Mercator, 2010, pp. 32-191
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse