De Biolley Raymond Jean-François

Socio-économique, Entreprise

Verviers 10/02/1789, Verviers 22/05/1846

En raison des troubles révolutionnaires de l’été 1789, les Biolley ont préféré trouver refuge dans le nord de l’Allemagne. Ils ne rentrent à Verviers, devenue municipalité française, qu’en 1795. Quatre ans plus tard, le mécanicien anglais William Cockerill procure aux entreprises des familles Biolley et Simonis un avantage incontestable sur tous leurs concurrents. C’est dans cet esprit de réception aux idées techniques nouvelles qu’est éduqué Raymond Biolley. Ses études sont brillantes et, très tôt, il est associé à la direction de la « Maison François Biolley et fils ». Comme son oncle, Jean-François Biolley (1755-1822) connaît de sérieux problèmes de santé, c’est son épouse, Marie-Anne Simonis, dite de Champlon, qui assume la responsabilité de l’entreprise familiale. C’est elle qui confie à Raymond la direction de la succursale que les lainiers verviétois possèdent à Cambrai. Cédant à l’insistance de sa tante, Raymond de Biolley épouse, en 1817, Marie-Isabelle Simonis (1799-1865) qui est la nièce de Marie-Anne, mais surtout la fille de Jean-François Dieudonné Simonis (1769-1829), dit Iwan Simonis, considéré comme l’homme le plus riche du pays wallon sous le régime français.

Disposant ainsi de solides réseaux, le jeune entrepreneur allait démontrer ses propres capacités après un long séjour en Angleterre où il étudie attentivement les raisons de la prospérité de l’industrie insulaire. De retour en bord de Vesdre, il y attire – comme ses prédécesseurs – des ingénieurs et mécaniciens anglais qui procurent à ses installations verviétoises un savoir-faire exceptionnel. Tout au long de sa carrière, il gardera l’habitude de voyages à l’étranger, certes pour présenter ses produits, mais surtout pour observer l’évolution de la concurrence. La perfection des draps verviétois est pourtant reconnue au niveau international et c’est un important commerce qui s’est établi de part et d’autre de l’Atlantique ; les activités du Verviétois sont fortement soutenues par le roi Guillaume d’Orange ; ce dernier n’hésite pas à le désigner comme délégué effectif de Verviers aux États provinciaux (1820) ; il accorde encore une distinction à l’industriel peu avant que ne se produise la révolution de 1830.

Dans un contexte politico-économique neuf, celui qui n’est plus directeur de la grande société commercial, l’Algemeen Handels Maatschappij (1824-1830), doit alors faire face à de nouvelles responsabilités, à Verviers, quand il devient le principal héritier de la « Maison François Biolley et fils », suite au décès de sa tante (1831). Le changement n’effraye nullement cet entrepreneur. À toutes difficultés, il trouve ou invente des solutions à son avantage. Quand Napoléon avait imposé le blocus continental et privé les « continentaux » des laines britanniques, Biolley avait lancé un élevage de 4.000 moutons mérinos sur les hauteurs de Verviers. Quand le blocus a été levé et que les coûts de transport ont été très bas, il a commandé ses laines dans l’hémisphère sud. Quand naît le royaume de Belgique, il plaide en faveur d’accords douaniers avec la France pour rouvrir le marché mosan, à la France certes, au monde si possible. Le Zollverein est un système dans lequel il verrait bien entrer la Belgique. Libre-échangiste, Raymond Biolley est un industriel qui a tôt fait de se sentir chez lui aux quatre coins du monde.

Principal pourvoyeur de travail dans la vallée de la Vesdre, Raymond de Biolley est reconnu par ses pairs comme le principal industriel de l’est wallon : son savoir-faire, sa fortune et ses investissements sans limites font de la Maison de Biolley à la fois une référence, un bailleur de fonds et un moteur d’innovations exceptionnelles. Depuis 1824, il siège au sein de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Verviers ; en 1830, il la préside. Dans le nouveau royaume de Belgique, les censitaires attribuent à ce chef d’entreprise le mandat de sénateur dès 1831, fonction qu’il exercera jusqu’à son décès. Refusant les distinctions, il acceptera le titre de vicomte que lui attribue Léopold Ier, en 1843, lorsqu’il inaugure la ligne de chemin de fer qui relie Anvers à Verviers. La famille royale avait d’ailleurs l’habitude de prendre ses quartiers dans l’hôtel de maître que l’industriel s’était fait construire au cœur de la cité lainière.

L’action sociale du couple Biolley-Simonis est souvent soulignée : une partie de la fortune de l’industriel a servi à alimenter des œuvres religieuses de secours, de soins et d’hygiène, à améliorer du logement ouvrier et des institutions scolaires et hospitalières, tant à Verviers, qu’à Augsbourg et à Sallanches, les trois cités que les Biolley marquèrent de leur empreinte. Là où s’étend aujourd’hui la rue Raymond, il a fait aménager plusieurs petites maisons destinées à la population ouvrière. Certains veulent y voir l’une des toutes premières cités ouvrières construites en Europe.

Cette générosité discrète ne doit pas dissimuler le tempérament décidé du patron face aux revendications ouvrières. Au moment de sa disparition, on estime qu’il était à la tête de 2.000 ouvriers, rassemblés dans quatre grosses usines. Propriétaire de biens de prestige, Raymond de Biolley avait encore investi dans des entreprises en Prusse rhénane et possédait des parts dans deux charbonnages proches de Verviers, investissements motivés par la nécessité de contrôler des sources d’énergie à l’heure du développement de la machine à vapeur. De 1842 à 1846, il avait également présidé le Comité industriel de Belgique.

 

Sources

G. DEWALQUE, dans Biographie nationale, t. II, col. 436-440
Paul LÉON, dans Biographie nationale, t. XLI, 1979, col. 24-30
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 145-146
Pierre LEBRUN, L’industrie de la laine à Verviers pendant le XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, Liège, 1948, p. 207
Portraits verviétois (Série Α-K), dans Archives verviétoises, t. II, Verviers, 1944
P. GASON, Raymond de Biolley, Verviers, 1950
Remember, Nos Anciens. Biographies verviétoises 1800-1900, parues dans le journal verviétois L'Information de 1901 à 1905, Michel Bedeur (préf.), Verviers, éd. Vieux Temps, 2009, coll. Renaissance, p. 27-28