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De Colnet Jean

Socio-économique, Entreprise

Pays wallon XVIIe siècle


Descendants de la fameuse famille des maîtres-verriers Colnet (Colinet), connus en pays wallon depuis le XVe siècle, plusieurs « Jean de Colnet » apparaissent comme les figures de proue de cette dynastie au XVIIe siècle. Sur les liens de parenté unissant les uns aux autres, la prudence reste toutefois de mise, en raison de l’absence de sources très précises. Les archives font cependant état, avec certitude du privilège d’exploiter une verrerie à Jumet, aux Hamendes, accordé par les archiducs Albert et Isabelle à un Sir de Colnet en 1599. La même année, Jean et Pierre Colnet sont traités de la même façon pour leurs établissements installés à Ways-Bousval, Thy et Baisy, confirmant la présence des Colnet aussi en Brabant wallon.

Mais la prospérité d’antan des Colnet souffre de plusieurs facteurs. Le remplacement progressif de l’emploi du charbon de bois par la houille dans les fours des verreries a une conséquence importante dès la première moitié du XVIIe siècle. La qualité des charbons maigres du pays de Charleroi y attirent les maîtres-verriers. Par ailleurs, Anvers a obtenu un monopole absolu sur les productions à la manière de Venise. À Liège, les Bonhomme sont de redoutables concurrents. Enfin, les troubles provoqués par les guerres de religion font fuir les ouvriers étrangers. En quelques années, les Colnet ont dû vendre Momignies et fermer progressivement Leernes, Froidchapelle et Beauwelz, celle-ci en 1620. L’heure est à la reconversion…

En 1614, un Colnet sert comme trésorier général le duc de Croy. Vers 1655-1659, deux Colnet travaillent à Liège dans les verreries de la famille Bonhomme. On retrouvera encore des Colnet, fondateurs de verreries au XVIIIe siècle, à Gand, à Bruges (Arnould-Joseph y est le plus gros producteur de bouteilles) et à Dunkerque, voire en Angleterre. 

Attirés par la présence du charbon, des Colnet s’installent à Lodelinsart, à Gilly et encore à Jumet. Ils participent à l’exploitation d’une verrerie à Châtelet, pour laquelle le verrier italien Antoine Buzzone a obtenu l’octroi en 1636 ; elle sera reprise ensuite par Henry Bonhomme. En 1645, deux verreries fonctionnent à Charleroi et une à Hourpes ; elles sont aux mains de Jean, Roch et Guillaume Colnet. Dispersées dans la campagne, elles assurent une production de verres communs (verres à vitres, gobelets) ; seul Barbençon se singularise par le maintien d’une production de qualité originale.

Ayant hérité de leurs ancêtres un statut nobiliaire très particulier en raison de leur art si singulier, le Jean de Colnet qui est connu comme « maistre de la verrerie des Hamendes », à Jumet, au milieu du XVIIe siècle, use de son patronyme pour correspondre à son statut et bénéficier des avantages qui y sont liés. Pendant douze ans, Jean de Colnet devait jouir d’un privilège de fabrication exclusive pour son usine de Gilly, obtenu le 3 avril 1686, pour l’ensemble des Pays-Bas. Il aura l’obligation de marquer ses verres à son coin et d’établir un magasin dans les principales villes des Pays-Bas ; l’exclusivité qu’il avait obtenue sous prétexte que l’industrie verrière de la région était anéantie devait lui permettre de fabriquer aussi bien des bouteilles, des gobelets que du « verre de vitre en table ». Propriétaire d’une verrerie à bouteilles dans le faubourg de Charleroi, Gédéon Desandrouin contestera en justice ce monopole (1688) et Jean de Colnet ne disposera plus de l’exclusivité que pour le verre à vitre, mais verra ce privilège renouvelé pour six ans, en 1695.

Par ailleurs, fabriquant de gobelets et de bouteilles, un Jean-Baptiste de Colnet, cousin de Jean de Colnet, obtient le droit d’installer à Gilly une verrerie fabriquant des vitraux peints (1686) ; son entreprise pâtira cependant de la prise de Charleroi, en 1693, par les armées françaises ; la Guerre dite de Neuf Ans (1688-1697) rend en effet particulièrement périlleuses toutes entreprises industrielles ou commerciales en pays wallon.

Par le truchement des Colnet, les contacts ont été nombreux, au XVIIe siècle, entre les verreries du pays de Liège et celles des terres hennuyères ressortissant aux Pays-Bas espagnols. Ils se poursuivront au XVIIIe siècle. Ainsi, un descendant d’un verrier altariste, Jacques de Castellano, épousera une Colnet, et œuvrera à la fois à Liège et à Charleroi, où il mourut en 1719. Sous le régime autrichien, les Colnet restent des maîtres-verriers actifs dans le pays de Charleroi, mais ils partagent la production avec d’autres familles, comme les Falleur, les Dorlodot, les Desandrouins, les de Condé ou les Foucault.
 

Sources

Virgile LEFEBVRE, La verrerie à vitres et les verriers de Belgique depuis le XVe siècle, Charleroi, Université du Travail, 1938
M. THIRY, Les verreries du Hainaut, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 93-103
Michel PHILIPPE, Naissance de la verrerie moderne XIIe-XVIe siècles. Aspects économiques, techniques et humains, Turnhout, Brepols, coll. dans De Diversis Artibus, XXXVIII, p. 80, 241-242, 402-403
Benoît PAINCHART, extrait de la revue Éclats de Verre, n°8 ; cfr www.genverre.com 
Raymond CHAMBON, Histoire de la verrerie en Belgique du IIe siècle à nos jours, Bruxelles, 1955
Hervé HASQUIN, Une mutation. Le « Pays de Charleroi » aux XVIIe et XVIIIe siècles. Aux origines de la Révolution industrielle en Belgique, Bruxelles, 1971, p. 71
http://afaverre.fr/Afaverre/bibliographie-de-raymond-chambon-concernant-le-verre/ 
Georges DANSAERT, Faire son chemin. Histoire de la famille Desandrouin, dans Documents et rapports de la Société royale paléontologique et archéologique de l’arrondissement judiciaire de Charleroi, Thuin, 1937, t. 37, p. 1-14, 19
E. CLOSE, Les gentilshommes verriers, dans Le Guetteur wallon, 1927, n°10, p. 203-217
La difficile gestion des ressources humaines autour d’un four de  verrerie à la fin de l’Ancien Régime en France par Stéphane Palaude, docteur en Histoire, Université de Lille 3
Adolphe-Jérôme BLANQUI, Dictionnaire du commerce et de l’industrie, Volume 4, p. 449
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 256
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 277
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 277