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Jean d'Ardenne né Léon Dommartin

Culture, Journalisme

Spa 11/09/1839, Paris 23/08/1919

Journaliste, considéré comme l’un des tout premiers correspondants de guerre de l’histoire, Léon Dommartin est principalement connu sous son pseudonyme de Jean d’Ardenne qui renseigne d’emblée de son intérêt pour la nature du pays wallon. Auteur de plusieurs guides touristiques à grand succès, il était un ardent défenseur des monuments, des paysages et des sites à une époque où la Révolution industrielle commençait à transformer drastiquement la Wallonie, et avant que la Première Guerre mondiale n’ajoute sa quote-part.

Durant ses études au Collège de Herve (1852-1858), Léon Dommartin développe à la fois le goût de l’écriture et celui de la nature. S’il œuvre un temps dans la libraire familiale Au point du jour, installée à Spa, sa ville natale, il s’oriente ensuite vers le journalisme. Fondateur du journal satirique Le Bilboquet qui ne vit que quelques mois (1864-1865), et où il défend Baudelaire, Dommartin prend ensuite ses quartiers à Paris, où il entame sa carrière dans un petit journal intitulé Gazette des étrangers. Avec le marquis Auguste de Villiers de l’Isle-Adam, il fonde en 1867 une publication hebdomadaire, La Revue des Lettres et des Arts à l’existence elle aussi éphémère et où il est chroniqueur musical. C’est à partir de ce moment qu’il transforme progressivement un amour romantique de la nature en un engagement que l’on pourrait qualifier d’écologique. En 1868, il entre au Gaulois et c’est pour ce journal qu’il suit avec attention la Guerre franco-prussienne de 1870. Il accompagne l’armée de Mac Mahon jusqu’à la débâcle de Sedan et ses reportages en font l’un des tout premiers correspondants de guerre de l’histoire. C’est au cours de ces événements qu’il croise la route de Lemonnier à Bouillon, avant de rentrer à Paris où il est témoin des événements de la Commune. Sa plume défend des idées républicaines et très libérales, pourfend les milieux cléricaux et conformistes, en maniant volontiers l’ironie. En 1870, sa sympathie va manifestement au peuple parisien.

Critique littéraire de Paris-Journal entre 1871 et 1874, il prend ensuite la direction de Bruxelles, s’installe à Ixelles et entre à la rédaction de la Chronique : il en devient le rédacteur en chef en 1896 et le restera jusqu’en 1914. Il sera aussi nommé bibliothécaire à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Grand voyageur, il parcourt l’Europe comme l’Afrique du Nord ou de l’Ouest, se rend à la mer du Nord ou séjourne en bord de Meuse dans la colonie d’artistes d’Anseremme, avec Rops et ses amis. Il fondera d’ailleurs L’Art libre avec Félicien Rops.

Le nom de plume Jean d’Ardenne, qui lui survivra, trouve son origine dans la publication, en 1881, d’un guide de L’Ardenne qui fera date et connaîtra plusieurs éditions, pour tenir compte de l’évolution des moyens de circulation et de l’évolution de l’offre touristique. Six ans plus tard, ses Notes d’un vagabond (1887) sont également fort appréciées. Ses descriptions des paysages bucoliques de Wallonie sont autant d’invitations au voyage. Le regard qu’il pose sur « son » Ardenne l’entraîne aussi à prendre fait et cause pour sa préservation, plus particulièrement à s’investir dans la défense des arbres, des sites et des maisons présentant un intérêt patrimonial.

Face au développement de l’industrie, il est l’un des premiers à attirer l’attention sur la nécessité de préserver la qualité des paysages. Dans une mesure certaine, il pourrait être qualifié de pionnier de l’écologie : dans ses articles, il dénonce en effet, par exemple, les rectifications des rives de la Haute-Meuse, l’introduction du chemin de fer dans la vallée de la Lesse, l’implantation de papetiers le long de l’Amblève, les pollutions des rivières par l’industrie, l’abattage des arbres pour permettre l’élargissement des routes ou des canaux, etc. En décembre 1891, il fonde la Société nationale pour la Protection des Sites et des Monuments en Belgique que présidera l’industriel Jules Carlier. En 1895, Léon Dommartin est encore parmi les fondateurs du Touring Club de Belgique destiné à faire connaître le pays auprès des visiteurs étrangers. Au moment de l’Exposition universelle de Liège, en 1905, une « Fête des Arbres » en Wallonie est organisée, le 25 juillet (Esneux) ; avec Léon Souguenet, Dommartin contribue à l’organisation de cette première ; à cette occasion, il est d’ailleurs élu à la présidence de la Ligue des Amis des Arbres.

Après sa mort survenue au lendemain de la Grande Guerre, Dommartin inspirera la création de nombreux cercles et associations de défense de la nature, comme l’Association pour la défense de l’Ourthe, Les Amis de l’Ardenne, le Comité de Défense de la Nature, etc.

Sources

Benjamin STASSEN, La Fête des Arbres. L’Album du Centenaire. 100 ans de protection des arbres et des paysages à Esneux et en Wallonie (1905-2005), Liège, éd. Antoine Degive, 2005, p. 14, 38
Joseph MEUNIER, Léon Dommartin, dans La Vie wallonne, mars 1935, CLXXV, p. 179-185