Ladrière Jean

Académique, Philosophie

Nivelles 07/09/1921, Ottignies 26/11/2007

Philosophe ayant marqué sa génération, penseur chrétien et intellectuel engagé, Jean Ladrière a été honoré de son vivant par de multiples témoignages : docteur honoris causa de plusieurs universités étrangères, lauréat du Prix Solvay, professeur invité, membre de plusieurs académies, ses ouvrages ont été traduits en plusieurs langues.

De mère arménienne, Jean Ladrière est né à Nivelles où son père, architecte, s’est notamment occupé de la rénovation de la collégiale. Comme de nombreux Wallons de sa génération, la Seconde Guerre mondiale vient troubler sa jeunesse. Engagé volontaire au sein de la Brigade Piron (1944-1945), alors qu’il venait à peine de terminer ses humanités au Collège sainte-Gertrude de Nivelles, il reprend le fil de ses études à l’Université catholique de Louvain : licencié en Sciences mathématiques puis en Philosophie, il défend sa thèse de doctorat en 1949, est chercheur FNRS (1948-1954), avant de suivre la carrière académique au sein de son Université, à Leuven d’abord, à Ottignies ensuite. Professeur ordinaire (1959-1986), il enseigne à l’Institut supérieur de Philosophie de l’UCL.

Après avoir analysé les fondements de la logique formelle et l’épistémologie des mathématiques, il s’ouvre aux domaines de l’économie, de l’histoire et des sciences. « C’est par ses cours que Louvain découvre Wittgenstein et Popper, Chomsky et Habermas. Il fonde un centre de philosophie des sciences auquel aucun domaine du savoir n’est étranger. Ses mythiques séminaires du vendredi après-midi explorent la cybernétique et la théorie des catastrophes, la théorie de l’évolution et la théorie de la justice, la métaphysique de Whitehead et le marxisme contemporain » (Hommage… 99970). Menant de front une activité d’enseignant, de chercheur et de théoricien, Ladrière s’inscrit aussi dans les principaux débats de son temps. Ainsi, en 1968, s’interrogeant sur L'Université et l'Église de Wallonie, il réfléchit aux enjeux du Walen buiten et observe, notamment, que la nouvelle université aura à s’intégrer de façon plus réelle et plus effective à la communauté wallonne.

Participant aux réflexions liées à la revue française Esprit d’Emmanuel Mounier, ainsi qu’à la revue Route de Paix, il participe à la création du CRISP et aux travaux de la Revue nouvelle, mais il est surtout un auteur fécond, à la bibliographie aussi abondante que vivifiante, influente et diversifiée. Les problématiques qu’il développe concernent à la fois les rapports entre les sciences et la foi, les interactions entre philosophie du langage et théologie, l’impact de la science et de la technologie sur les cultures, et les rapports entre la foi et la raison. Attachant un intérêt soutenu à la philosophie sociale, il se montre constamment préoccupé par la question de l’éthique et de ses fondements, ainsi que par la dimension historique de la raison. « Epistémologie, anthropologie, éthique, philosophie politique se voient articulées dans une dynamique où la vie de la raison est bien à l’œuvre, mais où la finitude de la raison empêche tout clôture dogmatique » (B. Feltz).

 

Sources

B. FELTZ, Mémoires de Wallonie, Les rues de Louvain-la-Neuve racontent…, Luc COURTOIS (dir.), Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 2011, p. 240-241
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. IV, p. 267