Lagarde Marcellin

Culture, Folklore, Lettres wallonnes

Sougné 02/12/1818, Saint-Gilles (Bruxelles) 28/10/1889


De cet auteur wallon fécond du milieu du XIXe siècle, trois œuvres ont réussi à traverser le temps : Le Val d’Amblève. Histoire et légendes ardennaises (1858), puis Histoire et légendes du Val de Salm (1865) et Le Val de l’Ourthe, publié après le décès de Marcellin Lagarde, souvent considéré comme l’écrivain du folklore ardennais. Sans difficultés, les nombreux écrits de Lagarde (ou La Garde) – poète ou prosateur – le classent parmi les romantiques de son temps.

Sa famille était pourtant originaire du Midi de la France. Elle avait migré au pays de Liège au XVIIIe siècle et le père de Marcellin s’était porté acquéreur des domaines du vieux couvent des Capucins de Sougné-Remouchamps et de leurs dépendances, biens qui avaient été confisqués et vendus comme biens nationaux. Rapidement, l’endroit devient une sorte de haltes pour les voyageurs, notamment pour ceux qui sont attirés par les grottes de Remouchamps. C’est là que grandit le jeune Marcellin-François Lagarde, instruit par le curé de Dieupart qui, outre la lecture, l’écriture et le calcul, l’empreigne d’histoires et de contes locaux.

Quand il arrive à Liège, en 1837, le jeune Lagarde vient suivre les cours de Droit à l’Université de Liège, mais la littérature l’attire davantage et il se retrouve rapidement dans un bureau de rédaction au journal liégeois L’Espoir : il y publie nouvelles, chroniques historiques et fantaisies où la cité de Liège est omniprésente. En 1843, il parvient à être nommé au poste d’historiographe au Ministère de l’Intérieur. Installé à Bruxelles, il est chargé de travaux historiques pour le gouvernement belge. Il réalise alors un cours de Droit constitutionnel destiné à présenter de manière pédagogique la Constitution de 1830 dans les Athénées et les écoles moyennes. L’historien se penche sur l’histoire du Luxembourg et sur les origines de la frontière linguistique dans l’ancien duché. Il rédige aussi une Histoire du duché de Limbourg. C’est aussi le moment de deux recueils de poèmes qu’il adresse à Lamartine. En 1848, il est désigné à l’Athénée d’Arlon, comme professeur d’histoire. Trois ans plus tard, il est envoyé à l’Athénée d’Hasselt, comme titulaire de la charge de rhétorique ; c’est là qu’il achève sa carrière, en 1879. Certaines sources en font le préfet de l’Athénée limbourgeois.

Critique littéraire, il est aussi critique d’art et l’un de ses mérites est d’avoir fait découvrir au public l’œuvre d’Antoine Wiertz, peintre que Lagarde côtoya tout au long de son existence. Gagné par le goût de l’écriture, Lagarde sera toujours aidé par son épouse, femme cultivée, polyglotte, qui l’accompagnera dans sa démarche littéraire en étant celle qui écrit les phrases que l’écrivain prononce à haute voix. Après avoir publié de premières études à caractère historique, en tout en continuant à collaborer à plusieurs journaux, La Garde s’essaie au roman historique (Le dernier jour de Clairefontaine, 1850 et Le dernier sire de Seymerich, 1851) en plongeant ses personnages dans la période charnière aux événements de 1789 ; il publie alors ses premiers contes, genre dans lequel il conquiert ses lettres de noblesse, principalement avec Le Val d’Amblève. Histoire et légendes ardennaises (1858), puis Histoire et légendes du Val de Salm (1865). S’inscrivant dans le courant romantique de son temps, ses histoires sont le plus souvent inventées ou inspirées de chroniques ayant marqué les esprits. Évoquant le bien et le mal souvent représenté par le diable, elles constitueront progressivement les principaux récits du folklore ardennais. Loin d’avoir collecté des traditions orales ou populaires, Lagarde a essentiellement fait confiance à son imagination fertile et brodé sur des bribes et morceaux de petites histoires. Il utilise parfois des croyances étrangères qu’il attribue aux Wallons et, par son succès, introduit des confusions. Les contes de Lagarde ont souvent effacé de la mémoire collective des légendes plus anciennes.

En 1870, il fonde une revue qu’il appelle L’Illustration européenne et où il fait paraître en feuilleton des romans mélo-dramatiques, ainsi que des contes, des nouvelles et des chroniques de fantaisie (il renoue avec ses années passées à L’Espoir). La longue présence de Lagarde en pays flamand influence le professeur wallon : ses tentatives pour maîtriser la langue flamande sont vaines ; il ne se sent pas chez lui ; il a le mal du pays ; ses heures de loisir, il les occupe dès lors tantôt à la promenade dans la vallée du Geer, tantôt à l’écriture, sa plume s’évadant vers sa chère Wallonie ou dans la relation de ses ballades solitaires. Certains contes écrits dans les années 1870 – Le Tresseur de Roclenge, Les Templiers de Visé, Le Faux Patacon, Le cilice de paille – sont inspirés par cette atmosphère.
Écrivant la plupart des textes (sous son nom et sous les pseudonymes Georges Galdaer, Le Masque de Verre, Mme Euphrosine B., soit le prénom de son épouse et la première lettre de son nom de famille, etc.), il restera le directeur et le rédacteur en chef de cet hebdomadaire à succès, publié à Bruxelles jusqu’à son décès, à Saint-Gilles, en 1889.
Conférencier très apprécié, Lagarde évite de se mêler à la politique belge, malgré plusieurs sollicitations. En signant une brochure intitulée De la réconciliation des catholiques et des libéraux, il n’avait cependant pas fait mystère de ses préférences à l’égard de l’unionisme (1841) ; vingt ans plus tard, il rédigera, sur commande, une Brabançonne des ouvriers. C’est à titre posthume que seront publiés, en 1929, Contes et légendes de la Basse Meuse et Le Val de l’Ourthe. Histoire et légendes ardennaises. Après quelques années de purgatoire, l’écrivain wallon reviendra séduire nombre de lecteurs à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle.

 

Sources

Marcellin La Garde, Récits de l'Ardenne, Bruxelles, Labor, 1992, collection Espace Nord, n°80
Georges LAPORT, dans La Vie wallonne, octobre 1926, LXXIV, p. 130-142 ; novembre 1926, LXXV, p. 147-154
La Vie wallonne, août 1931, CXXXIII, p. 526-533 ; septembre 1930, p. 31-32 ; décembre 1933, CXLIX, p. 191-194 ; 1948, II, n°242, p. 106-112 ; 1984, n°394-395, p. 183-185 ; 1985, n° 392, p. 183-184
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 54

 

Œuvres principales

Guillaume de La Marck, Le sanglier des Ardennes, 1839 (roman)
Histoire du Luxembourg, 1839 (récit historique)
Sur un balcon, 1840 (roman)
Une Marguerite des Ardennes, 1841 (roman)
De la réconciliation des catholiques et des libéraux, 1841 (écrit politique)
Grains de Sable, 1842 (recueil de poèmes)
Harpes chrétiennes, 1843 (poèmes)
Réalités et chimères, 1846 (recueil de poèmes)
Histoire du duché de Luxembourg, 2 tomes, c. 1845 (récit historique)
Les bords de la Meuse, 1846 (recueil de poèmes)
Histoire et géographie combinées du royaume de Belgique, 1847
Histoire du duché de Limbourg, c. 1848 (récit historique)
Le dernier jour de Clairefontaine, 1850 (roman historique)
Notions sur les institutions constitutionnelles et administratives de la Belgique, précédées d’un aperçu de l’ancien droit public belge, 1851 (une 2e édition paraît en 1855 sous le titre Catéchisme du Droit constitutionnel belge ancien et moderne… ; une 3e en 1868 sous le titre Cours populaire de Droit constitutionnel belge ancien et moderne)
Les récits de la Vesprée, 1851 (contes)
Biographie luxembourgeoise, 1851 (récit historique)
Le dernier sire de Seymerich, 1852 (contes)
La sœur de charité, 1852 (recueil de poèmes)
Le Jubilé de Hasselt (1125-1854), 1854 (ode)
L’atelier de Wiertz, 1856 (critique d’art)
L’enfant du carrefour maudit, c. 1856 (drame)
Le Val d’Amblève. Histoire et légendes ardennaises, 1858 (contes)
Les maîtres communiers ; tableaux dramatiques de la naissance et des progrès de la bourgeoisie, 1861 (récit historique)
La Brabançonne des ouvriers, 1864 (chant patriotique ouvrier, commande)
Histoire et légendes du Val de Salm, 1865 (contes)
Jonas le Corbeau ou Les châteaux de Wanne et de Sclassin, 1865 (contes)
Houpral-le-Nuton. Légende, 1869 (contes)
La voie du châtiment, c. 1870-1880
La tache au front, c. 1870-1880
Née pour souffrir, c. 1870-1880
Le brigand Jéna et l’avocat liégeois, s.d. (nouvelle)
Le baron de Jamagne, s.d.  (drame)
Le Val de l’Ourthe, 1929 (posthume, édité par La Vie wallonne)
Contes et légendes de la Basse Meuse, 1929 (rassemblant notamment Le Tresseur de Roclenge (c. 1875), Le cilice de paille (c. 1872), Les Templiers de Visé, Faux Patacon, Récits des bords du Geer)