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Lambotte Thiéry

Socio-économique, Entreprise

Wavre ( ?), Namur circa 1657-1659


En pays wallon, depuis plusieurs générations, l’industrie du verre se concentre principalement dans le Hainaut. Au XVe siècle, des familles d’origine italienne font évoluer les techniques, de même que des Lorrains. Le plus souvent, une fournaise est implantée en un endroit et des verriers ambulants obtiennent le droit de fabrication. Le comté de Namur paraît quelque peu à l’écart d’une activité qui s’implante aussi en principauté de Liège et dans la partie romane du Brabant, et est principalement contrôlée par la famille des Colnet. Dans la première moitié du XVIIe siècle, Thiéry Lambotte va tenter d’introduire durablement la fabrication du verre dans le Namurois et, si son entreprise n’est pas couronnée du succès qu’il espérait, il reste l’un des premiers verriers, sur le continent européen, à avoir recours à la houille à la place du charbon de bois (1643).

Originaire de Wavre où son père faisait commerce du verre, Thiéry (ou Thiry) Lambotte vient s’installer dans le Namurois à l’entame du XVIIe siècle. En fait, son père Jean avait dû essuyer les plaintes des marchands de verre de Namur se plaignant qu’un « étranger » puisse fournir les vitres du collège des Jésuites de la cité mosane. Ne parvenant pas à trouver place lui-même au sein du métier des merciers de Namur, Jean fait admettre son fils, Thiéry (1619), qui, très vite, est inscrit dans la bourgeoisie de Namur (1622). Marchand de verre à vitres et miroirs, il s’approvisionne auprès de verriers Lorrains établis à Baisy-Thy. Jusque dans les années 1630, ses affaires sont prospères, mais il cherche à se démarquer en se présentant comme « peintre sur verre ».

Par ailleurs, le contexte est troublé par les guerres à répétition dans l’espace wallon ; le climat d’insécurité a fait fuir les verriers étrangers, le verre se raréfie et, par conséquent, le verre de Hollande tend à envahir le marché des Pays-Bas, en même temps que le prix du verre est en forte hausse au milieu des années 1620. En 1625, Lambotte plaide si bien sa cause qu’il obtient aisément l’autorisation d’établir à Namur « une fabrique pour faire du verre propre à faire verrières ». Ayant obtenu les privilèges nécessaires pour construire ses propres fours, il reste pourtant tributaire des ouvriers lorrains pour assurer sa production. Le sol namurois paraissant présenter des qualités particulières pour la verrerie, Lambotte doit découvrir les secrets des maîtres verriers lorrains, s’il veut fabriquer lui-même un verre de qualité.

Longtemps, on a cru que Thiéry Lambotte avait été le premier fabricant de verre dans le Namurois. En fait, il a surtout été un entrepreneur et un homme d’affaires décidé à créer une nouvelle industrie, en s’entourant de gens compétents et en incitant des partenaires à investir leurs capitaux. Vers 1626-1627, sa fournaise voit le jour à Namur. Une autre apparaît à Rivière en 1630, quand un nouvel investisseur, Juste Damant, entre en scène. La fournaise est transférée à La Foliette, en 1636. Tributaire des Lorrains, ainsi que de l’augmentation du prix du bois, Lambotte tente de faire venir des ouvriers anglais pour « cuire à la houille » et se démarquer des cuissons sur bois traditionnelles.

Malgré ses nombreuses tentatives, Lambotte ne parviendra jamais à ses fins, d’autant que la guerre entre l’Espagne et la France sème le désordre dans la vallée de la Sambre. Profitant de leurs secrets, les Lorrains (en fait, quatre familles : les Thietry, Tisaque, Bisval et surtout Hennezel) viendront s’installer dans le Namurois ; en 1651, Josué de Hennezel s’associera même avec Lambotte, avant de devenir son concurrent en installant une fournaise au quartier de la Neuville (1653). Lambotte, quant à lui, cherchera à installer un four à verre dans le Hainaut voisin (1654).

S’il n’est ni l’inventeur d’une nouvelle technique, ni un entrepreneur récompensé de ses efforts, Thiéry Lambotte a réussi à introduire durablement la fabrication du verre dans le Namurois et est l’un des premiers (avec des Normands et les Liégeois Bonhomme et Libon), sur le continent européen, à avoir recours à la houille à la place du charbon de bois (1643) ; le procédé avait été utilisé en Angleterre vers 1616-1619. L’un des fils Lambotte ou peut-être un petit-fils établira plus tard une verrerie à la façon de Venise dans la région de Madrid.
 

Sources

Édouard GARNIER, Histoire de la verrerie et de l’émaillerie, Tours, 1886, p. 162-163, 165, 311
Dictionnaire biographique namurois, sous la direction de Fr. JACQUET-LADRIER, Numéro spécial de la revue Le Guetteur wallon, n°3-4, Namur, 1999, p. 152
Revue du Conseil économique wallon, n° 47, novembre 1960, p. 64-66
Virgile LEFEBVRE, La verrerie à vitres et les verriers de Belgique depuis le XVe siècle, Charleroi, Université du Travail, 1938, p. 22
Raymond CHAMBON, Les Verreries forestières du Pays de Chimay du XIIe au XVIIIe siècle d’après les documents d’archives, dans Publications de la Société d’histoire régionale de Rance 1959-1960, Chimay, 1960, t. IV, p. 111-180
Raymond CHAMBON, Histoire de la verrerie en Belgique du IIe siècle à nos jours, Bruxelles, 1955, p. 104-105