no picture

Le Roy Guillaume

Culture, Edition

Liège date inconnue, Lyon 1493

Traditionnellement, on accorde à Gutenberg de Mayence la paternité de l’imprimerie et les historiens retiennent le début des années 1450 comme date du premier livre imprimé. Cette révolution gagne l’Europe, l’Italie et la France d’abord, l’Espagne et les provinces du nord ensuite. Les villes brabançonnes (Louvain et Bruxelles) et flamandes accueillent leur premier imprimeur sous le long règne de Charles Quint, tandis que le pays wallon attend 1558, année où des lettres de patentes sont accordées à Liège à Gautier Morberius. À de nombreuses reprises, les spécialistes se sont efforcés de trouver une date antérieure et un précurseur liégeois en la personne de Guillaume Le Roy. « (…) natif du Pays de Liège, il était donc Wallon, plutôt que Flamand » (Natalis Rondot), Le Roy est reconnu comme « l’introducteur de l’imprimerie à Lyon », mais n’est plus jamais revenu dans sa principauté natale, à laquelle il est cependant resté sentimentalement attaché.

Au lendemain des événements de 1468 qui ont vu le pillage, l’incendie et la destruction de Liège par les Bourguignons, Guillaume Le Roy est parti s’installer ailleurs. Il séjourne d’abord à Cologne, puis à Bâle et à Beromünster, avant d’arriver à Lyon. En cours de route, il aurait fait la rencontre d’Ulrich Gering, l’un des prototypographistes parisiens et pourrait bien avoir fait un stage à Venise si le Guillelmus Gallus qui est signalé là-bas en 1477 correspond à ce Guillaume venu de Gaule…

Appelé à Lyon par Barthélemy Buyer, un très riche marchand, bourgeois et notable de la ville, sorte de pionnier du capitalisme moderne, Guillaume Le Roy conclut avec lui un contrat d’exclusivité que les deux hommes respectent mutuellement jusqu’à son échéance vers 1479. Captant à son profit les qualités de Guillaume Le Roy, Buyer installe le Liégeois dans son installation, lui fournit le matériel, choisit les titres et fait imprimer ce que bon lui semble. En réalisant le Compendium breve du cardinal diacre Lothaire (futur Innocent III) le 14 septembre 1473, Guillaume Le Roy devient le premier imprimeur de la ville de Lyon. D’autres titres suivront, en langue vulgaire le plus souvent, et l’édition de La Légende dorée de Jacques de Voragine, en 1476, est considérée comme le premier livre imprimé en français. Une Bible en français est aussi imprimée à cette époque.

En 1480, les routes de Le Roy et de Buyer se séparent et l’imprimeur liégeois devient indépendant : il accroît son matériel, acquiert de nouvelles fontes et se spécialise dans l’édition en langue française. Jusqu’en 1488, il continue d’imprimer sur son papier, orné d'un filigrane représentant une roue dentée, qui constitue sa marque de fabrique respectée de tous. Parmi les nombreux titres (112) sortis de ses ateliers, on trouve une Énéide en français, les Quatre fils Aymon, ainsi qu’un ouvrage de Jean de Mandeville, un autre Wallon… Particulièrement bien intégrés dans la cité lyonnaise, ses enfants s’y distingueront de diverses manières ; ainsi Guillaume sera un peintre fort apprécié.

 

Sources

La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 14-15
Dictionnaire des imprimeurs et libraires lyonnais au XVe siècle, dans Frédéric BARBIER (dir.), Le berceau du livre : autour des incunables. Etudes et essais offerts au professeur Pierre Aquilon par ses élèves, ses collègues et ses amis, Bordeaux, Société des bibliophiles de Guyenne, numéros spéciaux de Revue française d’histoire du livre, Genève, Droz, 2003, n°118-121, p. 216, 236-237
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 285
Natalis RONDOT, Les peintres de Lyon du quatorzième au quinzième siècle, Paris, Plon, 1888, p. 66-67
Alice & Henri JOLY, À la recherche de Guillaume Leroy « Le peintre », dans Gazette des Beaux-Arts, mai 1963, p. [279]-291