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Raoux Adrien-Philippe

Culture, Littérature

Ath 02/12/1758, château de Rêves 29/08/1839

Bénéficiant de l’aisance matérielle de sa famille, Adrien-Philippe Raoux mène des études de Droit à l’université de Louvain et s’inscrit comme avocat près le Conseil souverain de Hainaut. Ses qualités lui valent rapidement d’être nommé commissaire d’intendance au district de Mons (1787), puis d’être désigné comme échevin de Mons (juin 1788), avant de se voir confier l’une des sept places de conseillers auprès du Conseil souverain (juin 1789). La Révolution brabançonne (20 novembre) l’empêche de siéger et le pousse à se réfugier à Bavay. Catholique, satisfait des institutions en place et de l’autonomie acquise au fil du temps par le comté de Hainaut, Raoux acceptera d’être réintégré dans ses fonctions lors de la première restauration. En fait, il est aussi opposé aux réformes de Joseph II, empereur qui, depuis Vienne, entendait moderniser l’organisation des Pays-Bas, qu’à celles de la République française qui dissout l’ancien comté dans un nouveau département de Jemmapes. 

Lors de cette absorption, en 1795, Raoux s’affirme belge et opposé à la disparition des anciennes coutumes. Opposé à l’incorporation des anciens Pays-Bas à la République, il n’exerce aucune fonction publique jusqu’en 1815. Avocat à Bruxelles, il s’y constitue une clientèle aisée qui lui assure son indépendance. Dès la formation du royaume des Pays-Bas, il se moule dans les nouvelles institutions. Promu conseiller d’État dès octobre 1815, distingué par Guillaume d’Orange, appelé à siéger au sein de la Commission du culte catholique (1823), il devient directeur de l’Académie de Bruxelles en 1827, fonctions qu’il abandonne, prétextant son « grand âge », après les événements de 1830.

Depuis sa naissance à Ath en 1758, jusqu’à son décès survenu quelque temps à peine après la signature du Traité des XXIV articles, Adrien-Philippe Raoux a sans cesse été confronté à un monde en totale transformation, ce qui suscite chez lui maintes réflexions juridiques mais aussi politiques qu’il livre sous forme de mémoire ou de dissertation lors de concours, d’initiative propre, et davantage encore durant les années où il fut membre de l’Académie des Sciences et des Belles Lettres (1824-1832), puis oisif (1832-1839). Ernest Matthieu a relevé une quinzaine de textes significatifs ; nous en retiendrons quelques-uns. On a déjà évoqué sa prise de position, le 26 septembre 1795, devant le Comité de salut public, à Paris : son Mémoire sur le projet de réunion de la Belgique à la France réclame la reconnaissance de la Belgique comme État indépendant et le rétablissement des anciennes constitutions provinciales. 

Trente ans plus tard, il dépose à l’Académie un Mémoire en réponse à la question (…) : 
Quelle est l’origine de la différence qui existe, par rapport à la langue, entre les provinces dues flamandes et celles dites wallonnes ? À quelle époque cette différence doit-elle être rapportée ? Quelle est la raison pourquoi des contrées qui faisaient partie de la France parlent le flamand, et d’autres, qui appartiennent à l’empire germanique, se servent exclusivement de la langue française ? (1824) L’année suivante, il propose un Mémoire sur l’ancienne démarcation des pays flamands et wallons aux Pays-Bas (1825), avant de présenter une Dissertation historique sur l’origine du nom de Belges et sur l’ancien Belgium (1826). La loi salique, le statut du Hainaut et des chartes, ainsi que le règne de Charles Quint retiendront encore l’attention de ce juriste-historien s’interrogeant sur son identité et celle de ses contemporains. Il est peut-être l’un des tout premiers à s’interroger de manière aussi explicite sur les origines de la frontière linguistique ; en tout cas, il est le premier à présenter une carte définissant clairement et explicitement les limites d’un espace wallon.

 

Sources

Ernest MATTHIEU, dans Biographie nationale, t. XVII, col. 697-704
Daniel DROIXHE, Les langues des anciens Belges selon Adrien-Philippe Raoux et quelques auteurs de son temps (1800-1850), dans Jacques-Philippe SAINT-GÉRAND (éd.), Mutations et sclérose : la langue française 1789-1848, Stuttgart, Steiner, 1993, p. 32-42 (Zeitschrift für französische Sprache und Literatur : Beihefte; N.F., H. 21)