Socio-économique
27 juin 1932 – 10 septembre
Dix semaines de grève contre la "misère au Borinage"

Deuxième secteur d’activité industrielle après la sidérurgie, les charbonnages contribuent à la reprise économique au lendemain de la Grande Guerre. À ce moment, le salaire des mineurs est établi en intégrant l’évolution du prix du charbon industriel, critère positif en période de haute conjoncture. Mais les conséquences du Crash de Wall Street, en octobre 1929, finissent par atteindre l’Europe et, au printemps 1932, on compte plus de 500.000 chômeurs, pour une part indemnisés pour une autre sans compensation. L’annonce des patrons charbonniers borains de baisser unilatéralement les salaires de 5% provoque un mouvement de grève qui démarre, le 30 mai, au Grand Trait et se propage aux autres fosses. Le mouvement s’accentue quand la baisse salariale devient effective et s’accompagne de près de 500 licenciements au Levant de Mons (22 juin). Elle prend une dimension insurrectionnelle lorsque, le 27 juin, le gouvernement décide de raboter les allocations de chômage. C’est la goutte qui fait déborder le vase.

Le 1er juillet, tous les Borains se croisent les bras, plus exactement sont prêts pour le « grand soir » ; le 4, une manifestation à Bruxelles ne calme pas les esprits ; le 5, ils sont 35.000 dans les rues de Mons ; le 6, le Centre débraye, les femmes sont dans la rue, solidaires ; ensuite c’est le pays de Charleroi ; les événements de 1886 reviennent dans les esprits quand le château du directeur de La Providence, à Dampremy, est incendié, tandis que les forces de l’ordre multiplient les interventions musclées, sur fond d’opposition entre leaders socialistes et communistes ; dans la région de Charleroi, plusieurs Maisons du Peuple, symboles du POB, sont occupées par les grévistes. Alors que l’on évoque un complot communiste, Julien Lahaut est arrêté, témoignage de la participation des Liégeois au mouvement. L’état de siège est décrété dans les régions minières et plusieurs centaines de gendarmes et de militaires à cheval quadrillent les corons, avant de reprendre possession de la rue (12 et 13 juillet). L’appel à la reprise du travail lancé par le POB est suivi partiellement et isole les mineurs qui continuent la grève jusqu’au 10 septembre ! Ils sont encore 100.000 en grève en août dans le pays wallon. Avec une hausse de salaire de 1% et la promesse d’un réembauchage complet dans le Borinage, les mineurs finissent par reprendre le chemin du travail en maugréant.

Au-delà des enjeux politiques et financiers de l’épreuve sociale, l’événement a mis en lumière la véritable misère dans laquelle vivait alors le Borinage. Il n’est pas étonnant que, dès septembre, les cinéastes Henri Storck et Joris Ivens y posent leur caméra et réalisent leur fameux documentaire « Misère au Borinage ».