Costa Lefkochir, La mémoire révélée. 1995
Namur (Jambes), place de la Wallonie, bâtiment 1. Hall accessible aux heures de bureau
Pour animer le premier hall d'accueil du bâtiment, l'artiste Costa Lefkochir a donné la pleine mesure de ses qualités de peintre, sur deux grandes peintures murales couvrant la totalité des murs (3 x 12 m chacune). Au coeur d'un jaune solaire, se répand une forme noire, freinée dans son explosion par le poids de sa propre matière. Epaisse, elle se développe et libère des émanations sombres qui se mélangent au jaune dominant pour produire une gamme de teintes, allant des brunes terriennes à des oranges lumineuses. La grande peinture murale permet au peintre d'instaurer un dialogue dynamique avec l'espace pictural. Son geste doit être juste : il faut masquer les surfaces qui doivent s'ouvrir, laisser saillantes les autres, amplifier les nuances. Plus que jamais, la peinture exige l'engagement du peintre dans un corps à corps intense. Le mur en porte les traces, mais celles-ci ne sont pas les cicatrices douloureuses qu'il faudrait cacher. Elles sont justes et mesurées. L'épanchement lyrique reste précis ; il ne cède ni au hasard, ni à l'aléatoire.
Au coeur même de la forme, se révèlent en filigrane des fragments de papier journal. C'est là, en son noyau vital, que la forme noire conserve la mémoire du temps qui s'écoule. Des extraits où sont compilés les catastrophes humaines, les événements planétaires, les drames et déceptions qui peuplent le quotidien, et parfois les instants de bref bonheur qui éclairent la vie et la rendent possible. La peinture de Lefkochir se veut un appel à la conscience, à la compréhension de l'histoire comme moyen de progrès pour l'humanité. "Qui ne connaît pas le passé est condamné à le revivre" avait écrit le philosophe américain d'origine espagnole, George Santayana (1863-1952). Cette phrase résume parfaitement la démarche de l'artiste. Cette réalisation monumentale clôt d'ailleurs un cycle que l'artiste avait consacré au Mahatma Ghandi.
Focus sur la place de la Wallonie à Jambes
L'évolution constitutionnelle de la Belgique accordant de plus en plus de compétences aux pouvoirs fédérés, la jeune Région wallonne a, dès le début des années 1990, dû trouver l'espace nécessaire à l'installation de ses nouveaux services administratifs. Lors des premières constructions des futurs bâtiments régionaux, c'est le décret pris par la Communauté française (pourcents applicables à l'intégration d'oeuvre d'art) qui fut d'application (immeubles Tilot et Bovesse II).
Rapidement toutefois, la Région, pressée de réussir son implantation dans sa nouvelle capitale, a mis en place sa propre commission des Arts. Avant même d'être officiellement créée, celle-ci a dû plancher sur l'organisation de quatre concours, destiné à l'aménagement du nouveau complexe architectural que la Région était en train d'ériger, sur la nouvelle place de la Wallonie, à Jambes.
Ces concours portaient sur l'aménagement du patio principal et des halls d'accueil des trois bâtiments. Les lauréats désignés ont été Françoise et Georges Pirson (Patio), Costa Lefkochir (Hall du bâtiment I), Francis Dusépulchre (hall du bâtiment II), et Anne Mortiaux (hall du bâtiment III)