Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Alfred DEFUISSEAUX

Monument Alfred Defuisseaux, réalisé par Paul Du Bois, 1er juin 1905.


Située au cœur de Frameries, sur une place qui porte son nom, l’imposante statue d’Alfred Defuisseaux (1843-1901) rend hommage à un homme politique ayant œuvré en faveur de l’amélioration de la condition ouvrière, ainsi qu’en témoignent les autres personnages du monument. Œuvre du sculpteur Paul Dubois (Aywaille 1859 – Uccle 1938), le monument a été inauguré le 1er juin 1905, soit moins de quatre années après la disparition de l’auteur du fameux Catéchisme du Peuple. Il s’agit là certainement du premier monument établi dans l’espace public wallon rendant hommage à une personnalité socialiste.


Dans la région de Mons et du Borinage, le nom des Defuisseaux est bien connu au XIXe siècle. Tous trois parlementaires, les frères Léon (1841-1906), Alfred et Fernand (1848-1912) sont les petits-fils d’un bijoutier ayant tenu commerce sur la place de Mons, et les enfants d’un avocat, héros de 1830, qui délaissa le barreau et la politique pour prendre la direction de la Manufacture de Porcelaine de Baudour. Issu d’un milieu bourgeois acquis aux idées libérales, Alfred s’engage en politique pour défendre des idées « socialistes » et obtenir le suffrage universel pur et simple. Avocat comme son frère Léon, Alfred est l’auteur du pamphlet rédigé sous forme de dialogues qui, distribué à 200.000 exemplaires au début de l’année 1886, doit contribuer à la mobilisation des masses en faveur du suffrage universel. Son initiative est cependant largement débordée quand éclate l’insurrection spontanée du « printemps wallon » de 1886. 

Accusé d’en être l’un des instigateurs, Alfred Defuisseaux – qui s’est réfugié en France – est condamné à six mois de prison. Persuadé que seule la grève générale immédiate peut permettre l’émergence du suffrage universel et de la république, il entre en désaccord avec le POB naissant et crée le Parti socialiste républicain (1887). Affaibli par les manœuvres de la gendarmerie et de la Sûreté de l’État, le PSR finira par intégrer le POB et, en 1894, lors des premières élections législatives au suffrage universel masculin tempéré par le vote plural, le tribun Defuisseaux est l’un des 28 premiers députés socialistes, tous élus en Wallonie. De retour au pays, l’ancien ténor du Barreau de Mons siègera à la Chambre jusqu’à sa mort, en 1901.
 

C’est pour honorer son « héraut » que la très active Fédération boraine du POB décide de lui élever un monument significatif. Sa conception est confiée au sculpteur Paul Dubois. Originaire d’Aywaille, où il grandit dans un milieu de la petite bourgeoisie, il dispose d’une aisance suffisante pour bénéficier d’une formation de sept ans à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1877-1884), où il est tour à tour l’élève de Louis François Lefèbvre, de Jean-Joseph Jaquet et d’Eugène Simonis, avant de profiter des conseils de Charles Van der Stappen. Condisciple de Rombeaux, Rousseau et Bonnetain, notamment, Paul Dubois remporte le prix Godecharle 1884 qui le place d’emblée parmi les sculpteurs les plus prometteurs de sa génération. C’est de cette époque que remonte cette signature – Du Bois – qui doit lui permettre de se distinguer de son parfait homonyme français, voire de Fernand Dubois.


Son œuvre variée et abondante (près de 200 sculptures) ne démentira pas cette entrée remarquée parmi les sculpteurs de son temps. Après trois années passées à visiter les musées d’Europe, l’artiste wallon installe son propre atelier à Bruxelles, avec Guillaume Van Strydonck. Ouvert à l’avant-garde sans renier son attachement à la Renaissance, membre-fondateur du groupe bruxellois d’avant-garde le Cercle des XX, puis de la Libre Esthétique, il excelle dans les portraits quand lui parviennent les premières commandes officielles de la ville de Bruxelles. Sans abandonner des œuvres de son inspiration qui sont remarquées et primées lors de Salons et d’Expositions à l’étranger, il réalise le monument Félix de Mérode (Bruxelles, 1898) qui symbolise le début de son succès. 

En 1900, il est nommé professeur à l’Académie de Mons (1900-1929) et, deux plus tard, il est chargé du cours de sculpture ornementale (1902-1905), puis de sculpture d’après l’antique (1905-1910) à l’Académie de Bruxelles où il reste en fonction jusqu’en 1929. En 1910, il succède à Charles Van der Stappen à l’École des Arts décoratifs. Vice-président du jury d’admission des œuvres pour le Salon des œuvres modernes de l’Exposition internationale de Charleroi (1911), il signe plusieurs monuments commémoratifs à Bruxelles et en Wallonie (Antoine Clesse à Mons en 1908, Gabrielle Petit à Tournai en 1924, Frère-Orban à Liège en 1931, de la Chanson wallonne à Tournai en 1931), ainsi que des bijoux, des médailles (dont celle de l’Exposition universelle de Liège en 1905) et des sculptures allégoriques variées. C’est par conséquent un artiste en pleine maîtrise de son art qui réalise le monument d’Alfred Defuisseaux : le choix de l’artiste est aussi guidé par le fait que depuis les années 1890 il participe activement au mouvement de socialisation de l’art. Son engagement social est sincère et profond.

Monument Alfred Defuisseaux


Coulée par la « Fonderie nle des bronzes (anc. firme J. Petermann) à Saint-Gilles-Bruxelles », la statue à trois composantes porte la signature de Paul Du Bois en date de 1904. Inauguré le 1er juin 1905, le monument place Alfred Defuisseaux au centre de la représentation, debout sur une sorte de rocher qui lui permet de dominer la situation. Scrutant l’horizon, il retient par les bras un mineur éploré dont la lampe gît couchée aux pieds des deux hommes. Comme à l’abri derrière le leader socialiste, une femme assise, au visage paisible, tient son enfant dans ses bras. La cape qui déborde des épaules du tribun accentue l’effet de protection qui semble dispenser Defuisseaux tout autour de lui. Et si la symbolique déployée par le sculpteur ne suffit pas, l’inscription qui apparaît sur le socle finit de s’en convaincre :

« A
ALFRED
DEFUISSEAUX
___
LE DÉFENSEUR DU PEUPLE »

 

 

Colfontaine, Dour, Frameries, Honnelles et Quévy, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2006, p. 175
Judith OGONOVSZKY, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 374-378
Anne MASSAUX, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 4, p. 142-145
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Jules DELECOURT, dans Biographie Nationale, t. V, col. 86-87

Place A. Defuisseaux

7080 Frameries

carte

Paul Delforge