Paul Delforge-Diffusion Institut Destrée-Sofam

Stèle Pierre BONAPARTE

En octobre 1990, l’Escadron Sacré prend l’initiative d’ériger et d’inaugurer une stèle au sud de Halma, à Neupont, près de la Lesse, non loin de la ferme de Mohimont, en l’honneur de Pierre Bonaparte.

Passant, souviens-toi !
Ici, de 1838 à 1848, PIERRE BONAPARTE,
neveu de l’Empereur, Prince errant
des forêts d’Ardenne, vint calmer son
humeur farouche.

Inspiré par un texte qu’écrivit Adrien de Prémorel sur le long séjour de Pierre Bonaparte en Ardenne, la formule du mémorial fait surtout référence à la période où le jeune Corse fugueur trouva refuge à quelques kilomètres de la France.

Neveu et cousin de deux empereurs des Français, Pierre Bonaparte n’a pas marqué la grande histoire de son empreinte à l’instar de Napoléon Ier ou de Napoléon III. Fils de Lucien Bonaparte, Pierre Bonaparte naît à Rome en 1815 quelques jours avant l’exil à Saint-Hélène de Napoléon Ier, son oncle. Davantage attiré par l’équitation et par le maniement des armes que par l’enseignement des Jésuites d’Urbino, il est mêlé à diverses intrigues et péripéties (dont la Rivoluzione di Romagna de 1831 et des faits d’armes sévèrement condamnés) qui l’obligent à trouver refuge en différents endroits. Après avoir erré aux États-Unis, en Albanie, voire à Londres, il s’arrête à Mohimont, dans un Luxembourg dont le sort n’a pas encore été définitivement fixé par les traités (1838). Pendant dix ans, sa vie est rythmée par la chasse, l’étude et l’écriture. C’est à cette période de l’existence de Pierre Bonaparte que fait référence le mémorial de Daverdisse.
 

Stèle Pierre Bonaparte (Daverdisse)

Par la suite, Pierre Bonaparte quitte son exil doré pour se joindre aux troubles révolutionnaires qui éclatent à Paris en 1848 et qui amènent Napoléon III au pouvoir. Désigné comme représentant de la Corse à l’Assemblée nationale, Pierre est député de l’extrême gauche, en même temps qu’il est nommé chef de bataillon à la Légion étrangère. Ces deux expériences tournent court ; en 1851, il s’éloigne de son cousin Napoléon III. Après un séjour en Corse (1852-1859), il revient en province de Luxembourg : à Daverdisse encore (1859), mais surtout au château d’Orval (1860-1862), avant de se porter acquéreur du château des Épioux (1862-1870). En 1869, lors d’un séjour à Paris, la plume de Pierre Bonaparte s’éloigne de la poésie pour piquer les adversaires de Napoléon III auquel il accorde à nouveau ses faveurs. La joute scripturale dégénère et Pierre Bonaparte tue un des témoins du journaliste adverse qui le provoquait en duel. L’affaire fait grand bruit et la tombe spectaculaire de Victor Noir – un gisant en bronze – qui, au Père Lachaise, reste un lieu très fréquenté, alimente le mythe de l’un des derniers duels mortels de l’histoire de France. Acquitté après un procès particulièrement suivi par l’opinion publique (1870), Pierre Bonaparte repasse la frontière et finit ses jours à Rochefort (1870-1875), avant de s’installer à Bruxelles (1875-1877) puis à Versailles (1878-1881) où il s’éteint. De ses relations et mariages, Pierre Bonaparte n’eut qu’un fils comme héritier, Roland (1858-1924). Ce dernier est le père de Marie (1882-1962). Celle qui épousa en 1907 le fils du roi de Grèce deviendra, dans l’Entre-deux-Guerres, la propagandiste enthousiaste de l’œuvre de Freund ; considérée ipso facto comme psychanalyste, la princesse de Grèce (et du Danemark) est aussi reconnue comme écrivaine à partir de 1933 quand elle publie une impressionnante biographie sur Edgar Poe.

Loin des péripéties du Musée Bonaparte qui occupa l’Académie luxembourgeoise dans les années 1950, d’autres passionnés de Napoléon finissent par convaincre les autorités locales de baptiser la route reliant Wellin à Daverdisse, la N857, « route Pierre Napoléon Bonaparte » : dans les années 1980, quelques panneaux fleurissent au bord d’une chaussée qui fait 6 kilomètres. En octobre 1990, L’Escadron sacré pose un geste supplémentaire en inaugurant une stèle au bord de la route Bonaparte, non loin de la Lesse, à peu de distance de la ferme de Mohimont. Réalisée par les ouvriers communaux de Wellin, composée de pierres provenant d’un cimetière, la stèle actuelle comprend une plaque émaillée avec le texte évoqué ci-dessus et elle était surmontée, à l’origine, d’un "N" impérial, réalisé par Joseph Poelman. En 2015, suite à des actes de vandalisme, il ne reste plus qu’une grande plaque émaillée et la trace de l’emplacement du "N" impérial. Comme le rapporte Lucien Petit, le mémorial constitua jusqu’en 2002 une halte sur le parcours d’une marche « impériale » organisée par les membres de l’association napoléonienne L’Escadron Sacré. Outre l’interprétation d’hymnes nationaux et le dépôt de fleurs, un discours était prononcé par Miguel Moutoy, président du cercle. Créée en juillet 1988, la « Société d’études napoléoniennes et de prestation en uniforme du premier empire » fut dissoute en décembre 2002.

 
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
http://pierrebonaparte.skynetblogs.be/ 
http://www.herodote.net/dossiers/evenement.php?jour=18700112 (s.v. juillet 2015)
La Vie wallonne, IV, n°252, 1950, p. 300
Édouard HIZETTE, Pierre Napoléon Bonaparte (1815-1881), Prince à Orval et aux Épioux, dans Le Pays gaumais, 2003-2004, Virton, 2010, p. 167-183 (intro. De J-M. Cauchies)
Pierre Napoléon Bonaparte (1815-1881), neveu de l’empereur Napoléon Ier, prince aux châteaux d’Orval et des Épioux, Jamoigne, ancienne grange du Faing, exposition, avril 2009
Lucien PETIT, Revue Ardenne et Meuse n° 5
EUGÉNIE DE GRÈCE, Pierre Napoléon Bonaparte, Paris, Hachette 1963
Pierre NOTHOMB, Un curieux personnage, Bruxelles, Brepols, 1966
Adrien DE PRÉMOREL, L’Avenir, 26 octobre 1950
Lucien PETIT, sur http://pierrebonaparte.skynetblogs.be/+&cd=1&hl=fr&ct=clnk&gl=be

le long de la N857, dite route Pierre Napoléon Bonaparte 
6922 Neupont, hameau faisant partie de Halma, entité de Wellin

carte

Paul Delforge