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Maison natale de Jean-Nicolas Bassenge

Cette petite maison de la seconde moitié du XVIIe siècle est une des belles constructions anciennes du centre de la cité. Érigée dans le pur style traditionnel liégeois en brique et calcaire, elle est percée de baies à linteaux droits, comporte une bâtière à coyau et une lucarne à fronton triangulaire. Identique dans sa conception à sa voisine de droite bien que moins élevée, elle abrite aujourd’hui un établissement horeca. Au-dessus de la porte d’entrée se trouve une plaque commémorative rappelant le passé historique de la demeure : « Ici est né le 24-XI-1758 Jean-Nicolas Bassenge, l’un des chefs de la Révolution liégeoise de 1789 ».

Issu d’une famille de la haute bourgeoisie principautaire, Jean-Nicolas Bassenge se fait connaître en 1781 en publiant La nymphe de Spa, apologie de la philosophie des Lumières qui lui cause quelques ennuis. Malgré la protection du prince-évêque François-Charles de Velbrück, il décide de partir pour Paris où il rencontre les plus célèbres écrivains de l’époque.

Défenseur des idées républicaines et spectateur des premiers événements révolutionnaires en France, il rentre à Liège dès que la Révolution éclate en 1789. Il prend la tête du mouvement de protestation avec Fabry et Chestret et rédige, pour le compte de la Société des amis de la liberté et de l’égalité de Liège, un plaidoyer pour la réunion du pays de Liège à la France. 

Il est exclu de l’amnistie après le rétablissement du prince-évêque de Hoensbroeck et repart à Paris. Il retourne dans sa ville natale à la fin de l’année 1792 avec les troupes du général Dumouriez mais s’exile une fois encore après la défaite de Neerwinden en mars 1793. 

L’annexion de nos territoires en 1795 marque son retour définitif dans la cité ardente. Sous le régime français, il est commissaire général du directoire exécutif du département de l’Ourthe puis est élu en 1798 pour représenter son département au conseil des Cinq-Cents à Paris. Favorable au coup d’État de Bonaparte en 1799, il siège sous le Consulat au corps législatif et y défend ses idéaux républicains. Il se retire de la vie politique en 1802 et devient conservateur de la bibliothèque municipale de Liège. Il meurt le 16 juillet 1811, à l’âge de 52 ans.

Rue de la Goffe
4000 Liège

carte

La plaque commémorative se trouve juste au-dessus de la porte d'entrée d'un établissement horeca

Frédéric MARCHESANI, 2014

Bassenge Pierre-Nicolas

Révolutions

Liège 24/11/1758, Liège 16/07/1811

« Liégeois, vous êtes un peuple libre ! Un peuple est libre quand il n’obéit qu’aux lois qu’il se donne à lui-même par le consentement de tous les individus qui le composent ou par celui des représentants nommés et autorisés par eux ». L’auteur de ces paroles écrites en 1787 déjà se nomme Nicolas Bassenge. Il figure parmi les personnalités à la pointe de la lutte contre l’autoritarisme du prince-évêque Hoensbroeck.

Nostalgique du règne de Velbrück, période durant laquelle Bassenge était un écrivain en vue au sein de la Société d’Émulation, Bassenge était déjà très jeune un admirateur des réformes de Frédéric II et un adepte inconditionnel des idées des Lumières. Vers 1781, alors qu’il n’a qu’une vingtaine d’années, Bassenge se lance dans la défense opiniâtre de l’abbé Raynal (La Nymphe de Spa, 1781), ce qui lui vaut plusieurs pamphlets injurieux, provenant des milieux conservateurs de France comme de la Principauté, principalement du synode. Après un séjour à Paris où son amitié avec Grétry l’introduit dans des milieux importants (1782-1785), il rentre dans son pays wallon où il se fait le promoteur de la Société patriotique. À partir de mai 1787, il commence à publier ses Lettres à l'abbé de P, où il revendique les droits historiques du peuple liégeois et l'établissement d'un régime démocratique dans la principauté. Ne s’achevant qu’au moment de la Révolution liégeoise de 1789, les Lettres de Bassenge auxquelles s’ajoutent de nombreux articles publiés dans des journaux « patriotiques » représentent cinq fort volumes qui alimentent le discours révolutionnaire en critiquant le régime et en exaltant la patrie liégeoise. Mais la diffusion est à ce point calamiteuse que Bassenge n’évite la ruine personnelle que de justesse.

Au premier rang dans les événements qui font sortir calmement la principauté de Liège de l’Ancien Régime, Bassenge est l’un des premiers élus, comme « député du Tiers » (juillet 1790), et prépare un plan de municipalité « à la française » (été 1790). Contrairement au camp des insurgés liégeois qui veulent en revenir simplement aux institutions liégeoises d’antan (celles d’avant 1684), Nicolas Bassenge – que l’on qualifie souvent de « républicain modéré et de tête pensante de la « Révolution liégeoise » – veut du changement et prend Paris comme modèle, proposant de créer à Liège 60 sections avec tous les citoyens actifs de Liège et de sa banlieue, le titre de citoyen étant accordé à toute personne âgée de 25 ans, née à Liège ou ayant depuis cinq ans sa résidence et payant une somme de trois florins à la caisse communale. Disposant d'une voix, les électeurs devaient élire deux bourgmestres et vingt conseillers pour l'administration journalière et 120 notables pour les affaires plus importantes.

On sait que l’arrivée des Autrichiens (12 janvier 1791) restaure l’Ancien Régime ; principale plume des « révolutionnaires liégeois », Bassenge se réfugie à Givet, puis à Paris où le texte expliquant le vœu de réunion de Liège à la France est présenté à la Convention nationale. Après Jemappes, il rentre dans sa cité natale où un nouveau conseil municipal liégeois est mis en place ; Fabry le préside et Bassenge en est le secrétaire. Le 28 juillet 1793, il est élu conseiller avec 738 suffrages, tandis qu’un vote a mis un terme à un millénaire d’intégration liégeoise dans l’empire germanique pour permettre la réunion à la France. Devant la seconde restauration autrichienne, Bassenge fuit à nouveau à Paris jusqu’au moment où la principauté est intégrée à la République (1795). Ayant évité la mort de peu, sous la Terreur, il devient, à Liège, Commissaire général du Directoire exécutif près de l’administration du département de l’Ourthe. En 1798, il est élu comme représentant dudit département au Conseil des Cinq-Cents qui siège à Paris.

Soutien de Bonaparte lors de son coup d’état (1799), le républicain liégeois ne peut accepter la dérive monarchiste et despotique. Ses protestations sont entendues : il est écarté de ses fonctions… Il décide alors de se retirer de la vie politique (1802). Dans un grand dénuement, il achève son existence à Liège où les autorités lui ont confié la charge de conservateur de la bibliothèque municipale. Poète, homme de plume plutôt que tribun, Bassenge était entré résolument dans l’arène politique et, pendant dix ans, y exerça des fonctions majeures (notamment lors de missions auprès des plus hautes autorités de l’époque), et contribua sans conteste à faire basculer l’ordre ancien.

Sources

Adolphe BORGNET, dans Biographie nationale, t. II, col. 748-754
Paul HARSIN, La Révolution liégeoise de 1789, Bruxelles, Renaissance du Livre, 1954, coll. Notre Passé, p. 25, 28, 115-116
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 85-87
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 309
D. JOZIC, Jacques-Joseph Fabry, père de la révolution liégeoise (1722-18 août 1789), Liège, Université de Liège, mémoire, 1966-1967 

Mandats politiques

Conseiller municipal de Liège (1790-1795)
Commissaire général du Directoire exécutif près de l’administration du département de l’Ourthe (1795)
Député du département de l’Ourthe au Conseil des Cinq-Cents (1798-1802)