SPW-Patrimoine-Guy Focant 

Monument Arille CARLIER

Situé sur un square spécialement aménagé dans l’avenue du Centaine, à Dampremy, un monument rend hommage à l’activité wallonne d’Arille Carlier (1887-1963). Avocat, stagiaire chez Jules Destrée, il s’est distingué dans la dialectologie et a été l’un des fers de lance du Mouvement wallon de 1912 à 1962. 

Inscrivant son action dans le sillage de la pensée politique wallonne de Destrée, Carlier est à l’origine de multiples actions et associations wallonnes développées dans le pays de Charleroi et il participe activement, pendant cinquante ans, à la plupart des grandes initiatives wallonnes. 

Favorable à l’autodétermination de la Wallonie, il s’est fait le théoricien du mouvement national et de l’autonomie des États. 
Co-fondateur de la Société historique pour la Défense et l’Illustration de la Wallonie (1938) et de l’Institut Jules Destrée (1961), il avait reçu de Jules Destrée l’autorisation de rééditer la Lettre au roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre.

Soutenu par la commune de Dampremy et par l’Institut Jules Destrée, le mouvement Wallonie libre ouvre un fonds de souscription en 1968 pour rendre hommage à son activité en faveur de la Wallonie. Le Comité du Monument Arille Carlier qui se met en place (Isabelle Carlier, sa fille, Willy Bal, Maurice Bologne, Jacques Carlier, Jean Coyette, Alphonse Darville, Jacques Hoyaux, Émile Lempereur, l’échevin Maurice Magis et le bourgmestre de Dampremy Willy Seron) s’assure la collaboration amicale du sculpteur Alphonse Darville (1910-1990), qui s’était déjà signalé, notamment, par l’érection de la statue de Jules Destrée au boulevard Audent. 

Natif de Mont-sur-Marchienne, formé à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, Prix Godecharle 1931 et Premier Grand Prix de Rome 1935, attaché à la promotion de la création artistique en Wallonie, Darville est l’un des fondateurs de l’Académie des Beaux-Arts de Charleroi, qu’il dirige de 1946 à 1972.

Inauguré le 5 octobre 1969, le monument Carlier se présente sous la forme d’une pierre de six tonnes dont la forme évoque un menhir. Il est rehaussé d’un médaillon à l’effigie d’Arille Carlier dû à Alphonse Darville. Il mentionne simplement : « Arille Carlier Militant wallon 1887-1963 ».

Le square a été spécialement aménagé pour offrir un espace de dégagement. C’est là que, chaque année, depuis 1969, à l’occasion des Fêtes de Wallonie, se retrouvent des sympathisants wallons pour un dépôt de fleurs et des discours, généralement à l’initiative de Wallonie libre, de l’Institut Destrée et de l’Association wallonne des anciens Combattants.
 

 

- Paul DELFORGE, Arille Carlier, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 230-232
- Marie-Paule BOUVY, Monument Carlier, Idem, t. II, 2001, p. 1115-1116
- Paul DELFORGE, Essai d’inventaire des lieux de mémoire liés au Mouvement wallon (1940-1997), dans Entre toponymie et utopie. Les lieux de la mémoire wallonne, (actes du colloque), sous la direction de Luc COURTOIS et Jean PIROTTE, Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 1999, p. 285-300

Avenue du Centenaire 
6020 Dampremy (Charleroi)

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Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Jules DESTRÉE

Statue dédiée à Jules Destrée, réalisée par Alphonse Darville, 23 juin 1957

Située boulevard Audent, au cœur de Charleroi, une imposante statue rend hommage à Jules Destrée (1869-1936). Avocat, juriste, homme politique socialiste, préoccupé par la question sociale, orateur brillant, militant wallon, esthète, écrivain, critique d’art, Jules Destrée a été élu député le 14 octobre 1894 dans l’arrondissement de Charleroi : il figure ainsi parmi les tout premiers parlementaires du jeune Parti ouvrier belge. Rapidement, il s’impose comme l’un des leaders de ce parti, présent sur le plan national, régional et local. En 1910-1911, il prend une part active au succès de l’Exposition internationale organisée à Charleroi. Durant la Grande Guerre, il représente la Belgique en Italie et en Russie. 

Devenu Ministre des Sciences et des Arts en 1919, et l’un des tout premiers ministres socialistes wallons, il crée notamment l’Académie de Langue et de Littérature française et établit la loi sur les Bibliothèques publiques. En 1922, il devient le délégué de la Belgique à la Commission internationale de Coopération intellectuelle de la SDN, mandat qu’il exerce jusqu’au début des années trente... Son engagement wallon se manifeste à de multiples reprises dont les plus marquantes sont la Lettre au roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre(août 1912), la création de l’Assemblée wallonne dont il reste le secrétaire général d’octobre 1912 à décembre 1919, et sa contribution au Compromis des Socialistes belges en 1929. Ami des arts et des artistes, responsable de la Société des Amis de l’Art wallon, Jules Destrée a été pris comme modèle par plusieurs peintres, médailleurs ou sculpteurs, d’initiative ou sur commande.

Monument Jules Destrée

La monumentale statue du boulevard Audent est l’œuvre d’Alphonse Darville (1910-1990). Né à Mont-sur-Marchienne en 1910, il étudie à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, reçoit le Prix Godecharle 1931 et le Premier Grand Prix de Rome 1935. Co-fondateur de L’Art vivant au pays de Charleroi (1933), attaché à la promotion de la création artistique en Wallonie, il participe aux travaux clandestins de la section culturelle du Conseil économique wallon de Charleroi et figure parmi les fondateurs de la section de Charleroi de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie (1945). Co-fondateur de l’Académie des Beaux-Arts de Charleroi, il la dirige de 1946 à 1972. Réali

sant des œuvres d’inspiration, Darville réalise également des commandes comme sa participation à la décoration du Pont des Arches, à Liège, après la guerre, aux bâtiments du gouvernement provincial à Mons, voire à l’hôtel de ville ou au Palais des Expositions à Charleroi. 

Quand René Thône – député provincial du Hainaut – lance l’idée d’élever un monument en l’honneur de Jules Destrée, relayé par les autorités de la ville de Charleroi, tous se tournent naturellement vers Alphonse Darville pour la réalisation. Sur un socle de pierre bleue où est gravé l’hommage « À Jules Destrée », s’élève une haute statue d’un Destrée debout, la main droite en poche, la main gauche ouverte légèrement en avant, tendue dans un dialogue auquel invitent les traits de son visage. Ce sont toutes les facettes de l’activité de Destrée que les autorités carolorégiennes et hennuyères ont souhaité mettre en évidence. Il s’agit du second monument dédié à Destrée inscrit dans l’espace public wallon, après le buste de Bonnetain installé, en 1936, à Marcinelle.

L’inauguration du boulevard Audent qui s’est déroulée le 23 juin 1957 a été solennelle. Les plus hautes autorités du pays ont fait le déplacement à Charleroi. Les plus hautes autorités du pays ont fait le déplacement à Charleroi. Chacun a pu admirer l’œuvre de Darville, même si plus tard, Jean Place – alias Pierre-Jean Schaeffer – se permettra cette critique : 
« Sauf le respect que j'ai pour Alphonse Darville, c'est un Destrée salonnard, qui pérore... Face au Palais du Peuple, il aurait fallu plutôt un tribun haranguant la foule... ».Lieu de rassemblement pour le Mouvement wallon, et étape indispensable lors des Fêtes de Wallonie, la statue de Jules Destrée fait l’objet d’un réaménagement au cours de l’année 2013 ; la végétation d’où le tribun semblait parfois sortir a été éliminée au profit d’une mise en évidence totale, au centre d’un lieu de grand passage urbain. 

 

Geneviève ROUSSEAUX, Alphonse Darville sculpteur, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1982, coll. « Figures de Wallonie »
Alphonse Darville : 60 [soixante] années de sculpture, catalogue d’exposition, 20 novembre 1982 - 16 janvier 1983, Jean-Pol DEMACQ [préface],  Charleroi, Musée des Beaux-Arts, 1982
Alphonse Darville 1977, Charleroi, Impaco, 1977
Philippe DESTATTE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 483-490
Paul DELFORGE, Essai d’inventaire des lieux de mémoire liés au Mouvement wallon (1940-1997), dans Entre toponymie et utopie. Les lieux de la mémoire wallonne, (actes du colloque), sous la direction de Luc COURTOIS et Jean PIROTTE, Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 1999, p. 285-300
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 290

Boulevard Audent 
6000 Charleroi

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Paul Delforge

Bal Willy

Académique, Philologie, Militantisme wallon

Jamioulx 11/08/1916, Jamioulx 18/08/2013

Dès ses études à l’Université catholique de Louvain, Willy Bal développe une conscience wallonne très affirmée. Animateur du Cercle de Culture wallonne de Louvain et chroniqueur de littérature wallonne à l’INR, il est aussi rédacteur en chef de L’Ergot entre 1935 (21 octobre) et 1937, organe de la Fédération wallonne des Étudiants de Louvain. Liant la dimension linguistique à la dimension politique et sociale, il se rallie très tôt au fédéralisme, au programme de la Ligue d’Action wallonne, ainsi qu’au journal La Wallonie nouvelle d’Arille Carlier et de l’abbé Mahieu, et il collabore au comité de rédaction de la revue La Terre wallonne (1933-1938) d’Elie Baussart, auquel il consacrera un ouvrage dans les années 1970.

Jeune soldat en 1940, il est fait prisonnier sur la Lys avec le peloton du 12e Régiment de ligne qu’il commande. Comme 65.000 autres prisonniers de guerre wallons, il passera cinq années de captivité dans les camps allemands. En 1995, à l’occasion de l’hommage rendu par le gouvernement wallon aux prisonniers de guerre, Willy Bal rappellera, dans un texte intitulé Témoignage d’un Stück, les conditions de vie d’une génération de jeunes Wallons auxquels Hitler reconnaîtra l’identité wallonne. Toute sa vie, Willy Bal restera un défenseur de l’autonomie wallonne, le manifestant en participant au Congrès national wallon de 1945 ou en étant l’un des signataires de la Nouvelle Lettre au roi pour un vrai fédéralisme (29 juin 1976).

Docteur en Philosophie et Lettres de l’Université de Louvain (1938), Willy Bal entame une carrière d’enseignant au lendemain de la Libération. Après l’Athénée de Marchin (1946-1956), il devient professeur à l’Université Lovanium de Léopoldville (1956-1965), où il est le doyen de la faculté de Philosophie et Lettres de 1962 à 1965. Comme professeur de linguistique générale et romane, ainsi que d’histoire de la littérature wallonne à l’Université de Louvain (1965-1984), il marque plusieurs générations d’étudiants par son érudition et contribue au développement de la dialectologie wallonne dans cette institution. À son retour du Congo-Zaïre, il est plongé dans l’atmosphère tendue du Walen buiten et sera très marqué par l’expulsion des francophones de Leuven. Doyen de la Faculté de Philosophie et Lettres (1968-1973), vice-président du Conseil académique de l’Université catholique de Louvain (1970-1973), il est encore le fondateur d’un Centre d’études portugaises à l’UCL. En 1984, il est admis à l’éméritat.

Défenseur et promoteur de la culture et des langues régionales, et singulièrement du wallon, Willy Bal est l’auteur de textes en wallon ou sur le wallon, le poète et écrivain régionaliste se doublant d’un expert en dialectologie et ethnographie wallonnes, bon connaisseur du folklore et de la vie quotidienne régionale. Même dans les différents genres littéraires qu’il pratique, Willy Bal introduit une réflexion sur la société wallonne, intègre une dimension citoyenne et personnelle. Craignant la disparition des langues régionales, il s’est engagé très tôt dans la lutte pour leur préservation, leur attribuant une fonction de témoin du passé et une vertu de maillon linguistique. Éditeur scientifique (3 vol. 1985-1991) du Dictionnaire de l’Ouest wallon qu’avait élaboré Arille Carlier, Prix de la Pensée wallonne en 1985, Willy Bal a collaboré à de nombreuses revues wallonnes : La Vie wallonne, El Bourdon, Les Cahiers wallons, La Wallonie dialectale, Les Dossiers du Cacef, MicRomania.

Membre de la Commission de Toponymie et Dialectologie (1948), membre de la Société de Langue et de Littérature wallonnes (1953), membre de l’Académie de Langue et de Littérature françaises de Belgique (au titre d’écrivain) où il succède à Joseph Calozet (1969), membre du Conseil international de la Langue française (1981), membre du Conseil international de la Recherche en Linguistique fondamentale et appliquée, vice-président du Conseil interrégional des Études françaises, et président scientifique de l’Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire, il est encore un membre assidu du Conseil des Langues régionales endogènes de la Communauté française, en qualité de membre effectif (1991), puis de membre honoraire (1997).

Sources

Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 113-114
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 167, 192, 198, 199, 218-219
La Wallonie à l’aube du XXIe siècle, Namur, Institut Destrée, Institut pour un développement durable, 2005
Langues et cultures. Mélanges offerts à Willy Bal, Louvain-la-Neuve, Cahiers de l’Institut de linguistique de Louvain, 1984
Maurice PIRON, Anthologie de la littérature wallonne, Liège, Mardaga, 1979, p. 566-585

Œuvres principales

Témoignage d’un écrivain employant le patois comme langue littéraire, essai, Louvain, Centre international de dialectologie générale, 1964
Oupias d’âvri (Bouquets d’avril) (1933)
El région dins l"monde (Charleroi, Barry, 1937)
Trwès contes, Charleroi, Èl Chariguète (1938)
Au soya dès leus (1947)
Poèmes wallons (1948), collectif réunissant Franz Dewandelaer, Willy Bal, Jean Guillaume, Albert Maquet, Louis Remacle
Nos n’ pièdrons nin (1948)
Il aveut porté l’soya dins s’bèsace (Namur, Les Cahiers Wallons, 1951)
Fauves dèl Tâye-aus-Fréjes et Contes dou Tiène-al-Bîje (1956)
Poques et djâr-nons (1957)
Œuvres poétiques wallonnes 1932-1990, Association littéraire wallonne de Charleroi et Société de langue et de littérature wallonnes (1991)
Djonnesse a Malvô, (2001)
Henri Pourrat, essayiste, Anvers, 1954
Le royaume du Congo aux XVIe et XVIIe siècles, documents d’histoire, Léopoldville, Institut national d’études politiques, 1963
Témoignage d’un écrivain employant le patois comme langue littéraire, essai, Louvain, Centre international de dialectologie générale, 1964
La faillite de 1830 ?, Élie Baussart, La Terre wallonne et le Mouvement régionaliste, Bruxelles, EVO, 1973
Dictionnaire de l’Ouest-wallon (avec Arille Carlier), ouvrage scientifique (3 t.), Charleroi, Association littéraire wallonne de Charleroi, 1985
Warum Krieg!, récit en prose illustré par Gustave Marchoul, Charleroi, El Bourdon, 1996
Introduction aux études de linguistique romane (1966)
Guide bibliographique de linguistique romane (1978, avec Jean Germain)
Bibliographie sélective de linguistique romane et française (1991, avec Jean Germain, Jean Klein, Pierre Swiggers)

Mahieu Jules

Militantisme wallon

Wasmes 22/03/1897, Nice-La Brigue 11/07/1968

Issu d’une famille ouvrière de Wasmes, dans le borinage, Jules Mahieu est ordonné prêtre en 1922. Tolérant et ouvert, installé à Roux dans l’actuelle commune de Charleroi, il fait preuve d’une activité débordante. Lors des grèves de 1932, il organise ainsi un ravitaillement pour les ouvriers de sa paroisse, sans distinction d’opinion.

Officiant à Péruwelz au début des années trente, il entre en conflit avec le Boerenbond, qui agit pour préserver « l’authenticité flamande » des nombreux ouvriers ayant migré en Wallonie. Il noue très tôt des relations avec la Ligue wallonne de Charleroi et, sous divers pseudonymes, commence à collaborer à diverses revues wallonnes comme La Barricade, La défense wallonne et le Pays noir.

En 1933, l’évêque de Tournai prend connaissance de cette activité et décide de le sanctionner. Sans charge ni traitement, l’abbé Mahieu survit grâce au soutien de la Ligue wallonne de Charleroi. Prêtre courageux osant s’opposer au Boerendond, Jules Mahieu devient alors un symbole pour le Mouvement wallon. Fort de ce soutien, il continue d’écrire, utilisant toujours un pseudonyme, pour sensibiliser les catholiques à la question wallonne. Sa pensée est marquée par trois piliers : l’attachement de la Wallonie pour la France, le rôle des catholiques dans la problématique wallonne et la nécessaire union de tous pour sauver la Wallonie.

Le succès des rexistes aux élections de 1936 pousse Jules Mahieu à agir désormais au grand jour. Il fonde ainsi, le 14 juin 1936, à Waterloo, le Front démocratique wallon. Désormais interdit de célébrer les offices religieux, il devient le porte drapeau du Mouvement wallon et radicalise ses positions. C’est ainsi que, à la tête de la Concentration wallonne en 1937, il voit son mouvement opter pour le confédéralisme entre la Wallonie, Bruxelles et la Flandre qui ne seraient plus reliées que par une union réelle ou personnelle. Un des enjeux de cette prise de position est, notamment, de rompre avec la politique de neutralité hostile à la France et tolérante envers l’Allemagne hitlérienne.

Aux élections de 1939, la Concentration wallonne décide de porter l’action sur le plan politique et fonde le Parti wallon indépendant. Celui-ci ne rencontrera que très peu d’adhésion de la part des électeurs. Le 29 octobre de la même année, l’abbé Mahieu décide de se mettre au service de la France. Participant notamment à une chaîne d’évasion vers l’Espagne, il tente d’alerter sur le sort de la Wallonie.

Rétabli dans ses prérogatives ecclésiastiques, il devient membre du clergé français et officie sur la côte d’azur. Dissuadé par ses amis de revenir en Wallonie après la guerre, ayant acquis la nationalité française, il meurt à la Brigue en 1968, sans avoir revu sa terre natale. Resté en contact avec de nombreux militants wallons, il demeure une des figures de proue des militants wallons catholiques.

Jules Mahieu fut fait Officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.

Sources

Roland FERRIER & Paul DELFORGE, MAHIEU Jules, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 4315.
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Histoire, Economie, Société), Bruxelles, t. II, p. 322

 

Destrée Jules

Militantisme wallon, Politique

Marcinelle 21/08/1863, Bruxelles 02/01/1936

Considéré comme l’éveilleur de la conscience wallonne en raison notamment de La Lettre au roi sur la séparation administrative de la Wallonie et de la Flandre et de sa présidence de l’Assemblée wallonne (1912), Jules Destrée fut aussi l’un des tout premiers socialistes élus au Parlement (1894) et désignés comme ministre (1919).

Docteur en Droit de l’Université libre de Bruxelles (1883), stagiaire chez Edmond Picard, Jules Destrée fréquente les écrivains de la Jeune Belgique, ainsi que des peintres et sculpteurs (1885-1886), mais ce sont les événements de 1886 qui orientent à tout jamais la vie de l’esthète bourgeois. Touchant l’ensemble du bassin industriel wallon, les émeutes de la misère ouvrière sont réprimées avec violence et le jeune avocat est appelé à défendre l’un des syndicalistes de l’Union ouvrière ; sans succès. Par contre, il fait acquitter les suspects du pseudo « Grand Complot », traînés devant les Assises (1889). Il franchit un pas supplémentaire en s’engageant sur le terrain politique. 

Soutenant les ouvriers en lutte pour le suffrage universel, il crée la Fédération démocratique de Charleroi en 1892 et, en 1894, à l’occasion des premières élections législatives au suffrage universel masculin tempéré par le vote plural, il figure parmi les 28 premiers parlementaires du POB, tous élus en Wallonie. Les électeurs de l’arrondissement de Charleroi lui feront régulièrement confiance jusqu’à son décès, en 1936. Auteur avec Émile Vandervelde – qu’il a connu à l’ULB – de l’ouvrage Le Socialisme en Belgique (1898), Jules Destrée s’affirme comme l’un des ténors du socialisme wallon, défenseur du suffrage universel, d’une législation sociale et de l’instruction obligatoire. Ses interventions parlementaires sont unanimement saluées. Son souci de lutter contre l’injustice l’amène à prendre position en faveur de l’égalité entre Flamands et Wallons.

L’affirmation du sentiment wallon chez Destrée apparaît comme une réponse à une dynamique belge et flamande, injuste et oppressante pour les Wallons. Il répétera de façon constante et incessante son souci de voir la Belgique se maintenir malgré l’originalité de ses composantes, mais il affirme son identité wallonne et son appartenance à la civilisation française. Faire prendre conscience d’elle-même à la Wallonie, s’appuyer sur la France et sa culture, rendre l’autonomie aux communes et aux provinces sont ses objectifs lorsqu’il accepte de patronner les manifestations culturelles et artistiques de l’Exposition de Charleroi (1911), lorsqu’il fonde et préside la Société des Amis de l’art wallon (1911-1936), et lorsqu’il écrit la Lettre au Roi (15 août 1912). Quand est créée l’Assemblée wallonne (1912), premier Parlement informel de la Wallonie, Jules Destrée est désigné à sa tête comme secrétaire général (1912-1914, 1919) : son objectif est d’étudier la meilleure formule de décentralisation, voire de fédéralisation de la Belgique afin de défendre les intérêts wallons.

Durant la Grande Guerre, chargé de mission par le gouvernement belge en exil, le socialiste contribue au ralliement de l’Italie dans le camp des alliés. À Pétrograd, le ministre plénipotentiaire établit un contact avec les forces socialistes antibolchéviques. Au lendemain de l’Armistice et des premières élections au suffrage universel, le POB est associé pour la première fois à un gouvernement. Jules Destrée est désigné comme Ministre des Sciences et des Arts (1919-1921) et, en peu de temps, fait adopter une série de mesures de protection des artistes et de leurs œuvres (rénovation du Prix de Rome, création de l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises) et d’accompagnement à l’instruction obligatoire (loi sur les bibliothèques) en permettant l’accès gratuit à la culture pour le plus grand nombre.

Ayant quitté la tête de l’Assemblée wallonne quand il devient ministre, Jules Destrée reste attentif à la résolution de la question wallonne et se rallie à l’idée de l’homogénéité linguistique de la Flandre et de la Wallonie, refusant de se mêler des francophones de Flandre. Partisan de la formation d’États-Unis d’Europe, il tente d’apporter une solution au problème des nationalités par le Compromis des Belges - étape vers le fédéralisme - qu’il signe avec le socialiste flamand Camille Huysmans (1929). Ses actions en faveur de la Wallonie, de la culture et du monde ouvrier ne l’empêchent pas d’entretenir ses dons de littérateur. Critique d’art, il rend à de le Pastur ses racines tournaisiennes ou évoque le Maître de Flémalle (1930). Conteur (Les Chimères, 1889), il parle aussi de lui-même (Mons et les Montois, 1933). Politique, il alimente la pensée socialiste (Introduction à la Vie socialiste, 1929), relate ses expériences (Les fondeurs de neige, 1920) ou livre ses réflexions (Wallons et Flamands, 1923).

Sources

Philippe DESTATTE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, 2000, t. II, p. 483-490
Philippe DESTATTE, Destrée, Extrait de Hervé HASQUIN (dir.), Dictionnaire d’histoire de Belgique, Vingt siècles d’institutions, Les Hommes, les faits, Bruxelles, Didier Hatier, 1988, p. 157-158
Georges-H. DUMONT, dans Nouvelle Biographie nationale, Bruxelles, t. V, p. 117-123

Mandats politiques

Député (1894-1936)
Conseiller  communal de Marcinelle (1904-1910)
Échevin (1904-1910)
Ministre des Sciences et des Arts (1919-1921)

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Carlier Arille

Militantisme wallon

Monceau-Sur-Sambre 26/09/1887, Charleroi 17/05/1963


Docteur en Droit de l’Université libre de Bruxelles (1911), avocat ayant fait son stage chez Jules Destrée, Arille Carlier se distingue dans la dialectologie (Vocabulaire spécial employé aux carrières d’Ecaussines), et s’inscrit durablement dans le sillage de l’action politique wallonne du député de Charleroi. Membre et fondateur de la plupart des associations wallonnes créées dans le pays de Charleroi pendant cinquante ans (de 1912 à 1962), Arille Carlier plaide très tôt en faveur de l’autodétermination de la Wallonie. Théoricien du mouvement national et de l’autonomie des États, il a été le rédacteur en chef du journal La Wallonie nouvelle dans les années 1930, le cofondateur de la Société historique pour la Défense et l’Illustration de la Wallonie (1938) et de l’Institut Jules Destrée (1961), et reçut de Jules Destrée l’autorisation de rééditer la Lettre au roi sur la séparation administrative de la Wallonie et de la Flandre, plusieurs années après 1912.

Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, 2000, t. I
Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
DELFORGE Paul, Cent Wallons du Siècle, Liège, 1995
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Histoire, Economie, Société), Bruxelles, t. II