IPW

Théâtre de l’Eden

Réalisé par l’architecte Auguste Cador en 1884-1885, il s’agit du premier théâtre en matériaux durables de Charleroi. Le corps principal, élevé en brique et en calcaire, présente une façade de trois niveaux et cinq travées sous un fronton triangulaire. Ce volume est prolongé vers la rue de France par un bâtiment fort simple, structuré par des pilastres de brique.
Racheté par la province du Hainaut peu avant la Seconde Guerre mondiale, il passe sous la gestion de la Maison de la culture de Charleroi en 1992, devenu Centre culturel de Charleroi, qui procède à sa rénovation en 1996-1997 sous la direction des architectes Pierre et Pablo Lhoas.

1946, 1953, 1957 : trois fois l’hôte du Congrès national wallon

Après celui de Liège en 1945, le second Congrès national wallon se déroule au « théâtre provincial de Charleroi », les 11 et 12 mai 1946, alors que la ville s’est drapée aux couleurs wallonnes. La commission des griefs, constituée lors du précédent congrès, y présente son rapport et classe les griefs wallons en quatre catégories : griefs administratifs, culturels, économiques et agricoles. Constat est déjà fait que sous ces quatre angles, la Flandre est privilégiée par rapport à la Wallonie. La seconde grande question débattue à Charleroi concerne le fédéralisme. La motion votée à l’issue de ce Congrès se prononce clairement pour un fédéralisme à deux. Une commission, chargée d’y travailler à l’issue du Congrès, aboutira au dépôt (purement symbolique) d’un projet de loi au Parlement le 25 mars 1947, optant pour le confédéralisme : deux États (Wallonie et Flandre) et une région fédérale (Bruxelles). Après quelques années, l’Éden retrouve à nouveau le Congrès national wallon et accueille sa septième session, les 3 et 4 octobre 1953, trois ans après le précédent congrès. Plusieurs sujets sont débattus : les congressistes tracent un projet de frontière linguistique, se prononcent encore et toujours pour le fédéralisme après l’échec du projet parlementaire et appuient l’initiative du manifeste Schreurs-Couvreur.

Après une nouvelle pause de plusieurs années, le huitième Congrès national wallon se retrouve au même endroit, les 25 et 26 mai 1957. La participation est d’emblée bien moins encourageante : bon nombre de congressistes, déçus par l’action des six ministres wallons du gouvernement socialiste-libéral, décident de ne pas se rendre au Congrès. Les membres présents doivent faire face à une crise de confiance chez les militants wallons et, dans sa motion finale, le Congrès ne fait que réaffirmer la volonté d’autonomie de la Wallonie, prônée depuis 1945. La vie du Congrès national touche à sa fin et les militants ne peuvent que se rendre compte de l’importante baisse d’influence de cet organe sur la politique wallonne. Une neuvième et dernière session sera convoquée à Liège en 1959.

Boulevard Jacques Bertrand 3
6000 Charleroi

carte

Freddy Joris & Frédéric Marchesani, avril 2009

Dès la fin du XIXe siècle, des militants s’organisent pour défendre les intérêts de la Wallonie. Révélant la réalité wallonne, ils contribuent à créer les symboles identitaires adoptés par tous les Wallons, comme le drapeau, l’hymne ou la fête de la Wallonie. Cette leçon fait le point sur les origines et l’évolution du Mouvement wallon, dont l’action fédéraliste a eu une influence déterminante sur l’organisation actuelle de l’Etat.

© Sofam

Sesserath Léon

Militantisme wallon, Politique

Namur 22/04/1881, Dinant 01/10/1958

Frère de Simon (juriste) et d’Alphonse Sasserath (dentiste), l’avocat Léon Sasserath s’illustrera surtout en politique, en tant que sénateur et que maïeur de la ville de Dinant pendant près de vingt ans, tout en ayant un engagement politique wallon affirmé.

Candidat libéral lors des élections communales d’octobre 1911, Léon Sasserath contribue au raz-de-marée favorable aux partis qui s’opposent au gouvernement catholique en place à Bruxelles. Sur le plan local, la rivalité entre cléricaux et anticléricaux est aussi très vive à Dinant, surtout depuis 1896. Alors que les libéraux étaient sortis vainqueurs des urnes et s’apprêtaient à garder la direction de la ville, le ministre de l’Intérieur donnait satisfaction à une plainte du parti catholique ; recommencée (janvier 1896), l’élection dinantaise apportait au parti catholique d’Ernest Boulangé la majorité qui lui faisait défaut. Le duo que formait le bourgmestre avec son échevin Georges Cousot paraissait indéboulonnable à ses opposants progressistes, quand, début 1910, Ernest Le Boulengé remettait sa démission et se retirait de la vie politique. Le décès soudain de son successeur ouvrait toutes les perspectives en octobre 1911. En janvier 1912, le libéral Victorien Barré redevenait bourgmestre, mais démissionnait en février 1914. Le libéral Arthur Defoin le remplaçait alors à la tête d’une cité qui allait devenir martyr, le 23 août 1914. À l’entame de l’occupation allemande, Léon Sasserath entre dans le collège échevinal pour faire face aux événements.

La position stratégique de Dinant en a fait un objectif névralgique tant pour les Français qui ne veulent pas perdre cet ancrage sur la Meuse que pour les Allemands qui entendent contrôler tous les ponts sur le fleuve. Au lendemain d’une confrontation violente entre les deux armées, les troupes saxonnes s’en prennent aux civils dinantais et, mutatis mutandis, font revivre à la cité un drame aussi atroce qu’en 1466, lorsque les Bourguignons incendièrent la cité mosane. Impuissant face à la fureur allemande alimentée par une peur panique de pseudo francs-tireurs (23 août), Léon Sasserath est retenu comme otage dès le soir même, « par mesure de sécurité », avec le bourgmestre et d’autres notables. Par la suite, les Allemands vont retenir prisonniers 33 ecclésiastiques à Marche, tandis que sont envoyés en Allemagne, à Cassel précisément, 416 civils dont l’échevin Léon Sasserath, le bourgmestre Defoin, une dizaine de magistrats, les employés de la prison, des professeurs du collège communal, et bien d’autres, jeunes et vieux. Sans enquête, interrogatoire ni jugement, ils sont maintenus en détention à Cassel pendant trois mois. Aucune charge n’étant retenue contre les 400 compagnons d’infortune, ils sont autorisés à quitter Cassel et à rentrer à Dinant. Sasserath y revient fin novembre et retrouve ses fonctions scabinales.  Il les utilisera pour rendre un maximum de services à la population jusqu’en 1921.
Battus lors du premier scrutin au suffrage universel (1921), les libéraux se retrouvent dans l’opposition. 

Au niveau provincial, il dispose déjà d’une notoriété suffisante pour être régulièrement élu conseiller provincial de Namur (1925-1935), et pour occuper la vice-présidence du conseil provincial (1929-1933). Mais en octobre 1926, Léon Sasserath tient sa revanche et devient le bourgmestre de Dinant (1927-1936). 

C’est au cours de ce mandat qu’il passera commande au sculpteur Soete d’un monument destiné à commémorer les martyrs civils de 1914, à la fois ceux de Dinant et tous ceux de la Belgique (estimés alors à 23.700). L’œuvre du sculpteur Daoust, intitulée L’Assaut et inaugurée en 1927 en présence notamment du capitaine de Gaulle et du maréchal Pétain, ne suffisait pas à Léon Sasserath ; elle n’avait pas le même sens que le monument qu’il voulait absolument installer. Inaugurée en août 1936 sur la place d’Armes, l’œuvre de Soete est particulièrement monumentale ; au centre d’une longue balustrade, deux doigts levés vers le ciel en forme de V, signifient que, sur l’honneur, les Dinantais jurent qu’aucun franc-tireur n’a tiré sur les soldats allemands ; intitulée Furore Teutonico, elle sera basculée par les Panzers allemands en mai 1940. Sans doute faut-il voir dans cette initiative communale le signe de l’engagement de Léon Sasserath dans une forme du combat wallon. Le projet et l’inauguration de ce monument (en août 1936, la Belgique officielle est sur le point de modifier sa politique étrangère) provoqueront une vive polémique à dimension nationale, mais l’impact local n’est pas à négliger pour Sasserath ; son obstination dans l’édification de ce monument lui aurait vraisemblablement coûté son mandat de bourgmestre.

Membre du comité de patronage du premier congrès de la Concentration wallonne (1930), membre du comité d’honneur de la Fédération des Universitaires wallons (1933), il n’a pas rejoint son frère, Simon, au sein de la Ligue nationale pour la Défense de la Langue française. Mais son attachement à la culture française est réel, mêlé à des préoccupations wallonnes. Avocat, il devient membre dans les années 1930 du Groupement des Avocats de Langue française (1934-1940) et prend une part active dans la lutte contre le projet de loi du ministre de la Justice, Eugène Soudan, réglementant l’emploi des langues en Justice. Entré au Sénat en remplacement de Georges Hicguet décédé (novembre 1935), Léon Sasserath va représenter l’arrondissement de Namur-Dinant-Philippeville jusqu’en 1946. De 1935 à 1940, il est aussi le délégué de cet arrondissement à l’Assemblée wallonne. À ce moment, il ne partage pas totalement les vues des fédéralistes wallons. Président du groupe libéral au Sénat, Léon Sasserath cherche d’autres voies pour défendre les intérêts wallons, et s’identifie davantage au courant unioniste du Mouvement wallon. Ainsi, il n’hésite pas à présider la réunion de l’Entente libérale wallonne (Namur, 5 février 1939) qui décide de retirer sa confiance au gouvernement suite à la nomination du docteur Martens à l’Académie flamande. Sasserath faisait ainsi tomber un gouvernement comprenant trois ministres libéraux, dont le wallon et fédéraliste Émile Jennissen.

Membre du Congrès national wallon, Léon Sasserath participera au congrès wallon de la Libération (Liège, 20 et 21 octobre 1945). Membre du comité provincial namurois de patronage du Congrès national wallon de 1947, membre du comité de patronage du deuxième Congrès culturel wallon (Liège 1955), Léon Sasserath aurait été membre du Comité permanent du Congrès national wallon, à partir de 1948 et jusqu’en 1958. Membre de l’Entente libérale wallonne, il déclare en 1947 que sa fédération (Dinant) s’est ralliée au fédéralisme. 1947 est aussi l’année où il retrouve la présidence du collège dinantais. Il restera bourgmestre jusqu’en décembre 1956. On ne trouve aucune trace de la volonté de reconstruire le Furore Teutonico

Sources

Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1459
http://www.dinant.be/patrimoine/celebrites/bourgmestres/sasserath-leon (s.v. octobre 2014)

Mandats politiques

Conseiller communal de Dinant (1912-1956)
Échevin (1914-1921)
Conseiller provincial (1926-1935)
Bourgmestre (1927-1936)
Sénateur (1935-1946)
Bourgmestre (1947-1956)

Destenay Maurice

Militantisme wallon, Politique

Tilleur 18/02/1900, Liège 01/09/1973

Au sortir de la Grande Guerre au cours de laquelle il a réussi tant bien que mal à achever sa formation d’instituteur à l’École normale de Liège (1919), Maurice Destenay débute sa carrière d’instituteur en Allemagne (1919-1920), avant de l’exercer pendant vingt ans dans l’enseignement communal liégeois (1920-1940). Lieutenant mobilisé en mai 1940, il participe à la Campagne des Dix-huit jours et est fait prisonnier de guerre. Comme près de 65.000 autres Wallons de sa génération, il reste en captivité pendant les cinq années du conflit mondial dont, en ce qui le concerne, trente mois dans les camps disciplinaires de Colditz et Lübeck, en raison de ses activités au sein de la Ligue d’Action wallonne de Liège à la veille de la guerre.

Après la Seconde Guerre mondiale, c’est une carrière politique qui l’attend. Député de Liège élu en 1949, celui qui a présidé les Jeunesses libérales et a fait partie du bureau directeur du Parti libéral dans l’Entre-deux-Guerres, devient président national du Parti libéral durant la période du « gouvernement des gauches » et de la crise de la question scolaire (1954-1959). À ce titre, Maurice Destenay se flattait d’avoir été l’un des auteurs du fameux Pacte scolaire. Un portefeuille ministériel lui semblait promis s’il n’avait manifesté précédemment de fortes positions wallonnes, dès les années trente au sein de l’action wallonne et de l’Entente libérale wallonne et, après la Libération, au sein de Wallonie libre et du Congrès national wallon. En janvier 1950, avec d’autres parlementaires libéraux, le jeune élu déposait d’ailleurs une proposition de loi instituant une consultation populaire sur la question wallonne. En vue d’aider le Centre Harmel dans sa démarche auprès de la population, il proposait d’interroger la population wallonne sur base de la question suivante : Êtes-vous d’avis qu’il y a lieu d’accorder l’autonomie à la Flandre et à la Wallonie dans le cadre d’un État fédéral belge ? Vice-président wallon du parti libéral, il est encore amené, en 1950, à participer au règlement de la question royale dont nul n’ignore qu’il est un farouche opposant du retour de Léopold III sur le trône.

C’est par conséquent par l’intermédiaire de la ville de Liège qu’il tentera de peser sur la vie politique belge, dans la défense des intérêts wallons et liégeois. Élu conseiller communal en 1952, il devient d’emblée échevin de l’Instruction publique et des Sports (1953-1964) : il prend l’initiative, à partir de 1954, d’organiser des commémorations wallonnes annuelles à l’hôtel de ville, au mois de septembre. La même année, il crée le Prix biennal de littérature wallonne et procure des subsides au « Wallon à l’École ». En 1958, il fait organiser des cours de langue et littérature wallonnes ; en 1963, il crée le Foyer culturel wallon et fait distribuer le Chant des Wallons dans les écoles ; il assure la stabilité et la permanence de la Commission du FHMW. Vice-président du comité d’Action wallonne de Liège (1962-1964), il publie un manifeste en faveur du fédéralisme en 1963, avec la fédération libérale de Liège. Défenseur acharné du maintien des Fourons en province de Liège, il multiplie les initiatives pour faire valoir le libre choix des habitants de ces localités.

Sa désignation comme bourgmestre, en remplacement d’Auguste Buisseret malade, n’atténue pas sa détermination. Dernier libéral à exercer le mandat de bourgmestre de Liège, de 1963 à 1973, il continue de soutenir résolument la cause fouronnaise, dossier qu’il évoque notamment lors de ses discours remarqués à l’occasion des Fêtes de Wallonie. En 1969, il convainc les bourgmestres des quatre autres grandes villes wallonnes de rassembler tous les bourgmestres de Wallonie au sein d’un comité de coordination destiné à protéger les intérêts économiques et sociaux de Wallonie ; il préside cette « Conférence ». Fondateur du Centre Paul Hymans, membre du Comité Monnet pour les États-Unis d’Europe, président du Foyer culturel wallon, président d’honneur des Auteurs wallons, Maurice Destenay est un défenseur de la culture française et contribue notamment au développement du Ballet, de l’Opérette et de l’Opéra de Wallonie.

Au sein de son parti, opposé à la ligne unitariste imposée par Omer Vanaudenhove au début des années 1960, il conduit victorieusement une liste dissidente de Rassemblement liégeois autour du bourgmestre (en juin 1971). Lorsqu’il meurt en 1973, la cité liégeoise était sur le point d’organiser cinq semaines de manifestations sur le thème : Liège accueille les pays de langue française, accueillant les festivités du Mois de la Francophonie.

 

Mandats politiques

Député (1949-1965)
Ministre d’État (1966)
Conseiller communal de Liège (1952-1973)
Echevin (1953-1964)
Bourgmestre (1964-1973)

 

Sources

Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 482-483

Delbouille Maurice

Académique, Philologie, Militantisme wallon, Politique

Chênée 26/01/1903, Chênée 30/10/1984

Élève de Maurice Wilmotte, d’Auguste Doutrepont et de Servais Étienne, docteur en Philologie romane de l’Université de Liège (1923), boursier sur concours, Maurice Delbouille parfait sa formation à Paris et Florence, se spécialisant dans les littératures françaises et latines médiévales. Successeur d’Auguste Doutrepont, en 1929, chargé des cours de linguistique française et de philologie médiévale, il se consacre à l’édition de textes français du Moyen Âge, à l’instar de son maître Maurice Wilmotte dont il partage aussi une partie des convictions wallonnes. Nommé professeur en octobre 1936, il sera admis à l’éméritat en 1973, après avoir rendu une multitude de services à la communauté universitaire, dont les plus visibles restent la direction de la collection des publications de la faculté de Philosophie et Lettres et la création d’un Service des Langues vivantes.

Fidèle à ses racines, Maurice Delbouille s’attache à étudier et à illustrer autant la langue française que la langue wallonne, ses traditions populaires et la vie culturelle. Membre de la Société de Langue et Littérature wallonnes, il la préside à deux reprises. Dès 1939, il est élu à l’Académie de Langue et de Littérature françaises de Belgique. Co-directeur de la revue Le Moyen Âge (1946-1984), il assure pendant plusieurs années la publication du Dictionnaire wallon et il est l’auteur de nombreuses publications scientifiques parmi lesquelles, notamment, La Littérature dramatique wallonne (1937), des Noëls wallons (1938), Sur la genèse de la Chanson de Roland. Essai critique (1954) ainsi qu’une Petite anthologie liégeoise. Choix de textes wallons (1950) et une magistrale étude sur Le premier Roman de Tristan (1962). Quelques titres ne parviennent cependant pas à rencontrer une bibliographie considérable tant en qualité qu’en quantité.

Romaniste reconnu par ses pairs, Maurice Delbouille mène parallèlement une activité politique et wallonne importante. Conseiller communal élu en octobre 1938, désigné comme échevin de Chênée (1939-1941), il remplace le bourgmestre décédé durant l’Occupation (25 octobre 1941), mais s’oppose à la constitution du Grand Liège allemand ; de diverses autres manières, il témoigne d’une réelle activité de résistance. À la Libération, il est coopté au Sénat durant une brève période (1946-1947). Reconduit en tant que sénateur provincial en 1958 toujours pour le parti socialiste, il est élu directement en 1961, au lendemain de la grande grève wallonne contre la Loi unique. Bourgmestre de Chênée sans interruption de 1941 à 1970, il renonce à se présenter en octobre 1970, laissant à Charles Goossens le dernier mandat de bourgmestre de la commune avant la fusion des communes.

Dès la Libération, ce socialiste wallon s’affirme comme une des personnalités importantes du Mouvement wallon. Assumant diverses responsabilités au sein de Wallonie libre, dont une participation au Directoire jusqu’en 1947, membre du comité organisateur du Congrès national wallon qui se tient à Liège, les 20 et 21 octobre 1945, Maurice Delbouille sera membre du Comité permanent du Congrès national wallon de 1945 à 1971. Rapporteur lors du Congrès de 1945, il s’y affirme partisan d’un fédéralisme à trois, de nature à assurer aux Bruxellois un statut spécifique qu’il leur appartiendra de définir. Convaincu que seule cette formule sauvegardera l’unité de la Belgique, il considère que les Bruxellois sont autant responsables que les Flamands de la minorisation de la Wallonie. Signataire de La Wallonie en alerte (1947), à l’instar de 52 autres académiciens et professeurs d’université réclamant l’autonomie pour leur région, il est aussi l’un des cinquante signataires wallons du Manifeste des Intellectuels wallons et flamands, aussi appelé Accord Schreurs-Couvreur (3 décembre 1952). En juin 1976, il figurera encore parmi les signataires de la Nouvelle Lettre au roi pour un vrai fédéralisme rédigée à l’initiative de Fernand Dehousse, Joseph Hanse, Jean Rey et Marcel Thiry, notamment.

Fondateur et administrateur de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie (février 1945), Maurice Delbouille dirige avec énergie le deuxième Congrès culturel wallon (Liège, octobre 1955), ce rendez-vous important qui réunit d’éminents esprits venus de divers horizons wallons et européens. À la suite de ce congrès, il est encore à l’origine du Centre culturel wallon (1956-1957) qu’il préside à l’instar de sa Commission de la Littérature dialectale. Auteur de la fameuse lettre que les élus socialistes wallons adressent au roi lors des événements de l’hiver ’60-’61, fondateur du Mouvement populaire wallon, où il exerce diverses responsabilités, il devient la personne-ressource dans la défense d’une « véritable autonomie culturelle au profit de la Wallonie, et de la reconnaissance d’une communauté wallonne et de son intégrité française ». À de multiples reprises, il défend l’idée que les trois chambres régionales (bruxelloise, flamande et wallonne) doivent chacune disposer des compétences culturelles et réclame l’établissement d’un ministère unique de l’Éducation et de la Culture placé sous la direction d’un ministre wallon, compétent en matière culturelle, d’enseignement et d’emploi des langues.

Sources

Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 433-434
Madeleine TYSSENS, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 8, p. 92-97

Mandats politiques

Conseiller communal de Chênée (1939-1970)
Échevin (1939-1941)
Bourgmestre (1941-1970)
Sénateur coopté (1946-1947)
Sénateur provincial (1958-1961)
Sénateur (1961-1965)

Dedoyard Georges

Culture, Architecture

Verviers 22/12/1897, Liège 30/01/1988

Architecte, urbaniste, professeur à l’Institut supérieur d’Architecture, architecte général du gouvernement à Liège, cet élève de Joseph Moutschen a dressé les plans de nombreux édifices publics et privés majeurs. 

Après avoir réalisé le pavillon de la ville de Liège à l’Exposition de 1930, Georges Dedoyard a surtout opéré à Liège : l’ancien bâtiment de la Générale (bld de la Sauvenière, en 1937), le Palais du Commissariat général à l’Exposition de l’Eau de 1939, les bains et les thermes de la Sauvenière (1942), les bâtiments dits du Bon Marché (place de la République française, en 1952), la centrale hydroélectrique d’Ivoz-Ramet (1954), la cité administrative de l’État (dite la Tour des Finances, rue Paradis, en 1965). 

Assurément, Dedoyard s’est vu attribuer des projets d’envergure, celui de la Sauvenière, de style moderniste et empreint de fonctionnalisme, souhaité par Georges Truffaut, étant assez emblématique avec sa gare des bus, ses deux bassins de natation sur une immense dalle de 80 mètres de long et couverts par une voûte en béton translucide, un ensemble complet de bains publics et d’hydrothérapie, un restaurant et… un abri anti-aérien.

Pour orner le pont des Arches dont il supervise la reconstruction (1947), Georges Dedoyard fait appel à plusieurs sculpteurs qui assurent une décoration spectaculaire de l’infrastructure. On doit encore à Dedoyard un certain nombre de bâtiments industriels à Ougrée. À Bastogne, il a conçu le mémorial du Mardasson, monument en forme d'étoile américaine à cinq branches (1950) et, dans le domaine du génie civil, l’architecte a introduit sa signature sur quelques ponts surplombant des autoroutes, dont celle de Wallonie, ou encore la Meuse (le pont Albert Ier, en 1957 et le pont Kennedy en 1960).

Attentif à la question wallonne, Georges Dedoyard a été mêlé de près à une série de groupements wallons actifs à la fin de la Seconde Guerre mondiale et à la Libération, dans le domaine de la défense des intérêts culturels, économiques et politiques de la Wallonie. Lors du Congrès national wallon du 20 et 21 octobre 1945, il se prononce d’abord en faveur d’un rattachement de la Wallonie à la France avant de se rallier à la formule fédéraliste. Signataire du Manifeste des Intellectuels wallons et flamands, aussi appelé Accord Schreurs-Couvreur (3 décembre 1952), il est aussi l’un des dix membres wallons du Collège wallo-flamand constitué en 1954. Membre du comité exécutif du Congrès culturel wallon (1955), il milite encore au sein du Comité permanent d’Action wallonne (1962-1964).

Sources

Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 407-408
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 360, 373, 377

Bal Willy

Académique, Philologie, Militantisme wallon

Jamioulx 11/08/1916, Jamioulx 18/08/2013

Dès ses études à l’Université catholique de Louvain, Willy Bal développe une conscience wallonne très affirmée. Animateur du Cercle de Culture wallonne de Louvain et chroniqueur de littérature wallonne à l’INR, il est aussi rédacteur en chef de L’Ergot entre 1935 (21 octobre) et 1937, organe de la Fédération wallonne des Étudiants de Louvain. Liant la dimension linguistique à la dimension politique et sociale, il se rallie très tôt au fédéralisme, au programme de la Ligue d’Action wallonne, ainsi qu’au journal La Wallonie nouvelle d’Arille Carlier et de l’abbé Mahieu, et il collabore au comité de rédaction de la revue La Terre wallonne (1933-1938) d’Elie Baussart, auquel il consacrera un ouvrage dans les années 1970.

Jeune soldat en 1940, il est fait prisonnier sur la Lys avec le peloton du 12e Régiment de ligne qu’il commande. Comme 65.000 autres prisonniers de guerre wallons, il passera cinq années de captivité dans les camps allemands. En 1995, à l’occasion de l’hommage rendu par le gouvernement wallon aux prisonniers de guerre, Willy Bal rappellera, dans un texte intitulé Témoignage d’un Stück, les conditions de vie d’une génération de jeunes Wallons auxquels Hitler reconnaîtra l’identité wallonne. Toute sa vie, Willy Bal restera un défenseur de l’autonomie wallonne, le manifestant en participant au Congrès national wallon de 1945 ou en étant l’un des signataires de la Nouvelle Lettre au roi pour un vrai fédéralisme (29 juin 1976).

Docteur en Philosophie et Lettres de l’Université de Louvain (1938), Willy Bal entame une carrière d’enseignant au lendemain de la Libération. Après l’Athénée de Marchin (1946-1956), il devient professeur à l’Université Lovanium de Léopoldville (1956-1965), où il est le doyen de la faculté de Philosophie et Lettres de 1962 à 1965. Comme professeur de linguistique générale et romane, ainsi que d’histoire de la littérature wallonne à l’Université de Louvain (1965-1984), il marque plusieurs générations d’étudiants par son érudition et contribue au développement de la dialectologie wallonne dans cette institution. À son retour du Congo-Zaïre, il est plongé dans l’atmosphère tendue du Walen buiten et sera très marqué par l’expulsion des francophones de Leuven. Doyen de la Faculté de Philosophie et Lettres (1968-1973), vice-président du Conseil académique de l’Université catholique de Louvain (1970-1973), il est encore le fondateur d’un Centre d’études portugaises à l’UCL. En 1984, il est admis à l’éméritat.

Défenseur et promoteur de la culture et des langues régionales, et singulièrement du wallon, Willy Bal est l’auteur de textes en wallon ou sur le wallon, le poète et écrivain régionaliste se doublant d’un expert en dialectologie et ethnographie wallonnes, bon connaisseur du folklore et de la vie quotidienne régionale. Même dans les différents genres littéraires qu’il pratique, Willy Bal introduit une réflexion sur la société wallonne, intègre une dimension citoyenne et personnelle. Craignant la disparition des langues régionales, il s’est engagé très tôt dans la lutte pour leur préservation, leur attribuant une fonction de témoin du passé et une vertu de maillon linguistique. Éditeur scientifique (3 vol. 1985-1991) du Dictionnaire de l’Ouest wallon qu’avait élaboré Arille Carlier, Prix de la Pensée wallonne en 1985, Willy Bal a collaboré à de nombreuses revues wallonnes : La Vie wallonne, El Bourdon, Les Cahiers wallons, La Wallonie dialectale, Les Dossiers du Cacef, MicRomania.

Membre de la Commission de Toponymie et Dialectologie (1948), membre de la Société de Langue et de Littérature wallonnes (1953), membre de l’Académie de Langue et de Littérature françaises de Belgique (au titre d’écrivain) où il succède à Joseph Calozet (1969), membre du Conseil international de la Langue française (1981), membre du Conseil international de la Recherche en Linguistique fondamentale et appliquée, vice-président du Conseil interrégional des Études françaises, et président scientifique de l’Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire, il est encore un membre assidu du Conseil des Langues régionales endogènes de la Communauté française, en qualité de membre effectif (1991), puis de membre honoraire (1997).

Sources

Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 113-114
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 167, 192, 198, 199, 218-219
La Wallonie à l’aube du XXIe siècle, Namur, Institut Destrée, Institut pour un développement durable, 2005
Langues et cultures. Mélanges offerts à Willy Bal, Louvain-la-Neuve, Cahiers de l’Institut de linguistique de Louvain, 1984
Maurice PIRON, Anthologie de la littérature wallonne, Liège, Mardaga, 1979, p. 566-585

Œuvres principales

Témoignage d’un écrivain employant le patois comme langue littéraire, essai, Louvain, Centre international de dialectologie générale, 1964
Oupias d’âvri (Bouquets d’avril) (1933)
El région dins l"monde (Charleroi, Barry, 1937)
Trwès contes, Charleroi, Èl Chariguète (1938)
Au soya dès leus (1947)
Poèmes wallons (1948), collectif réunissant Franz Dewandelaer, Willy Bal, Jean Guillaume, Albert Maquet, Louis Remacle
Nos n’ pièdrons nin (1948)
Il aveut porté l’soya dins s’bèsace (Namur, Les Cahiers Wallons, 1951)
Fauves dèl Tâye-aus-Fréjes et Contes dou Tiène-al-Bîje (1956)
Poques et djâr-nons (1957)
Œuvres poétiques wallonnes 1932-1990, Association littéraire wallonne de Charleroi et Société de langue et de littérature wallonnes (1991)
Djonnesse a Malvô, (2001)
Henri Pourrat, essayiste, Anvers, 1954
Le royaume du Congo aux XVIe et XVIIe siècles, documents d’histoire, Léopoldville, Institut national d’études politiques, 1963
Témoignage d’un écrivain employant le patois comme langue littéraire, essai, Louvain, Centre international de dialectologie générale, 1964
La faillite de 1830 ?, Élie Baussart, La Terre wallonne et le Mouvement régionaliste, Bruxelles, EVO, 1973
Dictionnaire de l’Ouest-wallon (avec Arille Carlier), ouvrage scientifique (3 t.), Charleroi, Association littéraire wallonne de Charleroi, 1985
Warum Krieg!, récit en prose illustré par Gustave Marchoul, Charleroi, El Bourdon, 1996
Introduction aux études de linguistique romane (1966)
Guide bibliographique de linguistique romane (1978, avec Jean Germain)
Bibliographie sélective de linguistique romane et française (1991, avec Jean Germain, Jean Klein, Pierre Swiggers)