Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Jules DESTRÉE

Statue dédiée à Jules Destrée, réalisée par Alphonse Darville, 23 juin 1957

Située boulevard Audent, au cœur de Charleroi, une imposante statue rend hommage à Jules Destrée (1869-1936). Avocat, juriste, homme politique socialiste, préoccupé par la question sociale, orateur brillant, militant wallon, esthète, écrivain, critique d’art, Jules Destrée a été élu député le 14 octobre 1894 dans l’arrondissement de Charleroi : il figure ainsi parmi les tout premiers parlementaires du jeune Parti ouvrier belge. Rapidement, il s’impose comme l’un des leaders de ce parti, présent sur le plan national, régional et local. En 1910-1911, il prend une part active au succès de l’Exposition internationale organisée à Charleroi. Durant la Grande Guerre, il représente la Belgique en Italie et en Russie. 

Devenu Ministre des Sciences et des Arts en 1919, et l’un des tout premiers ministres socialistes wallons, il crée notamment l’Académie de Langue et de Littérature française et établit la loi sur les Bibliothèques publiques. En 1922, il devient le délégué de la Belgique à la Commission internationale de Coopération intellectuelle de la SDN, mandat qu’il exerce jusqu’au début des années trente... Son engagement wallon se manifeste à de multiples reprises dont les plus marquantes sont la Lettre au roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre(août 1912), la création de l’Assemblée wallonne dont il reste le secrétaire général d’octobre 1912 à décembre 1919, et sa contribution au Compromis des Socialistes belges en 1929. Ami des arts et des artistes, responsable de la Société des Amis de l’Art wallon, Jules Destrée a été pris comme modèle par plusieurs peintres, médailleurs ou sculpteurs, d’initiative ou sur commande.

Monument Jules Destrée

La monumentale statue du boulevard Audent est l’œuvre d’Alphonse Darville (1910-1990). Né à Mont-sur-Marchienne en 1910, il étudie à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, reçoit le Prix Godecharle 1931 et le Premier Grand Prix de Rome 1935. Co-fondateur de L’Art vivant au pays de Charleroi (1933), attaché à la promotion de la création artistique en Wallonie, il participe aux travaux clandestins de la section culturelle du Conseil économique wallon de Charleroi et figure parmi les fondateurs de la section de Charleroi de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie (1945). Co-fondateur de l’Académie des Beaux-Arts de Charleroi, il la dirige de 1946 à 1972. Réali

sant des œuvres d’inspiration, Darville réalise également des commandes comme sa participation à la décoration du Pont des Arches, à Liège, après la guerre, aux bâtiments du gouvernement provincial à Mons, voire à l’hôtel de ville ou au Palais des Expositions à Charleroi. 

Quand René Thône – député provincial du Hainaut – lance l’idée d’élever un monument en l’honneur de Jules Destrée, relayé par les autorités de la ville de Charleroi, tous se tournent naturellement vers Alphonse Darville pour la réalisation. Sur un socle de pierre bleue où est gravé l’hommage « À Jules Destrée », s’élève une haute statue d’un Destrée debout, la main droite en poche, la main gauche ouverte légèrement en avant, tendue dans un dialogue auquel invitent les traits de son visage. Ce sont toutes les facettes de l’activité de Destrée que les autorités carolorégiennes et hennuyères ont souhaité mettre en évidence. Il s’agit du second monument dédié à Destrée inscrit dans l’espace public wallon, après le buste de Bonnetain installé, en 1936, à Marcinelle.

L’inauguration du boulevard Audent qui s’est déroulée le 23 juin 1957 a été solennelle. Les plus hautes autorités du pays ont fait le déplacement à Charleroi. Les plus hautes autorités du pays ont fait le déplacement à Charleroi. Chacun a pu admirer l’œuvre de Darville, même si plus tard, Jean Place – alias Pierre-Jean Schaeffer – se permettra cette critique : 
« Sauf le respect que j'ai pour Alphonse Darville, c'est un Destrée salonnard, qui pérore... Face au Palais du Peuple, il aurait fallu plutôt un tribun haranguant la foule... ».Lieu de rassemblement pour le Mouvement wallon, et étape indispensable lors des Fêtes de Wallonie, la statue de Jules Destrée fait l’objet d’un réaménagement au cours de l’année 2013 ; la végétation d’où le tribun semblait parfois sortir a été éliminée au profit d’une mise en évidence totale, au centre d’un lieu de grand passage urbain. 

 

Geneviève ROUSSEAUX, Alphonse Darville sculpteur, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1982, coll. « Figures de Wallonie »
Alphonse Darville : 60 [soixante] années de sculpture, catalogue d’exposition, 20 novembre 1982 - 16 janvier 1983, Jean-Pol DEMACQ [préface],  Charleroi, Musée des Beaux-Arts, 1982
Alphonse Darville 1977, Charleroi, Impaco, 1977
Philippe DESTATTE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 483-490
Paul DELFORGE, Essai d’inventaire des lieux de mémoire liés au Mouvement wallon (1940-1997), dans Entre toponymie et utopie. Les lieux de la mémoire wallonne, (actes du colloque), sous la direction de Luc COURTOIS et Jean PIROTTE, Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 1999, p. 285-300
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 290

Boulevard Audent 
6000 Charleroi

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Paul Delforge

Plaque Roger DE LE PASTURE

Plaque commémorative de Roger de le Pasture, réalisée à l’initiative des autorités communales de Tournai ; de l’Institut Jules Destrée,19 juillet 1913 ; septembre 1978.


« Ici naquit en 1399
Roger de le Pasture
Dit Van der Weyden
peintre célèbre
mort à Bruxelles en 1464 »

Telle est l’inscription qui figure sur la plaque apposée sur la maison natale du peintre, à Tournai, rue Roc-Saint-Nicaise, et inaugurée le 13 juillet 1913. Longtemps considéré comme un peintre flamand, Van der Weyden commence à être mieux connu depuis la moitié du XIXe siècle, moment où deux Tournaisiens – Charles-Barthélemy Dumortier et Alexandre Pinchart – établissent que son  lieu de naissance est à Tournai, sous le nom de Roger de le Pasture. Au début du XXe siècle, cependant, ce lieu d’origine n’en faisait pas un artiste de Wallonie, ses œuvres continuant d’être présentées comme appartenant à l’école flamande (dans le sens ancien de cet adjectif), mais aussi comme réalisées par un artiste flamand (dans le sens politique acquis par l’adjectif à la fin du XIXe siècle). C’est en s’interrogeant sur l’existence d’un art wallon, exercice pratique tenté en 1911 dans le cadre de l’Exposition internationale de Charleroi, que Jules Destrée va accorder une place toute particulière à Roger de le Pasture. Étudiant l’œuvre de l’artiste tournaisien du XVe siècle sous toutes ses coutures, l’esthète Jules Destrée y voit un peintre essentiellement wallon, figure de proue d’une « école » dont la création en 1912 et l’activité de la société des « Amis de l’Art wallon » doivent encore démontrer l’existence. Cité dans la Lettre au roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre (août 1912), Roger de le Pasture se devait d’être honoré dans sa ville natale, et la Cité des Cinq Clochers comme partie prenante de la Wallonie. La revue Wallonia publie d’ailleurs, sous la direction d’Adolphe Hocquet, un numéro spécial consacré à Tournai dans l’Art et dans l’Histoire (mai-juin 1913). Et le 19 juillet 1913, le cercle des « Amis de l’art wallon » tient son assemblée générale à Tournai, avant de procéder à l’inauguration du mémorial de le Pasture.
En collaboration avec les autorités locales, les responsables des Amis de l’Art wallon » ont en effet pris l’initiative de faire apposer la plaque mentionnée ci-dessus sur la maison natale de l’artiste. Archiviste à Tournai, Adolphe Hocquet, par ailleurs membre de l’Assemblée wallonne, a contribué à identifier officiellement la maison natale, au 78 de la rue Roc-St-Nicaise. L’échevin Maurice Houtart, Jules Destrée en tant que président de la SAAW et Eugène Soil de Moriamé, président de la Société historique et archéologique de Tournai, prennent la parole lors de l’inauguration du 19 juillet 1913.

En mai 1940, lors des bombardements allemands sur Tournai, la maison natale du peintre figure parmi les décombres. Il faut attendre 1978 pour qu’une initiative soit prise par Jacques Hoyaux, président de l’Institut Jules Destrée. Le propriétaire d’une des nouvelles maisons construites dans le haut de la rue Roc saint Nicaise a accepté qu’une nouvelle plaque commémorative soit intégrée dans la façade de son immeuble. Inaugurée en septembre 1978, elle mentionne simplement :

« Ici est né en 1399
le peintre
Roger de le Pasture
Hommage de
l’Institut Jules Destrée  ».

Par ailleurs, un monument (un bronze polychrome de Marcel Wolfers représentant « Saint-Luc peignant la Vierge) a été installé par la ville de Tournai, en 1936, en l’honneur du peintre (vieux marché aux Poteries), tandis qu’un médaillon figure aussi sur une façade de la rue des Maux.


 

Marnix BEYEN, Jules Destrée, Roger de le Pasture et « les Maîtres de Flémalle ». Une histoire de science, de beauté et de revendications nationales, dans Philippe DESTATTE, Catherine LANNEAU et Fabrice MEURANT-PAILHE (dir.), Jules Destrée. La Lettre au roi, et au-delà. 1912-2012, Liège-Namur, Musée de la Vie wallonne-Institut Destrée, 2013, p. 202-217
Wallonia, 1913, p. 543-550
Jacky LEGGE, Mémoire en images : Tournai, t. II : Monuments et statues, Gloucestershire, 2005, p. 53-53, 97-98
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Archives.

 

rue « Roc-saint-Nicaise » – 7500 Tournai

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Paul Delforge

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De Le Pasture Rogier

Culture, Peinture

Tournai c. 1399-1400, Bruxelles 18/06/1464


Elève de Robert Campin et de l’école de Tournai, Rogier de le Pasture inaugure de maîtresse manière cinq siècles de peinture en Wallonie. La réputation qu’il acquiert au XVe siècle pour la qualité de son œuvre est confirmée par le nombre de ses tableaux qui restent accrochés actuellement dans les plus grands musées du monde.

POTELLE Jean-François (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000
Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. IV
DESTRÉE Jules, Roger de la Pasture, Bruxelles, Van Oest, 1930
HULIN DE LOO G., Biographie nationale, 1938, t. 27, col. 222-245

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Campin Robert

Culture, Peinture

Valenciennes entre 1375 et 1378, Tournai 26/04/1444


Décorateur, peintre, ordonnateur et dessinateur de patron de tapisserie, il préside la corporation de peintres de Tournai (1423). Comme l’a notamment montré Jules Destrée, il est bien l’artiste des tableaux que l’on attribue au « maître de Flémalle ». Dans son atelier s’est notamment formé Rogier de le Pasture.

Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
SIRET A., Biographie nationale, 1872, t. 3, col. 284-285
Histoire de la Wallonie, (dir. L. Genicot), Toulouse, Privat, 1973, p. 182, 255-256
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. IV