Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Gosuin de STREEL

Statue de Gosuin de Streel, réalisée par Léopold Noppius,entre 1881 et 1884.


Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège d’un bâtiment digne de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser une toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Elles racontent l’histoire de la principauté de Liège, privilégiant les acteurs du Moyen Âge.


À titre personnel, Léopold Noppius, le frère de l’architecte liégeois, signe onze décorations particulières, dont 9 statues de personnalités majeures de l’histoire de la principauté de Liège, parmi lesquelles Gosuin de Streel. À son sujet, il est inutile de chercher les traits de son visage, le sculpteur ne semble pas disposer d’informations précises à son sujet et il se contente de le représenter comme un guerrier, harnaché dans ses cuirasses et sous son casque, posant la main gauche sur son bassin tandis que la droite s’appuie sur une longue épée. Le visage de Gosuin est ainsi le seul à ne pas être représenté, d’autres hommes d’armes ayant leur visière remontée, comme Henri de Hornes ou Vincent de Bueren. Il s’agit d’une réelle singularité car les statues « liégeoises » sont toutes réalisées avec un souci d'art et de différenciation. Représentant d’une illustre famille de la noblesse hesbignonne, Gosuin de Streel a marqué l’histoire liégeoise par l’opposition qu’il manifesta à l’encontre du prince-évêque Louis de Bourbon.


Avec Vincent de Bueren, cité ci-dessus, Gosuin est considéré comme l’un des principaux meneurs dans la tentative de capture du duc de Bourgogne lors du fameux épisode des Six cents Franchimontois. Refusant que la principauté devienne un état vassal de la Bourgogne, il a profité de l’éloignement continu de l’évêque, Louis de Bourbon, et de l’absence momentanée de son intendant, d’Humbercourt pour accompagner les « patriotes » liégeois dans la prise du pouvoir de la cité (septembre 1468), provoquant ainsi la colère du duc de Bourgogne qui met ses armées en route. Au prix d’un coup de main hardi, Streel et Bueren parviennent à faire prisonniers l’évêque et son intendant lors d’une rencontre à Tongres (9 octobre). Trop confiant en leur prince-évêque, les Liégeois le laissent partir négocier à Péronne. Mal leur en prit. Le 27 octobre, les armées bourguignonnes sont aux portes de la ville. Le dernier coup de force de Bueren échoue. Charles le Téméraire n’est pas capturé et les « Franchimontois » sont mis en déroute. Livré au duc de Bourgogne, Gosuin de Streel est décapité le jour de Noël, devant la Cour de Bruxelles. Comme le sculpteur de Tombay avec de Bueren, Léopold Noppius s’est limité à suggérer le statut de Gosuin de Streel, dont la statue se situe dans un angle formé par le côté doit du péristyle et le début de la façade orientale.


Avant ce chantier de décoration, Léopold Noppius dont l’atelier accueillait le tout jeune Léon Mignon avait déjà signé quelques bas-reliefs, médaillons et bustes en région de Liège, comme sur le fronton du portique d’accès à l’Institut de Zoologie de l’Université de Liège. Réalisant des statues s’inspirant de sujets religieux (Vierge, Saint-Sébastien, etc.) qui ornent les églises, il rédige et publie, en 1880, un Projet de cortège historique pour Liège. Après le succès rencontré par celui organisé à Bruxelles à l’occasion des cinquante ans de la Belgique, il présente aux autorités liégeoises, et aussi à tous les partenaires du pays wallon, un projet de cortège historique qui pourrait se dérouler à Liège afin d’honorer et de glorifier tous ceux qui ont contribué à l’histoire de la principauté de Liège, voire du pays wallon. Nombre des personnalités évoquées dans son opuscule se retrouvent sur la façade du palais provincial.

 

Sources


Léopold NOPPIUS, Cortège historique, Liège son passé son présent, Liège, éd. Blanvalet et Cie, 1880
Jean LEJEUNE (dir.), Liège et son palais : douze siècles d’histoire, Anvers, Fonds Mercator, 1979
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 97
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 231
Jean-Luc GRAULICH, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996 
Félix MAGNETTE, Précis d’histoire liégeoise à l’usage de l’enseignement moyen, Liège, 1929, 3e éd., p. 162 et 165

 

Statue Gosuin de Streel (Liège)

Façade latérale du Palais provincial, face à la place Notger

4000 Liège

carte

Paul Delforge