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Plaque Georges KRINS

Plaque commémorative Georges Krins, réalisée à l’initiative de Philippe Delaunoy, 14 septembre 2002. 


Depuis son naufrage dans l’Atlantique Nord, au large de Terre Neuve, dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, le Titanic ne cesse de susciter la curiosité, l’intérêt et des hommages aussi variés que les approches de l’événement. Que n’a-t-on écrit à propos de cet insubmersible transatlantique qui emporta par le fond près de 1.500 personnes ! Parmi d’autres aspects du naufrage, on s’intéressa à l’identité des passagers et, au-delà de grandes fortunes célèbres, ils furent nombreux, en Europe comme en Amérique, à connaître, directement ou indirectement, quelqu’un qui connaissait quelqu’un qui était sur le Titanic. Certains rescapés sont alors auréolés d’une gloire éphémère, tandis qu’ailleurs, on pleure les morts par des cérémonies immédiates ou des hommages plus durables : plaques et mémoriaux fleurissent dès l’automne 1912 ; le souvenir est ardemment entretenu par des associations très actives, d’autant que l’événement paraît une source inépuisable. À sa petite échelle, la Wallonie n’échappe pas à ce phénomène. Certes, aucun survivant n’a pu être glorifié, mais, parmi les victimes, la ville de Spa a retrouvé « l’un de ses enfants ».
En effet, parmi les musiciens présents sur le Titanic se trouvait Georges Krins, né à Paris en 1889, mais qui avait des liens étroits avec la ville thermale. En effet, sa mère parisienne (née Petit) a épousé un commerçant spadois et, dès 1895, la famille Krins s’installe au cœur de la cité thermale, où elle tient une mercerie. Formé à la musique à l’Académie de Spa, le jeune Krins s’inscrit ensuite au Conservatoire de Liège (1902), où il achève brillamment sa formation en 1908. Sa famille s’est alors installée à Liège. Faisant valoir son talent dans un orchestre local à la mode, il entame ensuite seul un tour d’Europe, jouant un an à Paris (Trianon lyrique), puis à Londres. Quand il lui est proposé de travailler comme musicien à bord du Titanic, le Spadois n’hésite pas. La Black Talent Agency n’engage que les meilleurs : il sera premier violon et responsable d’un trio. Avec le français Roger Bricoux, il est le seul non britannique de l’orchestre de 8 personnes dirigé par Wallace Hartley ; le « Café parisien » et le grand escalier arrière seront les deux principaux lieux de représentation de Georges Krins. Le 10 avril 1912, dans une atmosphère de fête et de démesure, il entame, à Southampton, le voyage inaugural du Titanic qui va s’avérer funeste. Au moment du naufrage, les huit musiciens du Titanic se rassemblent et reçoivent une mission inattendue : jouer, toujours jouer afin de calmer l’effet de panique. Controversé, le rôle de l’orchestre entre dans l’histoire et alimente les légendes. La dernière note de musique accompagne l’orchestre dans les eaux glacées de l’océan. Comme ses sept compagnons d’infortune, Georges Krins disparaît. Son corps à lui ne sera jamais retrouvé.
Jusqu’en 2002, seule la stèle de la famille Krins, au cimetière de Spa évoque « la mémoire de Georges Krins, né en 1889, mort sur le Titanic en 1912 ». Avant la Grande Guerre, un comité de patronage – soutenu par le journal Le Cri de Liège – avait lancé le projet d’un monument Krins à Liège (près de l’église Saint-Jacques) et une souscription publique, mais les événements le font tomber dans l’oubli. Certes, le nom de Krins est associé à celui des autres musiciens, notamment sur le Titanic Musician’s Memorial à Southampton. Mais aucun hommage public particulier ne lui a été rendu quand survient, en 1997, la sortie du film de James Cameron, interprété par Leonardo Di Caprio et Kate Winslet. Le succès cinématographique de Titanic est planétaire. L’intérêt pour « le plus grand naufrage de tous les temps » est revivifié. Le succès de la bande originale du film (la plus vendue, la plus connue notamment avec une interprétation de Céline Dion qui reçoit un Oscar) reporte aussi la curiosité et l’attention sur l’orchestre du Titanic. Des passionnés du Titanic (Jean-François Germain, Philippe Delaunoy et Olivier Cesaretti) identifient les passagers un à un, et les deux derniers cités attirent l’attention des autorités publiques sur le pedigree de Georges Krins. À l’instar de la municipalité française de Cosne-sur-Loire pour Roger Bricoux en 2000, les autorités de Spa ne pouvaient manquer l’occasion d’apposer une plaque commémorative à « leur » héroïque musicien :

Ici vécut Georges Krins
(1889-1912)
Premier violon à bord du
RMS Titanic

Installée le 14 septembre 2002 sur la façade de l’hôtel Cardinal, au 21 de la place Royale, cette plaque à la sobriété d’une plaque professionnelle pour activités libérales est heureusement accompagnée et rehaussée par la présence d’une peinture naïve et colorée du premier violon (initiative du patron de l’hôtel).

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (notamment La Libre du 13 décembre 2000 et Le Soir du 16 septembre 2002)
http://titanic.superforum.fr/t456-memorial-george-krins-spa-en-belgique 
Pol JEHIN, http://www.sparealites.be/georges-krins-le-musicien-spadois-du-titanic (s.v. mars 2014)
Appel à témoins, dans Histoire et Archéologie spadoises, juin 1998, n°94, p. 82
Philippe DELAUNOY, Georges Krins : le musicien oublié du Titanic, dans Histoire et Archéologie spadoises, décembre 2003, n°116, p. 162-171
Monique CARO-HARION, À propos de Georges Krins, dans Histoire et Archéologie spadoises, mars 2004, n° 117, p. 38-39

Plaque commémorative Georges Krins

Place Royale 21
4900 Spa

carte

Paul Delforge