Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Jean d’Outremeuse

Statue de Jean d’Outremeuse, réalisée par Alphonse de Tombay, entre 1877 et 1884.



Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs.


Parmi les 42 personnages illustres, il n’est pas étonnant de retrouver Jean d’Outremeuse, né Jean Desprez (1338-1399), dans la mesure où ce chroniqueur a été l’un des tout premiers à se lancer dans l’écriture de l’histoire de Liège, depuis les temps les plus anciens (il remonte à la Guerre de Troie) jusqu’au XIVe siècle. Pendant des générations, tant sa Geste de Liège que son histoire universelle intitulée Le Myreur des histors, ont été considérées comme la porte d’accès la plus aisée pour appréhender le passé liégeois. En « rymes françoises », sa Geste apparaît comme un roman chevaleresque, rédigé pour la noblesse de l’époque, et exaltant un sentiment national liégeois. Sa chronique en prose, quant à elle, mélange « faits historiques » et fantaisie, et apporte des témoignages précieux, voire uniques, aux « historiens », et nourrit la curiosité du « peuple » auquel Jean d’Outremeuse s’adressait en priorité.


Pour figer dans la pierre le chroniqueur liégeois, il a été fait appel à Alphonse de Tombay (1843-1918), fils et petit-fils de sculpteurs liégeois. Ami de Léon Mignon, il a bénéficié comme lui d’une bourse de la Fondation Darchis et a séjourné plusieurs mois à Rome quand il revient à Liège, au moment où s’ouvre le chantier de décoration du Palais provincial. Répondant à plusieurs commandes officielles dont un buste de Charles Rogier (1880) à Bruxelles qui aura beaucoup de succès, de Tombay signe à Liège six statues et trois bas-reliefs évoquant des scènes historiques (L'exécution de Guillaume de la Marck, La mort de Louis de Bourbon, L'octroi de la Paix de Fexhe). Exposant ses propres œuvres tout en répondant à de nombreuses commandes officielles à Bruxelles, il devient professeur à l’Académie de Saint-Gilles, avant d’en assurer la direction (1902).


Quant à la statue de Jean d’Outremeuse, elle trouve place sur la façade occidentale, à l’intersection entre celle-ci et le marteau gauche, sur la colonne centrale : le chroniqueur est placé entre Henri de Hornes et Jehan Le Bel. Coiffé d’un bonnet sans âge, il tient entre ses deux mains un livre entr’ouvert et, avec un air juvénile, donne l’impression de continuer à raconter ses histoires à ceux qui se rassembleraient sous ses pieds : sa statue est située dans la partie inférieure de la colonne.

 

Sources


Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 81-82
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html
Hugo LETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 350-351
Émile VARENBERGH, Jean Desprez, dans Biographie nationale, t. 5, col. 784-788

 

Façade du Palais provincial, face à la place Notger

4000 Liège

carte

Paul Delforge

Sous l’Ancien régime, les relations qu’entretiennent les Wallons – on les désigne déjà ainsi - avec ceux qui les gouvernent ne sont ni passives ni uniformes. De manière dispersée mais assez générale, se manifeste la volonté forte de faire respecter des traditions, des usages et des droits. Retrouvez dans cette leçon le cheminement vers la reconnaissance de ces libertés.