IPW

Théâtre de l’Eden

Réalisé par l’architecte Auguste Cador en 1884-1885, il s’agit du premier théâtre en matériaux durables de Charleroi. Le corps principal, élevé en brique et en calcaire, présente une façade de trois niveaux et cinq travées sous un fronton triangulaire. Ce volume est prolongé vers la rue de France par un bâtiment fort simple, structuré par des pilastres de brique.
Racheté par la province du Hainaut peu avant la Seconde Guerre mondiale, il passe sous la gestion de la Maison de la culture de Charleroi en 1992, devenu Centre culturel de Charleroi, qui procède à sa rénovation en 1996-1997 sous la direction des architectes Pierre et Pablo Lhoas.

1946, 1953, 1957 : trois fois l’hôte du Congrès national wallon

Après celui de Liège en 1945, le second Congrès national wallon se déroule au « théâtre provincial de Charleroi », les 11 et 12 mai 1946, alors que la ville s’est drapée aux couleurs wallonnes. La commission des griefs, constituée lors du précédent congrès, y présente son rapport et classe les griefs wallons en quatre catégories : griefs administratifs, culturels, économiques et agricoles. Constat est déjà fait que sous ces quatre angles, la Flandre est privilégiée par rapport à la Wallonie. La seconde grande question débattue à Charleroi concerne le fédéralisme. La motion votée à l’issue de ce Congrès se prononce clairement pour un fédéralisme à deux. Une commission, chargée d’y travailler à l’issue du Congrès, aboutira au dépôt (purement symbolique) d’un projet de loi au Parlement le 25 mars 1947, optant pour le confédéralisme : deux États (Wallonie et Flandre) et une région fédérale (Bruxelles). Après quelques années, l’Éden retrouve à nouveau le Congrès national wallon et accueille sa septième session, les 3 et 4 octobre 1953, trois ans après le précédent congrès. Plusieurs sujets sont débattus : les congressistes tracent un projet de frontière linguistique, se prononcent encore et toujours pour le fédéralisme après l’échec du projet parlementaire et appuient l’initiative du manifeste Schreurs-Couvreur.

Après une nouvelle pause de plusieurs années, le huitième Congrès national wallon se retrouve au même endroit, les 25 et 26 mai 1957. La participation est d’emblée bien moins encourageante : bon nombre de congressistes, déçus par l’action des six ministres wallons du gouvernement socialiste-libéral, décident de ne pas se rendre au Congrès. Les membres présents doivent faire face à une crise de confiance chez les militants wallons et, dans sa motion finale, le Congrès ne fait que réaffirmer la volonté d’autonomie de la Wallonie, prônée depuis 1945. La vie du Congrès national touche à sa fin et les militants ne peuvent que se rendre compte de l’importante baisse d’influence de cet organe sur la politique wallonne. Une neuvième et dernière session sera convoquée à Liège en 1959.

Boulevard Jacques Bertrand 3
6000 Charleroi

carte

Freddy Joris & Frédéric Marchesani, avril 2009

Guy Focant-SPW

Athénée Destenay

Suite à l’installation d’une école moyenne dans les locaux de l’école industrielle, sise jusque-là rue des Croisiers, décision est prise de construire un nouveau bâtiment pour abriter l’institution, sur les plans des architectes Louis Boonen et Joseph Lousberg. Facilement accessible depuis la construction d’une passerelle en 1878, le boulevard Saucy s’impose au choix du collège communal. 

Située sur l’ancien bief de Saucy comblé en 1872, l’école industrielle s’installe donc dans un nouveau quartier sortant de terre à la fin du xixe siècle. L’édifice est terminé en 1881 et inauguré en 1883. Bâtiment imposant de style néoclassique, l’école industrielle présente une riche façade : frise de feuillage en pierre, fronton à colonnes et linteaux de fenêtres en alternance de pierres. Un oeil-de-boeuf, dans lequel l’architecte pensait installer une horloge, anime également cette façade. Le fronton comporte une haute statue en pierre, Le Métallurgiste, réalisée sur concours par le statuaire Guillaume Beaujean. Cette oeuvre, imposante dans ses dimensions, renforce le caractère néoclassique du monument, déjà étayé par le jeu des colonnades. 

Le bâtiment a été surélevé au milieu des années 1950, sur ses deux ailes, par un troisième étage en briques rouges. Dans la cour trône un bronze représentant Zénobe Gramme, ancien élève de l’école (lorsqu’elle était rue des Croisiers), réalisé par le sculpteur liégeois Joseph Sauvage. Un intéressant monument aux morts des deux guerres mondiales se trouve au premier étage depuis 1946. Depuis 1962, le bâtiment abrite les locaux d’une école secondaire, l’athénée communal Maurice Destenay (aussi appelé athénée Saucy).

 

1912 : le septième Congrès wallon

Organisé par la Ligue wallonne de Liège, le Congrès wallon se déroule pour la première fois dans les locaux de l’école industrielle, le 7 juillet 1912, six ans après le dernier Congrès et sous la présidence de Julien Delaite. De nombreux sujets sont à l’ordre du jour : flamandisation de l’Université de Gand, défense de la langue et de la littérature wallonnes, mise en valeur de l’histoire wallonne. Au cours des débats, le projet de Delaite en faveur d’une séparation administrative fait l’objet d’un débat vif et d’un vote favorable. Pour la première fois depuis 1890, un Congrès wallon opte pour le fédéralisme. C’est en rentrant du Congrès que Jules Destrée conçoit sa « Lettre au Roi » sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre.

 

1913 : le huitième Congrès wallon

À nouveau organisé par la Ligue wallonne de Liège, le Congrès du 6 juillet 1913 présidé par Delaite est essentiellement culturel: mise en valeur de l’histoire wallonne, littérature et philologie wallonnes en sont les thèmes principaux. Le Congrès est également l’occasion de s’insurger contre la récente loi sur l’emploi du flamand à l’armée. Ce congrès, qui aura bien moins de répercussions que le précédent, clôture une série de Congrès organisés à Liège. Un dernier Congrès wallon sera organisé à Verviers peu avant l’invasion.

Boulevard Saucy 16
4000 Liège

carte

Freddy Joris & Frédéric Marchesani, avril 2009

Namur capitale politique

Le choix de Namur comme capitale de la Wallonie est un long cheminement. Un décret fut adopté en 1986 faisant de « Namur, capitale de la Région wallonne, (…) le siège du Conseil régional wallon. Le Conseil pourra tenir des réunions en un autre lieu, s’il en décide ainsi ». Il n’est question ni du gouvernement wallon, ni de l’administration (Moniteur belge du 17 février 1987). En 2010, de nouvelles dispositions sont prises pour confirmer le choix de Namur comme capitale politique, sachant que, confirmant la Déclaration de 1978 des quatre bourgmestres des grandes villes wallonnes, Liège est reconnue comme siège de l’Économie, Charleroi du Social et du Logement, Mons (via la Communauté) comme le lieu de décentralisation de la culture et Verviers capitale de l’Eau. Ainsi évitait-on à la fois une centralisation excessive et un éparpillement trop grand.


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Le régime des facilités linguistiques (1963)

La loi du 8 novembre 1962 fixant la frontière linguistique n’est que le premier volet d’un triptyque. Les éléments complémentaires concernant d’une part, l’emploi des langues en matière administrative (30 juillet) et, d’autre part, l’emploi des langues dans l’enseignement (2 août) seront votés durant l’été 1963.
Désormais, la Belgique est partagée en quatre régions linguistiques : région de langue néerlandaise englobant l’arrondissement constitué par les six communes de la périphérie bruxelloise, région de langue française, région de langue allemande et région bilingue de Bruxelles-capitale.
Dans les deux premières, en principe unilingues, il subsiste des “ minorités protégées ”, dotées d’un régime de “ facilités ”. Ainsi en est-il des vingt-cinq communes à la lisière de la frontière linguistique, soit les communes à l’entour de Mouscron, de Comines ainsi que les six communes des Fourons. Il en est de même dans les vingt-cinq communes de la région de langue allemande insérées dans l’arrondissement de Verviers et dans les six communes malmédiennes relevant de la région de langue française. Dans cet ensemble – sauf les communes malmédiennes – sur le plan administratif, les avis, communications et formulaires adressés au public sont bilingues : français-néerlandais, français-allemand selon les cas. La correspondance avec les particuliers ainsi que certificats, déclarations, autorisations destinés aux mêmes le sont dans la langue du requérant (Libon).

Références
LIBON Micheline, Encyclopédie du Mouvement wallon, t. II, p. 942-959 ; RiFL


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Fixation définitive de la frontière linguistique (1962)

Les résultats du volet linguistique du recensement de 1947 sèment l’embarras dans les milieux flamands. Les années 1950 sont marquées par des recherches et des rapports où s’impose l’idée de fixer définitivement la frontière linguistique. Dans le double but de fixer une fois pour toutes le tracé de la frontière linguistique et de réconcilier les limites provinciales et communales avec ce tracé, une majorité parlementaire adopte la loi du 8 novembre 1962. Désormais, les limites provinciales, d’arrondissements et communales coïncident avec celles des régions linguistiques, malgré les protestations des habitants des six communes de la Voer.

Références
RiFL ; votée à la Chambre le 31 octobre 1962 et au Sénat le 9 octobre, la loi est promulguée le 8 novembre et paraît au Moniteur belge du 22 novembre 1962.


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

La grève wallonne de l’hiver 1960-1961 : journées de grève (19 décembre-20 janvier)

Durant les 34 journées de mobilisation contre la Loi unique, de nombreux secteurs d’activités ont été paralysés. Une manière de quantifier l’importance de la mobilisation est de comptabiliser les manifestations. Une autre consiste à comptabiliser les journées de travail qui n’ont pas été prestées. Cette méthode, suivie par Robert Gubbels, fait apparaître la carte suivante.

Référence
Gubbels33


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

La grève wallonne de l’hiver 1960-1961 : actes de sabotage entre le 20 et le 30 décembre 1960

Au-delà des arrêts de travail et des manifestations, la Grande Grève est marquée par de nombreux actes de sabotage. Entre le 20 et le 30 décembre, 270 auraient été commis.

Référence
Gubbels79


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

La grève wallonne de l’hiver 1960-1961 : division régionale au sommet de la FGTB sur la stratégie de lutte contre la loi unique (16 décembre 1960)

En raison de l’émergence manifeste d’une opposition populaire aux projets gouvernementaux, le Comité national de la FGTB se résout à convoquer une réunion, le 16 décembre 1960, au cours de laquelle deux motions sont proposées au vote des régionales et centrales syndicales. L’une émane d’André Renard au nom de la Centrale des Métallurgistes : il s’agit de décider du principe de la grève générale, avec un programme d’actions échelonnées dans le temps, dont une journée de grève générale d’ores et déjà fixée entre le 1er et le 15 janvier. La seconde, défendue par Dore Smets au nom de la Centrale générale (Bâtiment et Industries diverses), est la confirmation officielle de l’opposition de la FGTB à la loi unique et attribue au Bureau national de la FGTB le soin de fixer la date d’une journée nationale de lutte à organiser. Entre une action immédiate et l’attente, le Comité national de la FGTB opte pour l’attente (496.487 pour, 475.823 contre et 53.112 abstentions). Le détail du vote par régionales révèle le profond fossé qui sépare Wallons et Flamands au sein de la FGTB, Bruxelles s’étant abstenu. Cet épisode confirme une tendance lourde déjà présente au moment de la création de la FGTB en 1945 et plus fortement ressentie depuis la Question royale au sein de la FGTB : il y a des divergences profondes entre, d’une part, les « renardistes » et, d’autre part, ceux – majoritairement flamands – qui acceptent le cumul des mandats politiques et syndicaux, refusent l’action directe et ne sont guère partisans des réformes de structure.

Référence
MoreauR136


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

La grève wallonne de l’hiver 1960-1961 : journée de mobilisation du 14 décembre 1960

Au nom d’un gouvernement tout récemment remanié, Gaston Eyskens annonce le dépôt de mesures de restriction budgétaire, ce qui deviendra la Loi unique, ainsi que l’abandon du volet linguistique qui accompagne le recensement décennal de la population (27 septembre 1960). Dans l’opposition, le parti socialiste s’allie au syndicat FGTB pour mener dès l’automne une campagne de mobilisation (Opération Vérité). Avec le soutien d’André Renard, une série d’actions (meetings, réunions, manifestations) sont organisées pour montrer l’opposition des travailleurs à la politique jugée antisociale du gouvernement et populariser les réformes de structure. « Notre action se déroulera suivant un plan strict », déclare A. Renard à Liège le jour où le Parlement reçoit le texte du gouvernement (9 novembre). Après une douzaine d’assemblées d’information et un arrêt de travail (21 novembre), le 14 décembre est choisi comme journée de mobilisation afin de mesurer les forces en présence. Déjà, la mobilisation des effectifs FGTB est plus forte en Wallonie qu’en Flandre, confortant les régionales wallonnes de la FGTB à établir une coordination entre elles. Quelques années plus tard, cette coordination donnera naissance à l’Interrégionale wallonne de la FGTB.

Références
Gubbels33


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

La frontière linguistique en application de la loi de 1932 et du recensement de 1947

La loi de juillet 1932 sur l’emploi des langues en matière administrative continue de se référer aux limites provinciales et aux résultats du volet linguistique du recensement décennal de la population : quand elle est majoritaire, la réponse donnée à l’expression « langue parlée uniquement ou le plus fréquemment » à l’occasion des recensements rend obligatoire la langue utilisée par les administrations communales. Si une minorité atteint 30%, l’administration communale est tenue de communiquer au public dans les deux langues. La mise en application de la loi de 1932 fut vivement contestée avant-guerre, sous prétexte que la référence de la loi au recensement linguistique n’était pas connue des recensés. Ce n’est plus le cas lors du recensement de 1947.
« À la frontière linguistique et à la périphérie de la région de Bruxelles de nombreux recensés optent pour le français, écrit P-H. Levy. À Enghien, si la connaissance du français passe, entre 1930 et 1947, de 90 à 96% sa « pratique la plus fréquente » passe de 47 à 89%. La majorité change et la pratique du flamand tombe loin en dessous des 30% nécessaires à la communication dans les deux langues ! À Bruxelles, toute l’agglomération devient à majorité francophone par la francisation de Molenbeek, Jette, Koekelberg et Anderlecht auxquelles viennent s’ajouter Ganshoren, Evere et Berchem-Sainte-Agathe ; d’autres communes périphériques se francisent et les milieux flamands usent de l’expression de la tache d’huile de Bruxelles pour qualifier le phénomène. Le résultat du recensement de 1947 est refusé par les Flamands. La lutte se fera plus vive et c’est finalement par accord entre néerlandophones et francophones que le recensement linguistique est supprimé en mai 1960 » (Lévy). Néanmoins, la loi s’applique en 1954, dès que le nouveau gouvernement publie les résultats du volet linguistique du recensement de 1947.

Référence
Loi du 28 juin 1932 ; Ency02 ; Ency03


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)