Salle de la fraternité Henri BRAGARD

La salle de La Fraternité est indissociable de la figure d’Henri Bragard, l’un des principaux artisans de la résistance de Malmedy contre la germanisation forcée, sous le régime prussien. Neveu de l’abbé Pietkin, autre grande figure de la Wallonie malmédienne, Henri Bragard est le cofondateur du Club wallon en 1898. Dès 1902, il dispense des cours de français à La Fraternité, alors société catholique ouvrière. 
 
Présent au Congrès wallon de Liège en 1905 et membre de l’Assemblée wallonne, premier parlement – officieux – de Wallonie en 1914, Henri Bragard s’oppose au pouvoir prussien chaque fois qu’il menace le caractère wallon de Malmedy. Durant le conflit de 1914-1918, enrôlé de force dans les troupes impériales, il restera fidèle à ses idéaux.

Après le rattachement de Malmedy à la Belgique, le 10 janvier 1920, il milite pour la promotion de la culture et de l’identité wallonnes dans sa ville. Auteur de langue wallonne et journaliste, il s’investit aussi dans le riche folklore local.

Célébré de son vivant comme le promoteur du Mouvement wallon à Malmedy, opposant au nazisme dans l’entre-deux-guerres, Henri Bragard est arrêté par la Gestapo en 1943. Il mourra, un an plus tard, en déportation.

Rue de la Tannerie 1
4960 Malmedy

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Bibliothèque Nicolas Pietkin

La bibliothèque Nicolas Pietkin porte le nom d’un des principaux défenseurs de la civilisation latine dans la Wallonie malmédienne. Né à Malmedy en 1849, sous le régime prussien (1815-janvier 1920), il est nommé curé à Sourbrodt en 1889. Durant la période de germanisation forcée, sous Bismarck et ses successeurs, Il ne cessera de lutter contre les mesures imposées par le Kulturkampf à l’encontre l’Église et contre l’interdiction du français. 

Fondateur du Club wallon en 1898, avec son neveu Henri Bragard, Nicolas Pietkin est membre de la Société liégeoise de littérature wallonne dès 1902 et membre d’honneur du Musée de la Vie wallonne dès sa création en 1913. Surnommé « Le loup des Ardennes » par les Prussiens, l’abbé Pietkin est arrêté et brutalisé en août 1914 pour ses sympathies envers la culture française et la Wallonie. Décédé en 1921, il eut la satisfaction de voir Malmedy revenir à la Belgique. 

En hommage, l’Assemblée wallonne, premier parlement   officieux – de Wallonie, ouvrit une souscription pour lui élever le Monument à la Louve de Sourbrodt, inauguré le 3 octobre 1926. Endommagé par des sympathisants nazis pendant l’hiver 1940, ce monument est restauré et inauguré une nouvelle fois le 2 juin 1957.

 

Place du Châtelet
4960 Malmedy

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Les dix communes romanes annexées au Reich

Le 18 mai 1940, Hitler proclame l’annexion des trois cantons (Eupen, Saint-Vith, Malmedy) à l’Allemagne, rattachés à la Rhénanie. Sans transition, les lois belges sont remplacées par la législation allemande. De surcroît, les communes de Baelen, Gemmenich, Henri-Chapelle, Hombourg, La Calamine, Membach, Montzen, Moresnet, Sippenaeken et Welkenraedt sont annexées au Reich (décret du 23 mai 1940 avec effet rétroactif au 10 mai). Une nouvelle frontière est tracée qui isole de la Wallonie ces dix communes appelées « Aufbaugebiet », territoire de germanisation. Jusqu’au 1er septembre 1940, les actes de l’État civil sont rédigés en français, ensuite l’allemand devient la langue officielle, l’administration belge et la monnaie sont remplacées et le personnel politique communal destitué dans la mesure où il a refusé de prêter serment de fidélité au Führer. Plutôt que d’accepter le diktat nazi, plus de 1300 personnes quittent leur habitation pour s’installer à Bruxelles, mais surtout dans les villes wallonnes, notamment à Verviers, Ans et Waremme. « On part en Wallonie », disait-on alors à Henri-Chapelle.
Au bout d’un an, les habitants des dix communes sont considérés comme « Deutsche auf Wiederruf » (Allemands sous réserve). Ceux de Saint-Vith, Eupen et Malmedy deviennent des Reichsdeutsche. La germanisation est en œuvre avec ses conséquences : en octobre 1941, l’enrôlement concerne les jeunes nés en 1922. La résistance sera active et les filières d’évasion se mettront en place, faisant passer des dizaines de personnes entre Baelen et Dolhain, avant de les confier aux réseaux verviétois et liégeois. La libération intervient le 11 septembre 1944. Pendant plusieurs années, il subsistera une certaine gêne ou ambiguïté de la part de la capitale belge à l’égard de ces dix communes. Malgré des proclamations maintes fois répétées, les habitants éprouveront du mal à faire comprendre qu’ils sont de langue romane dans tous leurs contacts avec les sphères de l’enseignement, de l’administration et de la justice. À l’heure de la fusion des communes (1976), le législateur aura tendance à garder toutes ces communes entre elles, formant quatre pôles : Baelen, Welkenraedt, La Calamine et Plombières. Un régime linguistique spécial est en vigueur depuis les années soixante en matières scolaire et administrative.

Référence
DamiA96l


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Les trois cantons annexés à la suite d’un plébiscite (1920)

Parler d’un plébiscite populaire concernant le choix de l’appartenance des cantons de Malmedy, Eupen et Saint-Vith occupés par les troupes militaires belges du général Baltia est un euphémisme. Un registre est ouvert à Eupen et à Malmedy du 23 janvier au 23 juillet 1920 et les opposants à l’annexion à la Belgique sont invités à y apposer leur signature. Sur 63.940 habitants, 271 signatures se prononcent en faveur d’un retour à l’Allemagne ; il s’agit majoritairement de fonctionnaires allemands en poste dans ces communes.
Avant la période napoléonienne, Eupen appartenait au duché de Limbourg, Saint-Vith à celui de Luxembourg, Malmedy dépendait du St-Empire et formait avec Stavelot une originale principauté abbatiale de Stavelot-Malmedy. Les trois cantons avaient été réunis pour la première fois au sein du département de l’Ourthe, entre 1795 et 1814 et jusqu’au dernier quart du XIXe siècle, les habitants de ces contrées ont bénéficié d’une certaine liberté linguistique et religieuse. La politique de germanisation du Reich suscite la résistance des habitants de la région de Malmedy. On parle de Wallonie prussienne et, de cette époque, remonte une réelle volonté de nouer des liens plus étroits avec le pays wallon.

Références
DamiA32 ; DamiA51 ; WTcM20


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Annexion des cantons d’Eupen - Malmedy - Saint-Vith (1919)

Lors des négociations qui aboutissent à la signature du premier traité de Versailles (28 juin 1919), il est donné suite à une partie des revendications de la Belgique, celles portant sur les cantons wallons, dits rédimés. Annexés à la Prusse au détriment de la principauté de Liège et des anciens Pays-Bas autrichiens en 1815, les cantons wallon de Malmedy et germanophones d’Eupen et Saint-Vith sont attribués à la Belgique. Un plébiscite populaire doit confirmer ce transfert de territoire.
Sans plébiscite pour sa part, le territoire neutre de Moresnet, jusqu’alors placé sous la double administration belgo-prussienne, revient totalement à la Belgique (Neu Moresnet et Kelmis/La Calamine). Les prétentions sur le sud du Limbourg hollandais et sur la rive méridionale des bouches de l’Escaut sont par contre rejetées par la Conférence de Paix : il ne peut être question de toucher au territoire des Pays-Bas, pays neutre, non belligérant et donc non vaincu.

Références
DamiA32 ; DamiA51 ; WTcM20


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Les rêves d’une Grande Belgique (1916-1921)

En raison de l’occupation allemande en Belgique, la presse belge est plus que jamais patriotique, exalte l’âme belge et l’Union sacrée, et en vient même à s’interroger sur les perspectives d’avenir du pays. Dans les milieux officiels désormais réfugiés au Havre, on évoque sérieusement la possibilité d’élargir les frontières de la Belgique, pour devenir maître de l’embouchure de l’Escaut, pour mieux contrôler les eaux de la Meuse, voire pour protéger davantage la cité de Liège. L’annexion du grand-duché de Luxembourg et celle de la Prusse malmédienne sont considérées comme acquises (fin 1914, début 1915). L’idée d’une ‘Grande Belgique’ est caressée dans certaines milieux où refait florès la théorie des ‘frontières naturelles’ qui permettrait à la Belgique de s’étendre jusqu’au Rhin et le long des bassins mosan et scaldien. Un manifeste, des livres entretiennent les revendications ; certains ministres couvrent aussi l’idée que la Belgique devienne le pays auquel on confierait la garde des Lieux-Saints. Ces idées comme celle d’un retour aux frontières d’avant 1839, encore défendues au moment des négociations de paix (1919), seront très mal accueillies par les « Grandes puissances ».

Références
WPgM_Carte_9


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Bragard Henri

Culture, Journalisme, Militantisme wallon

Malmedy 27/01/1877, camp de concentration nazi de Orianenburg 05/03/1944

Avant, pendant et après la Première Guerre mondiale, et durant l’occupation allemande de 1940-1945, Henri Bragard lutte contre l’influence du Reich sur sa terre malmédienne qu’il considère comme wallonne et donc romane, et se bat aussi contre la violence nazie. Défenseur de la Wallonie et de sa langue, le français, il avait pourtant appris l’allemand à l’école primaire. Mais il reçoit des compléments d’instruction sous la forme d’études latines et françaises sous la direction de son oncle, l’abbé Pietkin. Rendu précocement conscient de la nécessité de défendre sa langue maternelle, le jeune Bragard ne cessera de combattre les propagandistes de la culture allemande. Cofondateur du Club wallon de Malmedy (1898), il en est d’abord le secrétaire (1898-1899) avant d’en assurer la présidence (1899-1927). Il sera en permanence en contacts avec le Mouvement wallon ; il sera notamment membre de l’Assemblée wallonne.

Soldat embrigadé de force dans la Garde impériale, Henri Bragard entreprendra, dès 1918, avec l’abbé Bastin de militer pour la réintégration de la Wallonie malmédienne dans le pays roman. Vingt-cinq ans plus tard, en 1943, Bragard est arrêté à Spa par la Gestapo et est déporté par les nazis au camp de concentration de Sachsenhausen-Orianenburg : il y décède en mars 1944.

Auteur de poésies wallonnes et d’un poème épique intitulé Jérôme Savonarole, il ouvre des cours de français à la Société ouvrière de la Fraternité de Malmedy (1902). Outre des articles dans de nombreuses revues wallonnes, il est auteur de théâtre français et wallon, poète, écrivain et folkloriste. Surnommé le Barrès des cantons rédimés, il entreprit aussi de fixer le folklore et l’ethnographie traditionnelle du pays de Malmedy. Il est notamment l’auteur d’un article très complet sur le Cwarmê, qui fait référence.

Sources

Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, 2000, t. I
FREYENS A., Biographie nationale, 1977-1978, t. 40, col. 87-90
Histoire de la Wallonie, (dir. L. Genicot), Toulouse, Privat, 1973, p. 477
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. III, p. 195, 233