Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Plaque Henri MICHAUX

Après la Première Guerre mondiale, François Bovesse a donné ses lettres de noblesse au décret de l’Assemblée wallonne instaurant une fête de la Wallonie. Avec la création en 1923 du Comité de Wallonie, l’organisation des fêtes à Namur est désormais structurée et pérennisée : désormais, des manifestations rendent hommage aux volontaires wallons qui ont contribué aux Journées de Septembre 1830. 

Mêlant discours politique, folklore wallon et namurois, le rendez-vous annuel de septembre prend plusieurs déclinaisons dont l’inauguration de plaques commémoratives en souvenir de « grands Namurois ». En 1925, à l’initiative des Amis de l’Art wallon, en particulier de la section namuroise, la plaque apposée sur la « maison natale » de Félicien Rops est la première à s’inscrire sur une liste qui ne va cesser de s’allonger. En septembre 1987, trois ans après sa disparition, le poète Henri Michaux, à son tour, est honoré par l’apposition d’une plaque sur une façade de la place de l’Ange 

Plaque Henri Michaux (Namur)


Plusieurs poèmes de Michaux sont lus à cette occasion par Robert Delieu, ainsi que par des artistes de l’Atelier poétique de Wallonie. Né en Wallonie, élevé six ans en Flandre puis à Bruxelles, ce fils de bonne famille insoumis s’est exilé en France, où il s’est employé à renier ses racines. Après une adolescence chaotique, Michaux découvre l’œuvre de Lautréamont (1922), puis de Rimbaud, voire de Charlie Chaplin, ainsi que la peinture de Klee, Ernst et Chirico (1925) ; c’est l’étincelle qui provoque en lui le besoin de l’expression.  

Il se lance dans l’exploration du monde, il dessine, écrit et peint ce qu’il voit, ressent et vit : hauts sommets de l’Équateur, descente de l’Amazone en pirogue, voyages sur les pentes de volcans, en Inde, en Chine, au Japon... Ses chemins sont tortueux ; il ne trouvera pas la sérénité, même si, à Paris, Jean Paulhan devient son éditeur à la NRF et Jacques-Olivier Fourcade un ami éditeur et conseiller littéraire. 

Ses premiers dessins sont des pages d’écriture prenant la forme de pictogrammes. Ses livres sont tumultueux. Ses carnets de voyage sont tantôt réels tantôt imaginaires. Ses gouaches et aquarelles représentent des forêts vierges luxuriantes sur fond noir. Sa peinture capte les images intérieures de L’Espace du dedans (1944). En 1938, il a créé un personnage, Plume, spécimen extraordinaire de l’individu moderne. Ses dessins doivent beaucoup à la mescaline, une des substances hallucinogènes dont Michaux fait une expérience systématique de 1956 à 1960. Ses graphiques créent un nouvel univers de signes. Son long périple au pays du soi-même s’accompagne d’expériences poétiques étranges dont la drogue n’est pas absente à partir de 1954. Toujours à contre-courant, Henri Michaux – qui a obtenu la citoyenneté française en 1955 – a publié une trentaine d’ouvrages, reportages, histoires fantastiques et réalistes, contes fantaisistes et humoristiques. 

Finalement, même si l’intention est d’honorer un des plus remarquables créateurs wallons du XXe siècle, apposer une plaque commémorative sur la maison natale de Henri Michaux peut apparaître comme un geste iconoclaste, tant Henri Michaux a combattu pour se couper de ses origines. Fondamentalement, Henri Michaux ne voulait pas naître, et toute sa vie, il a traîné ce fardeau originel. Peut-être est-ce pour cela que la plaque apparaît comme une sorte de mensonge : Michaux n’est pas né là, mais non loin de là, dans un immeuble figurant dans le pâté de maisons qui ont été détruites pour aménager la place de l’Ange. La maison natale de Michaux n’est plus là, mais son esprit hante encore le cœur de Namur. 

 

- Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, septembre 1987 
- Jacques VANDENBROUCKE (texte), Pierre DANDOY (photos) : 40 ans de fêtes de Wallonie à Namur, Bruxelles, Luc Pire, 2000, notamment p. 119 
- Mémoires de Wallonie, Les rues de Louvain-la-Neuve racontent…, Louvain-la-Neuve, 2011, p. 303 
- Le Guetteur wallon, octobre 1928, n°8-9, p. 18 
- Raymond BELLOUR, Ysé TRAN, Henri Michaux Œuvres Complètes, Gallimard, coll. « La Pléiade », Paris, 1988

Place de l’Ange 50
5000 Namur

carte

Paul Delforge

Qu’elle soit écrite en langues régionales ou en français, intimiste ou universelle, la création littéraire wallonne est abondante. Du Romantisme aux créations contemporaines, découvrez les genres et les auteurs de Wallonie au travers d’une synthèse et de nombreux textes offrant une première anthologie.

Michaux Henri

Culture, Littérature, Peinture

Namur 24/05/1899, Paris 19/10/1984

Définir Henri Michaux, c’est classer le personnage parmi les incasables. Évoquer ses « calligraphies », son Espace du dedans, ses jeux de mots ou ses dessins mescaliniens, c’est plier l’homme, l’écrivain, le poète ou le peintre, sans jamais atteindre sa réalité intérieure. Sans doute est-ce cela qui a fait sa célébrité. Mais par où commencer ? Voilà une mauvaise question, car, fondamentalement, Henri Michaux ne voulait pas naître et toute sa vie, il traînera ce fardeau originel.

Son adolescence est toute de solitude, de repli et de refus. Six ans en pensionnat et des études en flamand ne contribuent pas à son épanouissement. Résistant à l’envie d’écriture que suscite en lui la langue française, il pense entrer dans les ordres pour rester dans le silence ; en tout cas, il abandonne ses études de médecine (1919) pour naviguer plusieurs mois comme matelot (1920-1921), en pleine mer de solitude. La découverte de l’œuvre de Lautréamont (1922), puis de Rimbaud, voire de Charlie Chaplin, ainsi que de la peinture de Klee, Ernst et Chirico (1925) provoque subitement en lui le besoin de l’expression. En se lançant dans l’exploration du monde, il dessine, écrit et peint ce qu’il voit, ressent et vit : hauts sommets de l’Equateur, descente de l’Amazone en pirogue, voyages sur les pentes de volcans, en Inde, en Chine, au Japon... 

Ses chemins sont tortueux ; il ne trouve pas la sérénité.

Ses premiers dessins sont des pages d’écriture prenant la forme de pictogrammes. Ses livres sont tumultueux (Cas de folie circulaire (1922), Les Rêves et la Jambe (1923). Ses carnets de voyage sont tantôt réels tantôt imaginaires (Ecuador (1929), Un Barbare en Asie (1933), Ailleurs (1948). Ses gouaches et aquarelles représentent des forêts vierges luxuriantes sur fond noir. Sa peinture capte les images intérieures de L’Espace du dedans (1944). Par la suite, son œuvre se caractérise par des peintures à l’encre de Chine et des dessins mescaliniens ; la mescaline est une des substances hallucinogènes dont Michaux fait une expérience systématique de 1956 à 1960. Ses graphiques créent un nouvel univers de signes. Son style cohérent même dans le fantastique démonte en fait les mécanismes de la pensée logique pour les utiliser à rebours. 

Au-delà du surréalisme et de dada, Henri Michaux a sans doute tenté l’expérience littéraire la plus audacieuse en transcrivant, lucidement ou non, un univers qui correspond à son vécu intérieur, chaotique, impossible à saisir, et d’autant plus interpellant que le jeu du langage donne une force décisive à ses hantises. Partisan d’une libération intégrale de la pensée et des mots, il s’est forgé un lexique personnel, incantatoire, violent, qui recrée un monde magique et transcrit les rêves qui le hantent ainsi que sa vision, volontairement déformée, du monde extérieur.
Son long périple au pays du soi-même s’accompagne d’expériences poétiques étranges dont la drogue n’est pas absente à partir de 1954 (Misérable miracle (1956), Connaissance par les gouffres (1961). Toujours à contre-courant, Henri Michaux publie une trentaine d’ouvrages, reportages, histoires fantastiques et réalistes, contes fantaisistes et humoristiques. Il crée un personnage, Plume, spécimen extraordinaire de l’individu moderne (1938). Il s’essaye aussi comme réalisateur de cinéma, traduisant lui-même en images fascinantes quoique approximatives, quelques-unes de ses expériences narco-poétiques (Images du monde visionnaire).

Né en Wallonie, élevé six ans en Flandre puis à Bruxelles, le fils de bonne famille insoumis s’est exilé en France, où il s’emploie à renier ses racines. À Paris, il a trouvé en Jean Paulhan son éditeur à la NRF et en Jacques-Olivier Fourcade un ami éditeur et conseiller littéraire. En 1955, Michaux obtient la citoyenneté française. L’œuvre complète de l’écrivain fait l’objet de plusieurs volumes dans la collection de la Pléiade, chez Gallimard son principal éditeur.

Sources

BELLOUR Raymond, TRAN Ysé, Henri Michaux Œuvres Complètes, Gallimard, coll. « La Pléiade », Paris, 1988, t. I : 1584 p., t. II : 1488 p., t. III : 2048 p.
MICHAUX Henri    M48C    Henri Michaux (s.d.) – Photo Gisèle Freund.