Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Plaque Père PIRE

Le nombre de Wallons ayant reçu le Prix Nobel se compte sur les doigts d’une main. Dans l’ordre chronologique : Jules Bordet (1919), Dominique Pire (1958) et, ensemble, Albert Claude et Christian de Duve (1974). 

Hormis quelques noms de rue, on chercherait presque en vain des lieux où ces personnalités historiques font l’objet d’un hommage dans l’espace public wallon. Certes, depuis les années 1960, Bordet est commémoré à Soignies. Quant à Dominique Pire (1910-1969), son souvenir semble pâtir d’une ambiguïté « originelle ». 

Né à Leffe, dans l’entité de Dinant, où il a vécu ses vingt premières années, le Père Pire a parcouru le monde tout en faisant du Couvent de la Sarte, à Huy, son nouveau point d’ancrage, établissant, de surcroît, à Tihange, son université de la Paix en 1960. Si les autorités hutoises avancent l’idée de créer, au sein du fort de Huy, un espace dédié aux Prix Nobel (1998-1999), lorsqu’est commémoré le 40e anniversaire de l’attribution du prix au Père Pire, c’est à une initiative privée que l’on doit, 5 ans plus tard, la création d’un espace de paix et de méditation dédié à Dominique Pire, dans son village natal de Leffe.

Entre-temps, une plaque a été apposée sur sa maison natale.

Plaque Dominique Pire (Dinant)

On y trouve l'inscription suivante :

ICI EST NÉ LE 10 FÉVRIER 1910   (1969)
LE R. PÈRE DOMINIQUE GEORGES PIRE
PRIX NOBEL DE LA PAIX 1958

« SON AMOUR DES HOMMES
N’AVAIT PAS DE FRONTIÈRES »

 

À l’occasion du 45e anniversaire de la remise du Prix Nobel au père Dominique Pire, une série d’activités sont organisées à Dinant, plus précisément à Leffe, à l’initiative de l’association « Espère en Mieux » (et les historiens Jacques Olivier et Claudy Burnay), en collaboration avec le Centre culturel régional de Dinant et le soutien de l’abbaye de Leffe. 

Outre une importante exposition, un « espace de paix et de méditation » est ainsi officiellement inauguré, le 28 septembre, devant un parterre de personnalités (dont l’ambassadeur de Norvège), à côté de l’église Saint-Georges, à l’endroit où se trouvait le vieux cimetière de Leffe. La stèle rénovée du père Pire y voisine avec neuf panneaux didactiques. Une entrée se fait par le square Dominique Pire. 

Saccagé durant l’été 2012, l’espace a été remis en état l’année suivante et n’est plus accessible sans surveillance.



Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse

Rue Saint Pierre 113
5500 Dinant

carte

Paul Delforge

Claude Albert

Nobel, Science, Biologie, Médecine

Longlier 23/08/1898, Longlier 23/05/1983

« L’œuvre d’Albert Claude offre cette particularité commune aux œuvres fondamentales d’avoir donné lieu à des développements d’une importance telle qu’ils tendent peu à peu à faire perdre de vue la source dont ils découlent ». Considéré comme le père de la biologie cellulaire, Albert Claude a reçu le Prix Nobel de Médecine en 1974, en même temps que ses disciples Christian de Duve et le Roumain George Palade.

Scientifique de réputation internationale, le jeune Claude avait quitté l’école à douze ans pour devenir ouvrier dans une aciérie. Rien d’anormal à une époque où la scolarité n’était pas obligatoire. Devenu dessinateur industriel (1916) en pleine guerre, il s’engage volontairement au service du renseignement de l’armée britannique ; cela lui vaudra de subir la captivité dans des camps allemands, mais aussi de bénéficier d’une bourse d’études et de suivre des cours universitaires sans disposer d’un diplôme d’études secondaires. 

Bien qu’il ait réussi l’examen d’entrée à l’École des Mines (1921), il opte pour la Médecine et obtient le titre de docteur de l’Université de Liège en 1928, pour des recherches en cancérologie récompensées par une nouvelle bourse. Pendant un an, il travaille à Berlin avec Albert Fisher et Otto Warburg, et s’initie à la culture des tissus. Assistant volontaire à l’Institut Rockefeller à New York (1929), il devait simplement faire une recherche d’un an sur le sarcome du poulet. Repris dans le cadre permanent de l’Institut, il restera vingt ans aux États-Unis et deviendra même citoyen américain.

Biologiste, Albert Claude perfectionne et utilise magistralement les techniques de l’ultracentrifugation et de la microscopie électronique qu’avait mises au point le physicien français Émile Henriot. Il va faire œuvre de pionnier dans divers domaines, en utilisant habilement la centrifugeuse différentielle, en appliquant le microscope électronique en biologie cellulaire, en mettant au point un ultramicotome capable de couper la cellule de façon ultrafine et en obtenant des répliques de la surface cellulaire en vue de leur étude au microscope électronique. Cette habileté technique exceptionnelle qu’il doit vraisemblablement à ses années consacrées à la pratique du dessin industriel conduit à l’isolement des structures intracellulaires (noyau, mitochondries, microsomes, etc.) et à leur analyse. Les contributions scientifiques d’Albert Claude portent sur l’isolement des mitochondries, la démonstration qu’elles sont le support des cytochromes, la découverte des microsomes, la découverte du virus du sarcome et de sa présence dans les cellules. L’ensemble des recherches d’Albert Claude a grandement contribué aux découvertes de Ch. de Duve et George Palade.

En 1949, Albert Claude rentre en Europe quand il accepte l’offre de l’Université libre de Bruxelles qui lui confie la direction de l’Institut Jules Bordet. Il transforme l’Institut en un centre clinique multidisciplinaire associé à des laboratoires de recherches modernes, et y crée son propre laboratoire de Cytologie et de Cancérologie expérimentale. En 1971, c’est l’Université catholique de Louvain qui l’appelle et lui confie l’installation d’un nouveau laboratoire de Biologie cellulaire et de Cancérologie.

Sources

Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
DE DUVE Christian, Nouvelle Biographie nationale, t. IV, p. 60-65
POTELLE Jean-François, Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. IV
DELFORGE Paul (dir.), Wallons d’ici et d’ailleurs, Charleroi, 1994
DELFORGE Paul, Cent Wallons du Siècle, Liège, 1995

Pire (né Georges Pire) Dominique

Eglises, Humanisme-Egalité, Nobel, Résistance

Dinant (Leffe) 10/02/1910, Louvain 30/01/1969

Quatre Wallons ont reçu un Prix Nobel. Trois sont des scientifiques. Le quatrième, Dominique Pire, est honoré du Prix Nobel de la Paix, en 1958, pour son action marquante dans une Europe désolée par la guerre, en faveur des multiples personnes déplacées, réfugiées et démunies. Ce n’est qu’après ce Prix Nobel que le Père Dominique Pire a étendu son action dans les pays du Tiers Monde.

Aîné d’une famille de sept enfants contrainte à l’exil durant la Grande Guerre, Georges Pire suit une année de philosophie au Séminaire de Floreffe, puis entre au Couvent dominicain de La Sarte à Huy (1928-1932). Quand il prononce ses vœux (1932), il adopte le nom de Dominique, en référence au fondateur de son ordre religieux. Docteur en théologie morale de l’Université dominicaine de Rome (1936), il complète sa formation à la Faculté des Sciences sociales et politiques de l’Université catholique de Louvain (1939). Juste avant que n’éclate la Seconde Guerre mondiale, il devient professeur de morale et de sociologie au Couvent de la Sarte, tout en s’occupant de l’économat de l’établissement (1939). En 1946, il devient le curé de la paroisse de La Sarte.

Par-delà l’impression laissée par un parcours de formation très intellectuelle, le Père Pire est un homme pragmatique, imprégné de la réalité concrète qui l’entoure. Le Service d’entraide familiale qu’il crée en 1938 est destiné à apporter une aide gratuite aux familles pauvres ; les Stations de Plein Air qu’il lance à Huy permettront de nourrir plusieurs centaines d’enfants pendant la guerre. Résistant, SRA, il est aumônier au sein de l’Armée secrète dans le secteur de Huy-Waremme et contribue au sauvetage de pilotes d’avion. Après la Libération, le Père Pire conservera cet esprit de la Résistance où une aide est accordée nonobstant les clivages traditionnels, philosophiques, politiques ou nationaux.

C’est à l’occasion d’une conférence qu’il découvre la réalité des personnes déplacées, surtout en Europe de l’Est et centrale, des suites de la guerre (1949). Il se mobilise alors pour leur venir en aide. Placée sous le signe de la fraternité, l’opération « Aide aux Personnes déplacées » vise à créer un réseau de parrainages. Les dons reçus permettent l’ouverture de quatre homes pour réfugiés âgés (Huy, Esneux, Aartselaer et Braine-le-Comte), puis la création de sept villages européens pour les délaissés, sous les auspices du Conseil de l’Europe. L’inauguration du premier village, en Allemagne, se fait en présence de Robert Schuman (1956). Les villages sont implantés à proximité de zones d’activités économiques afin que les familles puissent trouver aisément du travail (Aix-la-Chapelle, Augsbourg, Spiesen, Wuppertal, Euskirchen ; Bregenz et Berchem-sainte-Agathe).

Cette campagne du cœur a un retentissement considérable en Europe ; la fin de la guerre est encore proche et chacun mesure l’importance du remaillage social à l’échelle du vieux continent ; à côté de l’Europe politique et économique se construit une Europe du Cœur ; grâce à l’initiative de Dominique Pire, ce sont près de 20.000 personnes déplacées qui ont trouvé un parrain. On comprend parfaitement que cet esprit de fraternité et de pacification ait été distingué par le Prix Nobel de la Paix 1958.

Ce prix prestigieux n’est pas un couronnement pour le père Pire, mais l’occasion de lancer de nouveaux projets, qui s’étendent cette fois à l’ensemble de la planète. À l’entame des années 1960, le père Pire est à l’origine d’une ambitieuse Université de la Paix, installée à Tihange, et destinée à former les « ouvriers de la paix ». Il met encore sur pied les « Amitiés mondiales », « réseau d’échanges et de relations amicales interindividuelles qui doit contribuer à une meilleure compréhension entre les peuples ». Avec l’association « Le Cœur ouvert sur le monde » créée en 1959, il se lance dans la lutte contre la pauvreté. Sa méthode reste originale puisque l’aide au Tiers-Monde est basée sur le self-help. « Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour. Si tu lui apprends à pêcher, il mangera toute sa vie » (1962). La première « Île de paix » est créée en 1962 à Gohira, au Pakistan occidental (actuel Bangladesh). D’autres Îles de Paix verront le jour : à Kalakad (Inde), Tombouctou (Mali), Yalogo (Burkina-Faso), Bolama (Guinée Bissau), ainsi qu’en Equateur, Bolivie et au Pérou.

Peu de temps avant sa disparition, le père Pire publie un ouvrage Bâtir la Paix, petit manuel du bon citoyen du monde (1966) qui sera traduit en une dizaine de langues, dont le japonais. La Fondation Dominique Pire assure la continuité des activités de celui qui disait notamment : « Je crois que le monde progresse spirituellement. Lentement sans doute, mais il progresse. À peu près à la cadence de trois pas en avant et deux pas en arrière. L’important, c’est de faire le pas supplémentaire, le troisième pas ».

Sources

PIRE Dominique (né Georges Pire)    SCHUFFENECKER Gérard, Une révolution tranquille, Fondation Pire, Huy, 1979
VEHENNE Hugues, Dominique Pire. Souvenirs et entretiens, Julliard, Paris, 1959
VAN DAMME Guido, Le Père Pire, Prix Nobel de la Paix 1958, Éditions Fidélité, Namur, 2008
PIRE Dominique (né Georges Pire)    Prix Nobel 1958P564-WaE 

Lemaître Georges

Académique, Eglises, Nobel, Science, Physique

Charleroi 17/07/1894, Louvain 20/06/1966

Si tout le monde s’est accordé à reconnaître le génie d’Albert Einstein, de sa théorie de la relativité restreinte (1905) et celle de la gravitation, dite de la relativité générale (1915), rares étaient ceux qui en comprenaient les principes. Parmi ces exceptions figurait Georges Lemaître qui non content d’assimiler les découvertes de ses illustres prédécesseurs, en contestait certains aspects et en dégageait une nouvelle théorie concernant l’univers (1927, 1931) que des observations américaines confirmeront beaucoup plus tard (1992).

Originaire du pays de Charleroi, le jeune Lemaître a entrepris des études d’ingénieur à Louvain que la Grande Guerre a interrompues. Engagé volontaire, il participe à la bataille de l’Yser et termine la guerre avec le grade d’adjudant. En 1920, il achève ses études à l’Université catholique de Louvain, comme docteur en sciences physiques et mathématiques. Formé dans la brillante école de mathématique de Louvain, auprès de Charles de la Vallée-Poussin (analyse) et d’Ernest Pasquier (mécanique et cosmologie), il se familiarise très tôt avec les idées d’Einstein.

Une étude sur La Physique d’Einstein lui vaut d’ailleurs une bourse de voyage et il est admis comme étudiant-chercheur à l’Université de Cambridge (1923). Capable d’appréhender les concepts nouveaux de son époque, Georges Lemaître s’initie aux théories stellaires modernes avec l’astronome anglais Eddington, avant de passer une année au Harvard College Observatory de Cambridge et de défendre sa thèse de doctorat au Massachusetts Institute of Technology (1926). Aidé par les découvertes de l’astronome américain Edwin Hubble (galaxies extérieures à la nôtre) et en conciliant la théorie d’Einstein avec lequel il est en désaccord (un univers stable et homogène, fini dans sa masse et son volume mais sans limite) et celle de De Sitter (un univers croissant en volume dans l’espace et le temps, donc en expansion, mais instable), Lemaître contribue à asseoir la théorie de l’univers en expansion (1927) et émet sa théorie de l’atome primitif, début temporel de l’univers (1931). Déjà, il pose l’hypothèse que le rayonnement cosmique porte la trace des événements initiaux, en d’autres termes qu’il existe un écho de la naissance du monde. Popularisée plus tard sous le nom de théorie du Big Bang (bien que l’expression soit initialement utilisée par ironie - 1949), cette thèse, éminemment révolutionnaire, nécessitera plusieurs années avant de s’imposer. En effet, Lemaître identifie l’univers à un atome gigantesque dont l’explosion, à une époque donnée, expliquerait la structure actuelle du cosmos. L’explosion aurait provoqué l’émission de protons, neutrons, électrons et photons à une température énorme. En 1992, les observations américaines confirmeront et compléteront l’hypothèse du Big Bang.

La théorie de l’univers en expansion et le traitement mathématique magistral qu’il en fit placent Georges Lemaître parmi les grands noms du monde scientifique de son époque. Et ses nombreux voyages lui permettent de confronter ses idées avec ses prestigieux collègues. Aux États-Unis, il voit naître les « machines à calcul » et il se passionne pour ces outils dont il maîtrise rapidement les fonctions. Après la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il s’intéresse à la formation des nébuleuses, il devient l’un des pionniers des machines à calculer sur le vieux continent. Dans les années ’50, il introduit la première machine électronique à Louvain. Il s’intéresse à la programmation en langage machine, et suit de très près cette évolution. Passionné de mathématiques, il a contribué par une série de travaux tant à la théorie des intégrales elliptiques, qu’à la mécanique théorique, à l’analyse numérique et au calcul élémentaire.

À sa carrière de professeur à la Faculté des Sciences de Louvain, où il est en charge du cours de « relativité » (1926-1964), Georges Lemaître ajoute une dimension spirituelle. Entré au Grand Séminaire de Malines, il a été ordonné prêtre en 1923. À aucun moment, le scientifique n’établira de confusion entre ses découvertes et sa foi, entre le « commencement » physique et la « création » philosophique.

Prix Franqui (1934), Prix décennal des Sciences appliquées (1933-1942), membre de nombreuses académies internationales, Georges Lemaître reçoit le prix quinquennal des Amis du Hainaut en même temps que J. Destrée et J. Bordet en 1935. Médaille Mendel (1934), il est porté à la présidence de l’Académie pontificale des Sciences en 1960 ; il en est membre depuis 1940. En 1960 encore, la prélature lui est conférée.
Engagé résolument dans la défense d’une section française à l’Université catholique de Louvain, le chanoine Lemaître assure la présidence de l’ACAPSUL (avril 1962), organisme qui défend avec vigueur les intérêts de la communauté universitaire française à Leuven et s’oppose à l’expulsion des Wallons.

Sources

LAMBERT Dominique, Un atome d’univers, Bruxelles, 2000
Lemaître, le père du Big Bang, les génies de la science, avril 2007
LUMINET Jean-Pierre, L’invention du big bang, Paris, Seuil, 1997
MAWHIN Jean, Les mathématiques, dans Histoire des sciences en Belgique, 1815-2000,  II, Bruxelles, 2001, p. 77
MANNEBACK Charles, Biographie Nationale, 1975, t. 38, col. 453-466

De Duve Christian

Science, Biologie, Médecine

Thames-Ditton (GB) 2/10/1917, Nethen 04/05/2013

Quatre Wallons ont reçu un Prix Nobel. Cinquante-cinq ans après Jules Bordet, Christian De Duve est l’un d’eux, honoré par l'Institut suédois Karolinska en 1974, en même temps qu’Albert Claude et le Roumain Georges Palade. Ce Prix Nobel de médecine couronne les recherches des trois scientifiques dans le domaine des cellules ; en termes simples, ils ont mis en évidence la structure et la fonction des composants internes de la cellule. De Duve, en particulier, a été le premier à décrire le lysosome (1955), puis le peroxysome (1965).

Né près de Londres, où ses parents se sont réfugiés au début de la Grande Guerre, Christian de Duve a entrepris des études de médecine en raison de la pénurie de médecins provoquée… par la Grande Guerre. Docteur en médecine de l’Université catholique de Louvain en 1941, il y poursuit ses recherches pendant la Seconde Guerre mondiale, en se faisant passer pour un simple étudiant. Sa seule préoccupation est alors de trouver la solution au mécanisme de l'action de l'insuline. Agrégé (1945) et licencié en sciences chimiques (1946) de l'UCL, il effectue des stages à Stockholm et à Saint-Louis (1946-1948) et est nommé professeur à Louvain dès 1951, en charge de la chimie physiologique, la biochimie et la biochimie cellulaire. Associé aux travaux menés par Albert Claude qui a installé un laboratoire de biologie cellulaire à Louvain, Christian de Duve travaille à la fois en Europe et aux États-Unis. Professeur au Rockefeller Institute de New York (1962), il y enseigne la cytologie biochimique.

Avec son équipe, le chercheur de Duve parvient à montrer que les diverses structures visibles dans les cellules sont des entités fonctionnelles bien définies, limitées par une vraie membrane, à l'intérieur desquelles sont concentrées des enzymes spécifiques, véritables marqueurs de ces structures. Dans les années cinquante, il a été un des premiers à isoler un composant de la cellule, le lysosome avant de préciser l'organisation structurelle et fonctionnelle de la cellule. Les lysosomes sont une famille d'organelles à fonctions multiples : utilisation des graisses, métabolisation des macromolécules, liquidation des déchets cellulaires, concentration de certaines drogues. En 1965, il donne le nom de peroxysomes à un autre type d'organite cytoplasmique qu'il a mis en évidence. La découverte des lysosomes et des peroxysomes a permis d'éclairer d'un jour nouveau divers phénomènes biologiques comme l'autophagie, la phagocytose, la respiration et des phénomènes pathologiques tels que certaines maladies génétiques d'accumulation.

Fondateur et directeur de l'Institut international de Pathologie moléculaire et cellulaire de l’UCL installé sur le campus de Louvain-en-Woluwe, De Duve a ouvert la voie dans des domaines non seulement de la biochimie fondamentale, mais aussi de la pathologie et de la pharmacologie biochimiques, et de la génétique.

Dans les années 1990, Christian de Duve (professeur émérite depuis 1985) a publié plusieurs essais à la fois de vulgarisation et de réflexion sur la science et les implications de ses multiples développements.

Sources

POTELLE Jean-François, Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. IV
DELFORGE Paul (dir.), Wallons d’ici et d’ailleurs, Charleroi, 1994
DELFORGE Paul, Cent Wallons du Siècle, Liège, 1995

Essais

La cellule vivante, une visite guidée, 1987
Construire une cellule, 1990
Poussière de vie, 1995 
À l’écoute du vivant, 2002 
Singularités : Jalons sur les chemins de la vie, 2005 
Science et quête de sens, collectif, 2005 
Génétique du péché originel. Le poids du passé sur l’avenir de la vie, 2009 

Bordet Jules

Nobel, Science, Biologie, Médecine

 Soignies 13/06/1870, Ixelles 06/04/1961

Premier savant wallon distingué par un prix Nobel (il reçoit le Prix Nobel de médecine et de physiologie en 1919), Jules Bordet a consacré la majeure partie de son temps à l'étude des mécanismes de l'immunité.

Entré à la Faculté de Médecine de l'Université libre de Bruxelles alors qu'il est âgé de 16 ans à peine, il en sort diplômé en 1892, avec les honneurs. Son mémoire qui porte sur les réactions des virus aux organismes vaccinés est récompensé par une bourse du gouvernement qui lui permet de se rendre à Paris, à l'Institut Pasteur. Pendant sept ans, il peut ainsi collaborer avec quelques chercheurs parmi les plus pointus de son temps, en particulier avec ceux qui s'intéressent aux réactions immunitaires de l'organisme ; ainsi se frotte-t-il à Elie Metchnikoff qui mettra au point le procédé par lequel les globules blancs détruisent les intrus : la phagocytose.

En 1894, le vaccin antidiphtérique est découvert. Jules Bordet élargit le champ de ses investigations, étudiant le rôle des anticorps. En 1895, il découvre le principe du sérodiagnostic in vitro. Docteur spécial de l'Université libre de Bruxelles (1896), c’est en mission au Transvaal qu’il fait la rencontre de Robert Koch (1897) et qu’il met au point une méthode de prophylaxie contre la peste bovine. En 1898, il fait la découverte des sérums hémolytiques, découverte qui ouvrait à la biologie de vastes horizons dans le domaine de l'immunité.

Rentré à Bruxelles, il dirige l'Institut antirabique et bactériologique du Brabant (1901-1940) qui devient l’Institut Pasteur, et enseigne la bactériologie à l'Université libre de Bruxelles (1901-1935). En 1933, il est appelé à la présidence du Conseil scientifique de l'Institut Pasteur de Paris. Ses cours d'immunologie seront régulièrement suivis par un auditoire nombreux et passionné.

Microbiologiste, Jules Bordet met au point la réaction Bordet-Wasserman pour détecter la syphilis. Il réalise encore, avec Octave Gengou, l'isolement du bacille de la coqueluche et de l'agent de la peste bovine (1906) et consacre une étude au sérum de sujets ou d'animaux immunisés contre des infections diverses : fièvre typhoïde, peste, charbon. Citons encore la découverte du microbe de la diphtérie aviaire (1907), la découverte de la conglutination (1909) et celle de la co-agglutination. Il centre ses travaux sur l'immunité humorale et spécialement sur le mode d'union des anticorps avec les antigènes.

Pendant les jours difficiles de la Première Guerre mondiale, il rédige un Traité d'immunité dans les maladies infectieuses. Publié en 1920, cet ouvrage est remis à jour vingt ans plus tard, et constitue l'une des références de tous les biologistes. On comprend dès lors que le Comité Nobel se soit tourné vers Jules Bordet afin de consacrer l'ensemble de sa contribution à la science de l'immunologie. Les recherches de Bordet vont permettre l'application des techniques sérologiques in vitro si utilisées aujourd'hui pour le diagnostic et le contrôle des maladies infectieuses. 

Savant de réputation mondiale, titulaire de nombreuses et importantes distinctions internationales, Jules Bordet a été reconnu sur ses terres, notamment par le Prix quinquennal des Amis du Hainaut en même temps que Jules Destrée et Georges Lemaître, en 1935.

Esprit curieux, Jules Bordet ne s’est pas « immunisé » de la société dans laquelle il vivait.  Membre de l'Assemblée wallonne dans l'Entre-deux-Guerres, président du Conseil culturel d'Expression française mis en place en 1938, il se montrait partisan de l'instauration d’une formule fédéraliste en Belgique. Auteur de Brèves considérations sur le mode de gouvernement, la liberté et l'éducation morale (1946) et de l'ouvrage Éléments d'astronomie (1947), il a figuré parmi les signataires de la pétition La Wallonie en alerte (19 avril 1949), que cinquante-trois académiciens ont adressée aux présidents des deux Chambres et par laquelle ils réclamaient une meilleure prise en considération de la Wallonie, région de plus en plus minorisée au sein de la Belgique unitaire.

Sources

POTELLE Jean-François, Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000
Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
DELFORGE Paul, Cent Wallons du Siècle, Liège, 1995
BEUMER Jacques, dans Biographie nationale, t. 38, p. col. 26-36
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. III
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. IV  

Englert François

Commandeur (2012)

Né le 6 novembre 1932, François Englert est diplômé ingénieur civil électricien mécanicien de l'Université libre de Bruxelles (1955). Il obtient ensuite une licence de physique en 1957 et un doctorat, en 1958. Il complète sa formation à l'Université Cornell, aux États-Unis, où il est nommé assistant de recherches en 1959 et professeur assistant l'année suivante. Il travaille alors sous la direction de Robert Brout, professeur américain né en 1928.

En 1961, il revient à Bruxelles avec le professeur Brout, qui sera d’ailleurs naturalisé. Ensemble, ils dirigent le service de Physique théorique.  En 1964, ils apportent une contribution décisive à la physique des particules, en inventant le mécanisme de brisure de symétrie. Leur article, publié dans Physical Review Letters, sera corroboré par les professeurs Carl Richard Hagen, Gerald Guralnik et Thomas Kibble, ainsi que par Peter Higgs. De manière indépendante et complémentaire, tous ces scientifiques posent le principe d’une particule élémentaire qui permet d'expliquer pourquoi certaines particules ont une masse et d'autres n'en ont pas. Cette particule est popularisée le nom de « boson de Higgs », bien que les scientifiques le dénomment « mécanisme de Brout-Englert-Higgs-Hagen-Guralnik-Kibble » (BEHHGK) ou encore « boson de Brout-Englert-Higgs » (BEH).

Dès sa parution, en 1964, cette contribution d’Englert et Brout révolutionne la physique des particules car elle consacre l’usage de la théorie des champs, qui devient l’outil de choix pour décrire les interactions fondamentales. Cette particule élémentaire constitue l'une des clefs de voûte du modèle standard de la physique des particules. La connaissance de ses propriétés peut, par ailleurs, orienter la recherche au-delà du modèle standard et ouvrir la voie à la découverte d'une nouvelle physique, telle que la super symétrie ou la matière noire. Brout, Englert et Higgs recevront d’ailleurs, en 2004, le prestigieux prix Wolf pour cette théorie.
Compte tenu de l’importance de ce boson, sa détection est l'enjeu majeur de la recherche en physique des particules. C’est pourquoi, dès sa mise en service en 2008, le plus important accélérateur de particules au monde, celui du CERN, à Genève, a concentré son travail sur sa recherche. Le 4 juillet 2012, les scientifiques annoncent avoir identifié, avec un degré de confiance de 99,99997%, un nouveau boson qui paraît compatible avec celui du boson de Brout, Englert & Higgs.
Près de 40 ans après un premier article, cette découverte vient couronner le travail de François Englert, qui a également produit d'importants travaux sur la supergravité, la théorie des cordes, les trous noirs et même la cosmologie quantique.

Le 13 septembre 2012, François Englert est élevé à la dignité de commandeur du Mérite wallon.

Le 8 octobre 2013, François Englert reçoit le Prix Nobel de Physique.

 

 

François Englert
L’honneur qui est fait à la recherche fondamentale me ravit parce que c’est là que se trouve de manière importante la « créativité » qui assure la continuité du développement scientifique, voire intellectuel. Pour tout cela, merci !