© SPW-Patrimoine-Guy Focant

Monument à la Résistance armée

Seul monument national érigé en hommage aux Résistants de 1940-1945, ce monument (récemment restauré) est dû à l’architecte Paul Étienne et au sculpteur Louis Dupont. Il fut inauguré le 8 mai 1955. Le groupe des statues à gauche évoque la résistance armée, celui de droite la résistante intellectuelle. Le choix de Liège – et de la Wallonie… – pour sa localisation s’expliquait par le rôle phare joué par certains de leurs citoyens dans la résistance à l’occupant. 

Le mouvement wallon dans la Résistance

« Tout concourt à montrer qu’une attitude, qu’un comportement différent se révéla au nord et au sud du pays face à l’occupation », écrivait dès 1976 un des meilleurs et des plus objectifs historiens de la Seconde Guerre mondiale, José Gotovitch. Ces dernières années, dans un climat où tout fait farine au moulin pour tenter d’occulter des disparités, d’aucuns se sont efforcés de monter en épingle, a contrario, les actes coupables de collaborateurs ou d’autorités politiques en Wallonie. C’est pourquoi il importe encore de rappeler ici, à la suite de Gotovitch toujours, que la collaboration dans le sud du pays ne put s’appuyer sur le mouvement wallon alors qu’en Flandre elle fut le fait d’un parti nationaliste disposant d’une réelle base populaire, et qu’au contraire « le caractère net et intransigeant du refus de l’occupation, l’engagement contre les Allemands et la volonté de libération nationale affirmés dès les premières semaines d’occupation, placent les militants wallons parmi les premiers à s’être relevés de la prostration générale ».

Outre la création envisagée dès le 2 juin 1940 (quatre jours après la capitulation !) de « Wallonie libre » par certains de ces militants réunis à Bruxelles, on signalera l’appel à la résistance de tous les Wallons lancé  depuis Paris par d’autres militants quatre jours plus tard, le rassemblement du 18 juin, la mise en place dès août 1941 d’un « Front wallon pour la Libération du Pays » antérieur au « Front de l’Indépendance » qui se constituera en mai 1942, la tentative de création d’un Rassemblement démocratique et socialiste wallon en 1943, mais aussi et surtout l’implication de dizaines de militants dans la presse clandestine, les filières d’hébergement et d’évasion de toutes sortes, les actions de sabotage, si bien que plus d’une cinquantaine des principaux dirigeants du mouvement wallon trouveront la mort dans la Résistance – au combat ou en déportation.

En ce qui concerne enfin les différences (aujourd’hui souvent minimisées) entre Flandre et Wallonie concernant l’implication respective de leur population dans la résistance à l’occupation et au nazisme, plus que de longs discours, on reproduit ci-dessus l’éloquente carte (publiée par l’Institut Jules Destrée en 1998) des actes de sabotage commis dans le pays durant les vingt derniers mois de l’occupation, à un moment où la défaite allemande se profilait pourtant. Elle se passe de commentaires.  

En 2008, le Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, sous la direction du même José Gotovitch et de Paul Aron, confirma la surreprésentation réelle de la Wallonie dans la Résistance, avec 71 % des journaux clandestins, 79 % des actes de sabotage… Le même ouvrage démonte plusieurs des mythes nationalistes flamands, qu’il s’agisse des martyrs de l’Yser ou de la répression de 1945, et souligne que cette dernière ne fut pas dirigée contre le mouvement flamand, mais que 62 % des condamnés pour collaboration furent néerlandophones. Les chiffres se passent, ici en tous cas, également d’autres commentaires.

Nous terminerons cette notice en rappelant que si durant quatre décennies au moins après la Libération, le monde politique flamand dans son écrasante majorité n’eut de cesse de réclamer l’amnistie des collaborateurs condamnés (et obtint progressivement « réparation » pour certains), c’est au monde politique wallon quasi unanime qu’il se heurta toujours sur cette question. À ce titre et par contrecoup, celle-ci fut elle aussi un des ferments d’une identité wallonne, comme devait l’observer le Ministre-Président Robert Collignon lors du cinquantenaire de la Libération : « Pour ce qui est des Wallons d’aujourd’hui, la Région wallonne est fière de constater qu’à chaque fois que le débat sur l’amnistie rebondit, la réaction unanime de la population et de la presse wallonnes est de rappeler les sacrifices de nos résistants, de nos martyrs massacrés par l’ennemi. Ailleurs, on semble plutôt enclin à débattre davantage du bien-fondé des réhabilitations et même de l’opportunité de réécrire l’histoire ».

Parc d'Avroy 
4000 Liège

carte

Freddy Joris & Frédéric Marchesani, avril 2009

Bervoets Marguerite

Résistance

La Louvière 6/03/1914, Wolfenbüttel 7/08/1944


Promise à une probable carrière littéraire, Marguerite Bervoets est entrée dans l’histoire en raison de l’héroïsme dont elle a fait preuve durant la Seconde Guerre mondiale et surtout en raison de sa vie sacrifiée à l’autel de la liberté. Une étude récente d’Émile Pequet apporte à la fois beaucoup de rigueur scientifique et d’humanité à son parcours de vie.

Professeur à l’École normale de Tournai au moment de l’invasion allemande de mai 1940, Marguerite Bervoets avait suivi une formation de romaniste auprès de Gustave Charlier à l’Université libre de Bruxelles et y avait décroché un diplôme universitaire, tout en cultivant son goût et sa curiosité pour l’écriture. Licenciée en Philologie romane (1936), candidate en Droit (1935), elle détenait aussi des certificats en Histoire de la musique et en Histoire de la peinture (1937). Qu’une jeune femme termine un cursus universitaire n’avait plus rien d’exceptionnel dans l’Entre-deux-Guerres, même si cela n’est toutefois pas très courant. 

Élevée dans un milieu bourgeois, laïc et tourné vers la France, elle fait un court séjour d’été en Angleterre pour s’y familiariser avec la langue anglaise (1937), mais c’est Paris qui l’attire et Tournai qui l’accueille : elle y devient professeur à l'École normale primaire et professeur de Littérature française à la section des régentes (septembre 1937). En 1939, elle reprend une inscription à l’ULB pour mener parallèlement un doctorat sur l'œuvre d'André Fontainas (qui était déjà le sujet de son mémoire).

Dès les premiers mois de la seconde occupation allemande, Marguerite Bervoets délaisse la thèse de doctorat qu’elle a entamée, ainsi que son activité littéraire pour s’engager dans la Résistance (été 1941). Engagée dans le « groupe des Cinq Clochers », elle fait paraître, avec Henri Deneubourg, le journal clandestin La Délivrance (décembre 1941-août 1942), et déploie une activité certaine mais, comme elle est forcément secrète, difficilement identifiable. Peut-être est-elle un agent de liaison entre des groupements de Lille et de Tournai ; peut-être aide-t-elle des parachutistes. Il est certain qu’elle collecte des informations de type militaire (plan, photos, descriptifs), qu’elle détient des armes à son domicile, et qu’en avril, elle intègre La Légion belge avec son groupe tournaisien devenu la section 803, et se met à son service. Elle a mission de mettre en place une antenne sanitaire.

Surprise en compagnie de Cécile Detournay au moment où elles tentaient de prendre des photographies du champ d’aviation de Chièvres (8 août 1942), Marguerite Bervoets est arrêtée avec son amie. De grande importance militaire, le camp de Chièvres est particulièrement surveillé. Les perquisitions à son domicile ne laissent planer aucun doute. Pour les Allemands, il s’agit d’une espionne. Ils procèdent à une vingtaine d’autres arrestations. Après les prisons d’Ath, Tournai et Mons, elle est envoyée en Allemagne (1er août 1943). À la prison de Leer, elle est jugée et condamnée à mort. Elle est guillotinée à Brunswick, à la prison de Wolfenbüttel, le 7 août 1944. 

En 1946, le ministre Auguste Buisseret autorise – fait exceptionnel – le Lycée de Mons à porter le nom de celle qui y avait achevé ses humanités ; l’établissement était dirigé par la mère de Marguerite Bervoets. À La Louvière, où elle avait accompli ses classes primaires avant ses trois premières années d’humanités à l’École Moyenne du Centre, c’est un monument qui est élevé dans la cour d’honneur dès le 17 novembre 1946. Le même jour, est apposée une plaque commémorative sur sa maison natale. Son souvenir est également entretenu par de rares productions littéraires : Chromatisme, par exemple, rassemble les poèmes composés avant son entrée à l’Université libre de Bruxelles (1932) ; quelques journaux et revues hainuyères ou bruxelloises publient l’un ou l’autre de ses poèmes entre 1936 et 1940. Quant à sa thèse, Gustave Charlier s’est employé à la publier en 1949.

 

Sources

Émile PEQUET, Marguerite Bervoets, s.l., Hainaut, Culture et Démocratie asbl, 2014, coll. Les Carnets de la Mémoire
Lucienne BALASSE-DEGUIDE, dans Biographie nationale, t. 43, col. 82-89

Bastin Jules

Militaires, Résistance

Roux 23/03/1889, Gross Rosen 1/12/1944


Comme de nombreux Wallons de sa génération, Jules Bastin est surpris par l’invasion allemande d’août 1914, ainsi que par celle de mai 1940. Fait prisonnier, il se distinguera par ses nombreuses tentatives d’évasion lors de la Grande Guerre et il paiera finalement de sa vie son engagement au sein de l’Armée secrète, lors de la Seconde Guerre mondiale.

Engagé volontaire à l’armée dès ses 17 ans, Jules Bastin passe du 13e régiment de ligne à Dinant à l’École militaire où il est admis en 1907 ; il opte pour la cavalerie, l’armée d’élite de l’époque. Le 31 décembre 1913, il est admis au 1er régiment de Chasseurs à cheval à Tournai. Lieutenant de cavalerie en 1914, il est blessé sur le champ de bataille après une charge à la tête de son peloton, le 16 août. Fait prisonnier à hauteur de Chaumont-Gistoux, il est transféré en Allemagne à l’instar de près de 42.000 soldats capturés principalement durant ce mois d’août 14. Les conditions de détention sont abominables. Mû par une seule obsession, s’évader, Jules Bastin s’y reprend à dix reprises avant de parvenir à rejoindre les Pays-Bas. De plus en plus surveillé, c’est finalement du fort IX d’Ingolstadt, en Bavière, qu’il reprend définitivement sa liberté en novembre 1917. Arrivé près de la frontière entre l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas, un tunnel creusé sous la ligne électrifiée lui permet de gagner Vaals, puis Maastricht, avant d’embarquer pour Calais où il arrive en décembre. Car son intention ultime est de rejoindre les troupes belges sur l’Yser ; avec elles, il participe à l’offensive victorieuse de septembre-octobre 1918. 

Commandant d’un escadron du 1er Lanciers caserné à Spa (1928), promu lieutenant-colonel (1934) puis colonel (1939), professeur de tactique à l’École de Guerre (1936), il raconte dans un livre à succès, publié dans les années 1930, ses 10 tentatives d’évasion ; un aviateur français, Roland Garros, était parmi ses compagnons d’infortune. Dans ses souvenirs, Charles de Gaulle, lui aussi prisonnier en Allemagne au printemps 1916 non loin de Jules Bastin, racontera que le militaire de Charleroi était alors pour lui un modèle. Plusieurs fois récompensés des plus hautes distinctions, Jules Bastin est un « héros » qui s’en est retourné à la vie normale jusqu’en 1939.

Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, Jules Bastin participe à la Campagne des 18 Jours en tant que chef d’État-Major du corps de la cavalerie belge. Après la capitulation décidée par Léopold III, il refuse la situation, embarque pour l’Angleterre, revient en France avant de finalement rentrer au pays. Affecté à l’OTAD (Office des Travaux de l’Armée démobilisée), il va contribuer à la formation de La Légion belge (septembre 1941). Le danger est permanent. Il est arrêté et emprisonné une première fois (un mois, en novembre 1941). Commandant de l’organisation de combat, le colonel Robert Lentz a moins de chance et Bastin lui succède à la tête du réseau clandestin (mai 1942), avant de devenir le commandant de la Légion belge (novembre 1942), qui devient L’Armée de Belgique (1943) avant de prendre l’appellation définitive d’Armée secrète (1er juin 1944). Depuis la fin 1942, Bastin est en effet chargé par le gouvernement belge en exil à Londres de coordonner et fédérer tous les organes de résistance armés du pays. Tombé dans un guet-apens près de Liège (avril 1943), il échappe de peu à la mort et passe quelques semaines en prison avant d’être libéré. Mais sa troisième arrestation, le 24 novembre 1943, lui est funeste. Il est envoyé à la prison de Saint-Gilles où ses tentatives d’évasion sont vaines. Finalement, le 5 février 1944, il est déporté vers l’Est et, épuisé par les mauvais traitements qui lui sont infligés, Jules Bastin ne reviendra pas du camp de concentration de Gross Rosen.

 

Sources

Jules BASTIN, La lutte pour la liberté. Mes 10 évasions, 1914-1917, Paris, Payot, 1936
Albert CRAHAY, Vingt héros de chez nous : 1940-1964, Bruxelles, 1983, p. 209-229
Daniel CONRAADS et Dominique NAHOE, Sur les traces de 14-18 en Wallonie, Namur, IPW, 2013, p. 255
http://www.freebelgians.be/articles/articles-3-36+de-la-legion-belge-a-l-armee-secrete.php (s.v. septembre 2014)
Léon-E. HALKIN, dans Biographie nationale, t. 31, col. 55-56

La Résistance en Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale (1943-1944)

Ne rien décider qui engage l’avenir de l’État belge, favoriser autant que possible les Flamands, mais n’accorder aucune faveur aux Wallons. Tel est l’ordre que Hitler en personne donne le 14 juillet 1940, à propos de l’avenir de la Belgique. Il faut attendre 1944 pour que les intentions d’Hitler se précisent : création d’un Reichsgau Flandern et d’un Reichsgau Wallonien. Entre-temps, une Flamenpolitik introduira une surreprésentation flamande dans les rouages de l’État et les régions industrielles – essentiellement wallonnes – seront l’objet d’une exploitation maximale : matières industrielles puis main-d’œuvre. Le rapatriement des soldats flamands alors que les Wallons demeurent en captivité accentuera encore cette différence de sensibilité et d’attitude par rapport à l’occupation allemande.
Dans les quelques lignes qu’il consacre à Résistance et collaboration dans l’encyclopédie La Wallonie, Le Pays et les Hommes, José Gotovitch décrit succinctement la situation vécue en Belgique durant l’occupation allemande de 1940 à 1945 et met en évidence le fossé qui sépare Wallons, Flamands et Bruxellois. Sa conclusion, prudente, souligne que La Résistance ne fut pas un phénomène spécifiquement wallon, ni la collaboration exclusivement flamande. Ces deux clichés sont également faux. Mais tout concourt à montrer qu’une attitude, un comportement différent se révéla au Nord et au Sud du pays face à l’occupation. En Flandre, la collaboration fut le fait d’un parti disposant au départ d’une réelle base populaire. Mais comme en 1914-1918, elle put apparaître à certains comme un moyen d’assurer la réalisation d’aspirations nationalistes ancrées dans la tradition du mouvement flamand. À aucun moment, par contre, en Wallonie, cette collaboration ne put prendre un contour effectivement wallon, s’appuyer sur une réalité nationaliste. La déconfiture des organismes de collaboration d’appellation wallonne aboutit même à la pantalonnade du discours impérial de Degrelle en 1943 : les Wallons étaient des Germains ! Même le chef de Rex ne pouvait renverser l’histoire avec un discours ! Hors ce nationalisme impossible, la collaboration wallonne ne pouvait dès lors que rassembler – après décantation – d’authentiques nationaux-socialistes engagés d’autant plus avant qu’ils se mouvaient dans un terrain hostile.
Pour manifester son opposition à l’occupant, la Résistance prit des risques importants pour publier des journaux clandestins. Une équipe dirigée par José Gotovitch a identifié 674 titres différents, publiés dans toute la Belgique, dont 417 titres différents en Wallonie, 183 en Flandre et 64 « nationaux ». En région liégeoise, près de 140 titres ont été identifiés. Quant aux actes de sabotage violent, ils témoignent également d’une forte activité dans le pays wallon, en zone rurale comme en zone industrielle.

Référence
VDL118


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Les camps de concentration et leurs commandos (1940-1945)

À partir de l’arrivée au pouvoir d’Adolphe Hitler (1933), l’Allemagne se couvre d’un réseau serré de camps de concentration. Au début, ils sont destinés à « rééduquer » des Allemands – communistes, intellectuels rebelles, délinquants, homosexuels, etc. – le plus souvent envoyés là sans procès et sans peine déterminée. Rares sont ceux qui en seront libérés. Livrés à la SS qui en assure la gestion, les camps sont souvent construits par les internés eux-mêmes, qui sont employés à de multiples autres tâches épuisantes.
Avec l’entrée en guerre de l’Allemagne nazie contre ses voisins, arrivent des soldats ennemis (les prisonniers de guerre sont traités séparément dans les stalags (pour les soldats) et les oflags (pour les officiers) comme le montre une autre carte), mais surtout des résistants condamnés ou ramassés, des juifs, des tsiganes, des slaves, etc. À partir de 1941, les camps se transforment en gisements de travailleurs exploités au seul profit de la SS qui fournit, à bas prix, à l’industrie allemande une main-d’œuvre organisée en kommandos opérationnels.
Lorsqu’est lancée la solution finale (été 1941), un certain nombre de camps développe des structures annexes qui deviennent des lieux d’extermination pour les Juifs d’Europe. La première chambre à gaz fonctionne à Auschwitz dès septembre 1941. Tout en étant à proximité l’un de l’autre, camps de concentration et camps d’extermination répondent à des objectifs différents dans l’esprit des nazis, mais tous ont conduit à la mort des millions d’innocents. Dans le Militärbefehlshaber Belgien und Nordfrankreich, la SS disposait de deux lieux d’incarcération, le fort de Breendonck et la forteresse de Huy. D’autres prisons ont renfermé des civils – résistants ou non – condamnés par l’occupant allemand ; parfois, ces prisonniers eurent la chance de regagner leur domicile ; le plus souvent, ces lieux d’enfermement n’étaient qu’une étape de transition avant l’expédition dans les camps allemands.

Référence
HiG114 ; VDL71


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La Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale

C’est cette forme graphique que les diverses activités de la Résistance ont été illustrées dans le Livre d’or de la résistance belge, publié par la Commission de l’historique de la Résistance instituée par le Ministère de la Défense nationale (Bruxelles, 1946).


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La Résistance dans le Grand Liège en 1942

Parmi les grandes réformes politico-administratives imposées par l’occupant allemand en Belgique figure la constitution de grande agglomération urbaine. Anvers, Bruxelles, Charleroi et Liège sont notamment concernées. Ainsi par exemple, dès l’automne 1940, l’autorité allemande d’occupation impose la constitution d’un Grand Liège par la réunion des mandataires de 24 communes du bassin liégeois et la gestion commune de cette grande agglomération. Les statuts du Grand Liège – désormais composé de 30 localités – et les modifications profondes qui l’accompagnent n’entreront en vigueur que fin 1942, début 1943. Cette initiative a comme conséquence indirecte de permettre une lecture globale de phénomènes touchant 410.000 Liégeois, dont leur résistance à l’occupant et à ses valets.
Dès 1940 et 1941, les actes de résistance se multiplient : ce ne sont pas de simples badigeonnages de mur ou des arrachages d’avis officiels allemands. Malgré les arrêtés d’interdiction des autorités allemandes, les mineurs débrayent dès novembre-décembre 1940. Au printemps, la mobilisation atteint son paroxysme. Réclamant une hausse des salaires, les mineurs et sidérurgistes sont encadrés par des militants communistes et syndicaux qui parviennent à structurer un vaste mouvement de grève et de protestation qui atteint son point culminant le 10 mai 1941. Soutenus par une population hostile à l’occupant, ils parviennent à mobiliser 100.000 personnes et à contraindre les autorités allemandes à consentir une augmentation des salaires de 8%. Les signes de résistance à l’occupant se multiplient et se diversifient.
La résistance se manifeste en effet en recourant à la force par divers sabotages. Au moyen d’explosifs, sont tour à tour visés l’infrastructure ferroviaire, les pylônes et cabines électriques, les usines, le ravitaillement, mais aussi les locaux de l’autorité allemande, ceux des « collaborateurs » rexistes ou de commerçants profiteurs. Il y a parfois mort d’hommes, de sympathisants nazis, de gardes wallons voire de soldats allemands. Sur le seul territoire du Grand Liège, ce sont près de 250 actes de résistance qui ont été enregistrés sur 24 mois, entre 1941 et 1943 et surtout en 1942, malgré la répression allemande qui est particulièrement sévère : amende – jusqu’à un million de francs –, confiscation – notamment de vélos ! –, obligation de surveillance imposée aux civils, couvre-feu, prise d’otages voire exécution capitale à titre d’exemple.

Références
Pôle Recherche et Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

La Résistance dans le Grand Liège (janvier-décembre 1941)

Parmi les grandes réformes politico-administratives imposées par l’occupant allemand en Belgique figure la constitution de grandes agglomérations urbaines. Anvers, Bruxelles, Charleroi et Liège sont notamment concernées. Ainsi par exemple, dès l’automne 1940, l’autorité allemande d’occupation impose la constitution d’un Grand Liège par la réunion des mandataires de 24 communes du bassin liégeois et la gestion commune de cette grande agglomération. Les statuts du Grand Liège – désormais composé de 30 localités – et les modifications profondes qui l’accompagnent n’entreront en vigueur que fin 1942, début 1943. Cette initiative a comme conséquence indirecte de permettre une lecture globale de phénomènes touchant 410.000 Liégeois, dont leur résistance à l’occupant et à ses valets.
Dès 1940 et 1941, les actes de résistance se multiplient : ce ne sont pas de simples badigeonnages de mur ou des arrachages d’avis officiels allemands. Malgré les arrêtés d’interdiction des autorités allemandes, les mineurs débrayent dès novembre-décembre 1940. Au printemps, la mobilisation atteint son paroxysme. Réclamant une hausse des salaires, les mineurs et sidérurgistes sont encadrés par des militants communistes et syndicaux qui parviennent à structurer un vaste mouvement de grève et de protestation qui atteint son point culminant le 10 mai 1941. Soutenus par une population hostile à l’occupant, ils parviennent à mobiliser 100.000 personnes et à contraindre les autorités allemandes à consentir une augmentation des salaires de 8%. Les signes de résistance à l’occupant se multiplient et se diversifient.
La résistance se manifeste en effet en recourant à la force par divers sabotages. Au moyen d’explosifs, sont tour à tour visés l’infrastructure ferroviaire, les pylônes et cabines électriques, les usines, le ravitaillement, mais aussi les locaux de l’autorité allemande, ceux des « collaborateurs » rexistes ou de commerçants profiteurs. Il y a parfois mort d’hommes, de sympathisants nazis, de gardes wallons voire de soldats allemands. Sur le seul territoire du Grand Liège, ce sont près de 250 actes de résistance qui ont été enregistrés sur 24 mois, entre 1941 et 1943, malgré la répression allemande qui est particulièrement sévère : amende – jusqu’à un million de francs –, confiscation – notamment de vélos ! –, obligation de surveillance imposée aux civils, couvre-feu, prise d’otages voire exécution capitale à titre d’exemple.

Références
Pôle Recherche et Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Adere Alice

Politique

Montegnée  4/05/1902, Liège 15/11/1977

Dans l’histoire de l’accès des femmes à la vie politique, Alice Degeer-Adère est la première élue directe en Wallonie à accéder au Sénat. Elle entre à la Haute Assemblée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, précisément le 26 février 1946. Mise au travail dès l’âge de 14 ans dans la métallurgie, ouvrière aux fours à coke, elle ne tarde pas à vouloir s’émanciper par rapport à sa condition sociale. Gréviste sanctionnée, elle n’abandonne pas son engagement. Au contraire. Son mariage avec Joseph Degeer, mineur actif au sein du récent Parti communiste la conduit au Front rouge, puis à la Ligue des femmes contre la guerre et la misère. En 1931, elle adhère au PCB. Sous le pseudonyme d’Alice Berteau, cette autodidacte fréquente, à Moscou, l’École léniniste internationale (ELI).

Active à Seraing lors des grèves de 1932, plusieurs fois arrêtée, elle se montre bonne oratrice et obtient les suffrages des électeurs de la région liégeoise en 1936. Elle fait alors son entrée à la Chambre des représentants et y est la première élue du Parti communiste : après elle, Antoinette Desonnay-Raskin et Noëlla Dinant seront les deux seules femmes du Parti communiste élues en Wallonie à siéger à la Chambre ; avant elle, la socialiste Lucie Dejardin avait été la première femme élue députée dans un arrondissement wallon. Mais l’émergence de la jeune femme n’est pas sans provoquer quelques conflits avec Julien Lahaut sur la place sérésienne. Alice Adère s’allie dès lors avec les socialistes de la commune voisine d’Ougrée, lors des communales de 1938. Élue conseillère communale, elle devient d’emblée échevine, en charge de l’État civil, fonction qu’elle conserve jusqu’en 1952.
 

Arrêtée et déportée par les autorités belges à l’entame de la Seconde Guerre mondiale, libérée en juillet, elle mène une forte agitation, dans le bassin de Liège, en faveur du ravitaillement et de la libération des prisonniers de guerre. À l’heure de l’Opération Barbarossa (22 juin 1941), elle plonge dans la clandestinité, se montrant active au sein du Front (wallon) de l’Indépendance. Au moment de la Libération, elle est le seul parlementaire communiste présent au pays et assure la remise en route du PCB, dans l’attente du retour des survivants. Placée comme tête de liste du PCB dans l’arrondissement de Mons, elle obtient le mandat de sénateur déjà évoqué. En 1945 et 1946, elle contribue, avec l’avocat Jean Fonteyne, à entretenir les accusations portées contre le bourgmestre et le procureur général de Liège au sujet de listes de communistes prétendument adressées aux autorités allemandes au printemps 1941. Au sein de son parti, Alice Adère entre en conflit avec le bureau central, si bien qu’en octobre 1948 la sénatrice est exclue du PCB. Elle n’obtient une réintégration qu’en 1965 ; elle n’exerce cependant plus aucune activité politique publique depuis 1952.
 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée
Dictionnaire des femmes belges. XIXe et XXe siècles, Bruxelles, 2006, p. 22-24Députée (1936-1946)
Conseillère communale d’Ougrée (1939-1952)
Echevine (1939-1952)
Sénatrice (1946-1949)

Brusson Paul

Résistance

Ougrée 29/04/1921, Liège 27/10/2011

Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, Paul Brusson n’a pas vingt ans. Ayant grandi dans un milieu modeste, il a suivi une formation professionnelle à l’École de chaussure de la ville de Liège (1939) et c’est comme cordonnier-chausseur qu’il travaille jusqu’en 1949 chez plusieurs grands chausseurs de la Cité ardente. En 1949, il décide de changer de cap, répond à un concours de recrutement à la police d’Ougrée et est engagé. Il suit les cours d’officier de police de la province, est nommé Commissaire-adjoint en 1962, puis Commissaire en 1974. Il est également membre, pendant 20 ans, de la Commission d’Assistance publique d’Ougrée avant d’en être le président pendant 7 ans. En janvier 1977, au moment de la fusion des communes, il devient le commissaire en chef de la police du Grand Liège et de ses 200.000 habitants. Mais au-delà de ce parcours professionnel au demeurant déjà exceptionnel, Paul Brusson est d’abord un passeur de mémoire pour une période qu’il a particulièrement bien connue, puisqu’il l’a vécue et ressentie dans sa chaire.

Pour avoir grandi près de Seraing la Rouge, celui qui était déjà anti-rexiste avant la guerre ne peut être que résistant sous l’occupation allemande. Trop peu discret lors des services qu’il rend au nom du mouvement « Solidarité » du Front de l’Indépendance, il est arrêté par la Gestapo, la veille de ses 21 ans. Trois années de détention attendent celui qui est considéré comme dangereux : forteresse de Huy, Breendonk, Mauthausen, son annexe de Gusenen (Autriche), Natzweiler-Struthof (Alsace) et enfin Dachau-Allach (Bavière). Libéré le 30 avril 1945 par les troupes américaines, il est l’un des 15 survivants des 120 déportés du convoi du 8 mai 1942.

Dès son retour à Ougrée, Paul Brusson entame deux nouveaux combats : celui pour la reconnaissance d’un statut au sein de la Confédération nationale des Prisonniers Politiques et Ayants Droit de Belgique ; ensuite, un combat contre l’oubli. À l’heure où la liberté est retrouvée, il refuse de gommer un passé pénible que nul n’ose évoquer. À l’entame des années 1950, il convie des veuves de guerre et leurs enfants à un voyage commémoratif à Mauthausen. Ensuite, ce sont ses collègues de travail. La sortie du film Nuit et Brouillard d’Alain Resnais contribue à briser le mur du silence. Une fois retraité, Paul Brusson entreprend de guider des étudiants et professeurs vers les camps de la mort. Jusqu’à son dernier souffle, il renouvellera annuellement ce voyage de mémoire, contre l’oubli et contre la renaissance de l’extrême-droite.

En 1997, une Fondation Paul Brusson a vu le jour, créée par le Rotary de Liège-Sud, pour pérenniser son engagement. Par ailleurs, il est parmi les fondateurs des « Territoires de la Mémoire ». Président de l’Union liégeoise des Prisonniers Politiques des deux guerres mondiales, de l’Amicale de Mauthausen, du comité de restauration du Fort de Huy, vice-président et membre du Conseil d’Administration de l’Institut national des Invalides de Guerre, Paul Brusson avait reçu en 1996 la Croix d’Honneur d’Autriche. Citoyen d’honneur de Seraing, il s’est vu décerner et, à titre posthume, le titre de « citoyen européen de l’année 2012 », par le Parlement européen, et le rang d’officier du Mérite wallon, par le gouvernement wallon.
 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse  
http://www.seraing.be/Paul-Brusson.html 
Pierrot GILLES et Paul BRUSSON, De mémoire vive, Liège, 2004, livre-témoignage 
http://vimeo.com/31072170