Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Stèle Jean REY

Stèle à la mémoire de Jean Rey, réalisée à l’initiative des autorités communales, 17 mai 1996.
 

Stèle Jean Rey

Né à Liège en 1902, dont il fut conseiller communal de Liège (1935-1958) et député (1939-1958), ministre belge à deux reprises (1949-1950, 1954-1958), membre (1958-1970) puis premier président de la Commission économique européenne de 1967 à 1970, ministre d'État (1972), député européen (1979-1980), c’est finalement d’Esneux, dont il était devenu conseiller communal après la fusion des communes en 1976, que Jean Rey a reçu la première manifestation de reconnaissance posthume par l’élév

ation d’une stèle à sa mémoire. Depuis plusieurs années, en effet, il avait choisi de vivre dans le hameau de Cortil et il avait accepté, en octobre 1976, de participer au scrutin communal du « grand Esneux ». Sans surprise, il avait été élu en même temps qu’une jeune candidate socialiste, Jenny Levêque, qui allait devenir par la suite la bourgmestre de la localité, de 1995 à 1998 et de 2001 à 2006.
C’est sous sa présidence qu’une cérémonie inaugurale eut lieu le 17 mai 1996, en présence de la famille de Jean Rey, du président du parti libéral, Louis Michel, et d’un représentant du bourgmestre de Liège. Autour de la stèle commémorative, l’ensemble des convictions libérales, démocratiques, protestantes, wallonnes, fédéralistes et européennes de Jean Rey ont été rappelées. Premier président de la Commission européenne unifiée, Jean Rey avait aussi figuré parmi les tout premiers députés européens élus au suffrage universel (1979), même s’il fut forcé par la suite de céder son siège à Luc Beyer.

Sur une pierre calcaire relativement brute, une plaque métallique carrée est apposée de manière centrale. Entouré de douze étoiles, un cercle foncé laisse apparaître la tête de Jean Rey, légèrement tournée vers la droite. Sous ce portrait, sont mentionnées trois références à ses multiples engagements :

« Jean Rey
1902-1983
Ministre d’État
Conseiller communal d’Esneux
Président de la Commission
des Communautés européennes
1967-1970 ».

Un parterre de fleurs entoure l’avant de la stèle, tandis qu’un arbre a été planté à l’arrière, destiné à abriter le monument d’ici quelques années.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, dont Le Soir, 18-19 mai 1996
Francis BALACE, Willy DE CLERCQ, Robert PLANCHAR, Jean Rey, liégeois, européen, homme politique, Éditions de l’Université de Liège, Liège, 2002
Paul DELFORGE, Jean Rey, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1424-1427
Demain, Études et Expansion, Numéro spécial à la Mémoire de Jean Rey, 1983, n° 295
Robert FENAUX, Jean Rey, Enfant et artisan de l’Europe, Éditions Labor, Bruxelles, 1972

 

Parc du château Brunsrode, dit château Lieutenant 
4130 Tilff (Esneux)

carte

Paul Delforge

Rey Jean

Militantisme wallon, Politique

Liège 15/07/1902, Liège 19/05/1983

Construction européenne et émergence d’une Wallonie autonome caractérisent principalement l’engagement politique de Jean Rey, l’un des pères du libéralisme wallon au XXe siècle.

Docteur en droit de l’Université de Liège (1926), stagiaire chez Me Charles Magnette, avocat à la Cour d’Appel de Liège (1926-1958), Jean Rey est progressivement attiré par la politique. Élu conseiller communal de Liège (1935-1958), ce libéral a rejoint les rangs du comité du journal L’Action wallonne où, avec Fernand Dehousse et Georges Truffaut, il dénonce à la fois le rexisme, la politique de neutralité du gouvernement belge, les dangers de l’Allemagne hitlérienne… Via l’Entente libérale wallonne dont il est l’un des initiateurs, il témoigne de son choix pour le fédéralisme dès la fin des années 1930.

Élu dans l’arrondissement de Liège, Jean Rey fait son entrée à la Chambre en 1939. Son maiden speech est consacré à la dénonciation de la neutralité : « (…) dans l’Europe de 1938, (la neutralité) c’est en réalité la résignation devant une éventuelle servitude, c’est l’acceptation de la défaite de nos idéaux, c’est l’acceptation de vivre en nations d’esclaves plutôt que de combattre en peuples d’hommes libres ». En uniforme de lieutenant de réserve sur son banc de parlementaire le 10 mai 1940, Jean Rey participe à la Campagne des Dix-Huit Jours. Il est fait prisonnier de guerre et emmené à l’oflag d’Eichstätt. Ses protestations répétées contre la propagande allemande et son rejet ferme de toutes  propositions d’accommodement le condamnent à un transfert vers les camps spéciaux de Colditz, puis de Lübeck. En dépit de ses tentatives d’évasion qui lui valent des jours de cachot, il ne rentre à Liège qu’en 1945, plus décidé que jamais à défendre la thèse fédéraliste. Il s’y emploie tant au Congrès national wallon d’octobre 1945 qu’à la tribune de la Chambre. En 1947, il est l’un des cosignataires de la proposition de loi visant à la transformation de la Belgique en une Confédération formée de deux États (Flandre et Wallonie) et d'une région fédérale (Bruxelles composé de dix-neuf communes).

Lors du dénouement de la Question royale, Jean Rey qui est en charge de la Reconstruction (11 août 1949-30 avril 1950) fait partie du gouvernement qui décide de l’organisation d’une consultation populaire. À titre personnel, il considère que le rétablissement de Léopold III doit recueillir une majorité dans chacune des régions du pays. En tant que représentant de l’opinion wallonne, il suggère à plusieurs reprises des formules de conciliation qui ne sont pas entendues. Sa volonté de régler la question wallonne en même temps que la Question royale n’est pas davantage rencontrée.

Dans l’opposition entre 1950 et 1954, Jean Rey contribue à l’approfondissement du contenu du fédéralisme wallon, mais quand il redevient ministre en charge des Affaires économiques dans la coalition laïque (1954-1958), la Question scolaire mobilise l’essentiel de son temps ; les mesures qu’il fait adopter pour promouvoir une politique économique régionale active ne sont pas suffisantes pour rencontrer les revendications wallonnes. Par contre, sa contribution est décisive dans l’élaboration du traité d’Union économique européenne et des traités créant la CEE et Euratom. Président du Conseil spécial des ministres de la CECA (1954-1956), Jean Rey écourte son expérience ministérielle (janvier 1958) pour faire son entrée à la Commission de la Communauté économique européenne.
Membre de la Commission des Communautés européennes (1958-1967), Jean Rey marque profondément la CEE naissante par son action décidée et constructive, notamment lors des négociations du Kennedy Round. Au moment de la fusion des exécutifs européens (CECA et CEE), Jean Rey est désigné à la présidence de la Commission européenne (1967-1970) : il lui revient encore le mérite d’avoir contribué au lancement de la politique régionale communautaire.

Au terme de ce long mandat européen (1970), Jean Rey revient vers la Wallonie et la politique belge au moment où la discussion sur la réforme de l’État est la plus vive. Son approche fédéraliste est renforcée : « la Wallonie est devenue une région d’Europe et elle a besoin d’une personnalité politique et de personnalités politiques. Quand il y aura un conseil des ministres de la région wallonne, un grand pas sera fait » (Le Soir, 14-15 février 1971). Lors de la formation du PRLw (1977), Jean Rey accepte d’être l’un des pères-fondateurs de la formation libérale wallonne. En juin 1976, il s’était déjà joint à Joseph Hanse et Marcel Thiry notamment pour rédiger et signer une Lettre au roi pour un vrai fédéralisme. En décembre, il lance seul un Appel aux Wallons en faveur de la reconnaissance effective des régions.

Président de la Société financière de transports et d’entreprises industrielles (SOFINA), président des papeteries de Belgique, commissaire chez Philips, Jean Rey préside le Collège de l’Europe à Bruges, enseigne régulièrement à l’Institut d’Études européennes de l’Université libre de Bruxelles, préside le Mouvement libéral pour l’Europe unie, le Centre international de formation européenne (CIFE), ainsi que le Centre d’études libérales Paul Hymans, et le mouvement européen (1974-1978). En juin 1979, Jean Rey figure parmi les premiers députés européens élus au suffrage universel (1979-1980).

Sources

BALACE F., DE CLERCQ Willy, PLANCHAR Robert, Jean Rey, liégeois, européen, homme politique, Éditions de l’Université de Liège, Liège, 2002.
DELFORGE Paul, Encyclopédie du Mouvement wallon, t. III, Charleroi, 2001
STENGERS M-L., Le Libéralisme de Jean Rey, Éditions Du Centre, Bruxelles, 1985
Demain, Études et Expansion, Numéro spécial à la Mémoire de Jean Rey, 1983, n° 295
FRANSSEN Michel, Télé-mémoires du ministre Jean Rey, RTBF, 1975
FENAUX Robert, Jean Rey, Enfant et artisan de l’Europe, Éditions Labor, Bruxelles, 1972

Mandats politiques

Conseiller communal de Liège (1935-1958)
Député (1939-)
Ministre (1949-1950, 1954-1958)
Membre de la commission de la CEE (1958-1970)
Président de la Commission CEE (1967-1970)
Ministre d'État (1972)
Député européen (1979-1980)

Rey Jean

Commandeur (Historique)

LIÈGE 15.07.1902 – LIÈGE 19.05.1983

Fils d’un pasteur protestant français établi à Liège, Jean Rey est poussé par la Première Guerre mondiale à accomplir ses études en Angleterre. Revenu à Liège, il devient docteur en droit (1926), avocat et homme politique libéral. Secrétaire du groupe universitaire pour la Société des Nations en 1921, il milite notamment en faveur du désarmement et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Militant wallon, il contribue activement au mensuel l’Action wallonne, où il dénonce le rexisme, les dangers de l’Allemagne hitlérienne, ainsi que la politique de neutralité : La neutralité, dans l’Europe de 1938, c’est en réalité la résignation devant une éventuelle servitude, c’est l’acceptation de vivre en nations d’esclaves plutôt que de combattre en peuples d’hommes libres.  Distinguant les problèmes linguistiques et la décentralisation régionale, il considère le fédéralisme comme le seul moyen de maintenir la Belgique.

Prisonnier durant toute la guerre, tentant de s’évader à deux reprises, il constate à son retour de captivité que le fédéralisme a fait de grands progrès dans l’opinion wallonne. Plusieurs fois ministre, il dépose, en 1947, une proposition de loi sur l’organisation d’un Etat fédéral. Lors de la Question royale, il plaide contre le retour de Léopold III et pour son abdication nécessaire pour sauvegarder le pays. A cette occasion, il insiste sur les vrais problèmes qui touchent la Wallonie à ses yeux, à savoir le fait que Bruxelles accapare les capitaux, les banques et les industries. Durant les années 1950, il occupe le poste de Ministre des affaires économiques.

A partir de 1958, il se consacre pleinement à l’idée européenne. En 1967, il devient, ainsi, le premier président de la Commission européenne d’où il lance la politique régionale qui pourra bénéficier à la Wallonie notamment.

Son mandat européen prenant fin en 1970, il revient à la politique nationale où ses options fédéralistes pèsent sur le débat visant à réformer l’Etat. C’est ainsi que, continuant à dénoncer la fuite des cerveaux wallons vers Bruxelles et l’étranger, il plaide pour un conseil des ministres de la région wallonne au moment où seules les communautés revendiquées par la Flandre sortent des limbes.

Etant par la suite cantonné à un rôle de sage au sein du parti libéral, il prend de moins en moins position, à l’exception, en 1976, d’une Lettre au Roi qu’il signe avec Fernand Dehousse, Francis Delperée, Maurice Leroy, Joseph Hanse et Marcel Thiry, réclamant une révision de la Constitution devant déboucher sur un véritable état fédéral.

Considéré comme un des pères de l’Europe, il sort de sa retraite en 1979 et figure parmi les premiers députés européens élus au suffrage universel.

Jean Rey fut fait Commandeur du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.

Orientation bibliographique :

Paul DELFORGE, REY Jean, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 5425.
R. FENAUX, Jean Rey. Enfant et artisan de l’Europe, Bruxelles, 1972.