Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Louis-Joseph SEUTIN

Monument Seutin, 21 juin 1903.
Réalisé par Jean Hérain.

Situé à deux pas de la gare de Nivelles, sur une place arborée, un ensemble statuaire rend hommage au médecin nivellois Louis-Joseph Seutin. L’œuvre de Jean Hérain a été inaugurée en présence du prince Albert le 21 juin 1903. Elle correspond à un courant d’une certaine importance au tournant des XIXe et XXe siècles qui vise à honorer une personnalité active dans le domaine médical. Avec Louis Seutin, cependant, ce n’est pas un simple médecin de campagne que l’on fige dans le bronze pour l’éternité mais à la fois un chirurgien de réputation internationale, une personnalité libérale, voire un « révolutionnaire » de 1830.

Né sous le régime autrichien restauré, ayant grandi sous le régime français, Louis Seutin (Nivelles 1793 – Bruxelles 1862) connaîtra encore le régime hollandais puis belge durant son existence qui l’a vu sortir d’un milieu de modestes agriculteurs pour devenir un chirurgien respecté. À l’École de médecine de Bruxelles (1810-1812), il multiplie les premiers prix avant d’exercer sur les champs de bataille de Dresde et de Leipzig (1813). Nommé par le gouvernement des Pays-Bas chirurgien(-aide)-major à l’hôpital militaire de Bruxelles (1814), il sera tour à tour sollicité pour secourir les grands blessés de la bataille de Waterloo de 1815, puis les combattants des journées de Septembre 1830, ainsi que les soldats au siège d’Anvers en 1831. Après avoir défendu une première thèse à l’Université de Leyde (sur la péripneumonie) en 1816, il est reçu à l’Université de Liège docteur en chirurgie et en accouchements (1820). Co-fondateur puis président de la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles (1822), chirurgien en chef de l’hôpital Saint-Pierre (1823), professeur à l’École de médecine (1824), il inaugure de nouveaux cours et forme de nombreux étudiants à une médecine opératoire moderne. Reconnues sous le régime hollandais, ses qualités le sont aussi, très vite, par le régime belge. Chargé d’organiser le service des ambulances de la jeune « armée » belge, médecin en chef (1831-1836), le médecin du roi devient, en 1854, inspecteur général honoraire du service de santé. Membre l’Académie de médecine (1841), professeur à l’Université libre de Bruxelles (1834), le chirurgien devient un véritable chef de file tant par la qualité de son enseignement que par celle de sa pratique. On retient surtout qu’il a été le premier à procéder à la réduction des fractures par l’utilisation de bandages amidonnés. En 1848, ce chirurgien de réputation internationale est encore le premier à utiliser du chloroforme dans la pratique d’anesthésie. Ses interventions pour améliorer l’hygiène et la salubrité publiques sont aussi décisives et le conduisent à s’occuper davantage encore de la « chose publique ».

En plus de ses activités dans le domaine de la médecine, Louis Seutin accepte de devenir sénateur, en tant que représentant de l’arrondissement de Bruxelles. De manière régulière, le « Nivellois » siège et intervient à la Haute Assemblée (1853-1862), pour défendre le programme du parti libéral. Dans son testament, outre des donations importantes aux hôpitaux de Bruxelles et de Nivelles, ainsi que des actions en faveur des Nivellois (notamment pour la restauration de la fontaine gothique de la Grand’Place), Louis Seutin a légué son cœur à sa ville natale. Dans un premier temps, ce « don » est déposé et conservé dans une urne de bronze dans la chapelle des Hospices dont Seutin était le médecin en chef honoraire. Face à tant de générosité, le maïeur libéral de Nivelles, Albert Paradis, se sentit obligé de lancer un projet de monument, mais la souscription publique ne rencontra pas le succès espéré. Force est de constater que Nivelles manqua l’occasion du centième anniversaire de la naissance de son illustre citoyen et qu’il fallut attendre le tout début du XXe siècle pour qu’un nouveau projet soit lancé. L’urne et le cœur seront placés à l’intérieur d’un monument. Sa réalisation donne lieu à un concours et c’est Jean Hérain qui le remporte (1901).

Monument au premier soldat français tombé en Belgique en 1914 – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Formé à bonne école – notamment auprès de Louis de Taeye à l’Académie de Louvain, sa ville natale, et du Liégeois Eugène Simonis à l’Académie de Bruxelles dans les années 1870, ainsi qu’à l’École des Beaux-Arts de Paris –, Jean Hérain (Louvain 1853 – Ixelles 1924) s’oriente très tôt dans la réalisation de portrait en buste et en médaillon. Fréquentant principalement les Salons organisés en Flandre, où il est fort apprécié mais peu acheté, c’est en Wallonie qu’il inaugure son premier buste dans l’espace public (buste Navez à Charleroi, 1889). Après avoir brièvement tenté sa chance en Amérique, il obtient plusieurs commandes officielles à Bruxelles et pour les chemins de fer. Candidat malheureux pour le Vieuxtemps de Verviers, il décroche plusieurs contrats au début du XXe siècle : le monument Seutin à Nivelles précède des décorations à Bruxelles, les Combattants de 1830 à Grez-Doiceau, et le fameux Sigebert de Gembloux. En observant les œuvres d’inspiration réalisées par Jean Hérain, Hugo Lettens regrettera que l’artiste n’ait pas davantage travaillé dans cette direction. « Il a réalisé quelques magnifiques sculptures » tandis que « ses bustes et monuments (sont) assez conventionnels ». Celui qu’il réalise à Nivelles ne manque cependant pas d’originalité : le buste en bronze au sommet de la stèle ne se limite pas en effet aux épaules ; le sculpteur laisse déborder un long manteau, sur le devant et l’arrière de la stèle, que Seutin porte négligemment sur l’épaule droite ; le sculpteur peut ainsi travailler le tissu et lui donner quelques formes. Par ailleurs, au pied de la colonne de pierre bleue, il a représenté une femme tenant un grand livre sur ses genoux, une coupe d’eau dans sa main droite, et une pièce de tissu au bout de son bras gauche relevé. Ici aussi, l’artiste joue avec les plis des différents vêtements pour figurer « la science émergeant de la nuit ». Comme le buste, l’allégorie est en bronze. Entre le buste et l’allégorie, ont été gravés dans la pierre la dédicace suivante :

AU
BARON SEUTIN
CHIRURGIEN
SA
VILLE NATALE

À l’arrière, apparaissent les dates 1793-1862, tandis que les armoiries de la ville de Nivelles sont incrustées sur le flanc droit de la stèle.

 

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Hugo LETTENS, Hérain, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 448-449
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 699
Georges LECOCQ, Pierre HUART, Dis, dessine-moi un monument… Nivelles. Petite histoire d’une entité au passé bien présent, Nivelles, Rif tout dju, mars 1995, p. 17-18
Joseph TORDOIR, Des libéraux de pierre et de bronze. 60 monuments érigés à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, Centre Jean Gol, 2014, p. 163-165
Victor JACQUES, Seutin dans Biographie nationale, t. 22, col. 324-339
Jean-Luc DE PAEPE, Christiane RAINDORF-GÉRARD (dir.), Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, 1996, p. 506-507
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 699
http://www.sculpturepublique.be/1400/Herain-BaronSeutin.htm 
http://www.flickr.com/photos/saigneurdeguerre/4943015536/ 

Square Baron Seutin
Angle de la rue de Namur et de l’avenue de Burlet
1400 Nivelles

carte

Paul Delforge