Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Banc Léon Souguenet

Banc Léon Souguenet, éalisé à l’initiative des autorités communales d’Esneux, 31 juillet 1938.

En 1932, Léon Souguenet avait déjà été honoré par un mémorial dans les bois de la commune d’Esneux à l’initiative de l’Association pour la Défense de l’Ourthe. Six ans plus tard, une autre initiative est prise, toujours à Esneux et en hommage à Léon Souguenet récemment décédé (12 mars 1938), lorsqu’est inauguré, le 31 juillet 1938, un banc semi-circulaire, en pierre, installé face au kiosque le long de l’avenue Montefiore. Dans le même temps est planté un hêtre pourpre, non seulement parce qu’il s’agit du titre de l’un de ses livres (essai publié en 1912), mais surtout parce que, toute sa vie, Souguenet s’est attaché à la défense de la nature. Fondue et offerte par Léon Grenier au nom de la société Cockerill dont il est le directeur, une plaque est apposée pour rappeler la plantation de l’arbre, et le nom de Léon Souguenet est gravé sur le dossier du banc, du côté de l’arbre. Par la suite, une haie d’ifs viendra renforcer l’effet semi-circulaire de l’espace, créant une séparation avec le monument Montefiore-Levy limitrophe.

Co-fondateur de l’hebdomadaire politique Pourquoi Pas ? en 1910, avec George Garnir et Louis Dumont-Wilden, Léon Souguenet (1871-1938) a acquis une notoriété certaine par ses talents d’écriture qu’il exerce dans la presse quotidienne, ainsi que par la publication de livres. De nationalité française, établi à Liège, Souguenet dirige Le Journal de Liège à l’entame du XXe siècle. Il fréquente volontiers les milieux artistiques et littéraires dont un petit groupe qui prend volontiers ses quartiers d’été du côté de Tilff-Esneux, dans le hameau de Ham. Les forêts et les bords de l’Ourthe ravissent les artistes, qu’ils soient peintres, musiciens ou écrivains. Saisissant l’occasion de la présence de toutes ces personnalités déjà bien connues, la « Ligue des Amis des Arbres », association nouvellement fondée à Bruxelles, choisit Esneux pour organiser la première « Fête des Arbres » en Belgique, le 21 mai 1905. Mêlant sa passion pour la nature et sa volonté de la défendre, Souguenet se fait un ardent propagandiste de l’initiative qui voulait se répandre, régulièrement, dans tout le pays. Dès 1906, Souguenet avait poursuivi sa carrière de journaliste à La Province et s’était installé dans le Hainaut, entreprenant d’emblée une campagne pour sauver le bois de Colfontaine.

Conçu par Michel Walthère, avec l’aide de Gabriel Van Wylic, le « banc Souguenet » est inauguré en juillet 1938 à quelques semaines du scrutin communal. Ce second hommage organisé à Esneux en l’honneur de Souguenet ne fait pas l’unanimité. Président de l’Association pour la Défense de l’Ourthe et grand ami de Souguenet, Louis Gavage manifeste son mécontentement. Depuis le classement partiel de Beaumont (printemps 1936), Gavage est en froid avec le bourgmestre d’Esneux, François Nandrin ; il juge l’initiative communale d’autant plus inopportune que plusieurs décisions récentes du maïeur (autorisation d’installations industrielles et de lotissements dans des zones pittoresques, non-respect de prescrit urbanistique…) vont à l’encontre de l’esprit des défenseurs de la nature. C’est par conséquent sans l’appui de l’Association présidée par Louis Gavage que les autorités locales inaugurent le banc, avec le soutien du gouverneur de la province, ainsi que le patronage du Pourquoi Pas ? et du journal La Meuse.

Lors de la Libération du pays wallon, en septembre 1944, un char américain accomplit, par mégarde, une manœuvre qui renverse le banc semi-circulaire où est incrusté le nom de Léon Souguenet. À l’initiative de Robert Dalem, la commune d’Esneux procédera à la restauration du monument dédié à l’un des pionniers de la sauvegarde de la forêt, des sites naturels et, plus globalement, de l’environnement : l’inauguration de la restauration se déroule le 19 septembre 2002, le jour où est lancé le réseau TARPAN (Tourisme, Accueil, Randonnée, Patrimoine, Agriculture, Nature). Dès lors, la présence de « bulles à verres » à proximité du banc n’aurait pas dérangé Souguenet, même si leur esthétique peut paraître contestable à cet endroit.

 

Sources

A. PRICK-SCHAUS, N. MALMENDIER et M. DE SELLIERS, « Arts et Nature – temps et espace – Esneux », 2005
http://www.esneux.be/site/loisirs_et_dec/histoire/index.php?ref_annu=1217&ref_annu_page=945 (s.v. décembre 2013)
La Vie wallonne, juin 1936, CXC, p. 316-319
Benjamin STASSEN, La Fête des Arbres - 100 ans de protection des arbres et des paysages à Esneux et en Wallonie (1905-2005), Liège, éd. Antoine DEGIVE, 2005, p. 117-118, 182
Louis GAVAGE, Une manifestation où nous ne pouvons être, dans Bulletin de l’Association pour la Défense de l’Ourthe, n°104, avril 1938, p. 101-102

 

Banc Léon Souguenet – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Avenue Montefiore
4130 Esneux

carte

Paul Delforge

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Mémorial Léon SOUGUENET

Mémorial Léon Souguenet, réalisé par Godefroid Devreese, 28 août 1932.

Dans les bois de la commune d’Esneux, un sentier balisé porte le nom de « Promenade Léon Souguenet, Fondateur de la Fête des Arbres » et il emmène jusqu’à un mémorial situé sur le site de Beaumont. Au pied d’un tilleul argenté apparaît une pierre brute, où sont insérés un médaillon d’une part, une plaque en bronze, d’autre part. Ce mémorial est le premier dédié à Léon Souguenet ; il a été inauguré de son vivant à l’initiative de l’Association pour la Défense de l’Ourthe, en particulier de son président Louis Gavage. Lors de l’inauguration, en août 1932, ce dernier a rappelé le rôle joué par une série de pionniers écologistes – pourrait-on écrire – qui se sont mobilisés pour sauvegarder la forêt et les sites naturels non pour des raisons esthétiques, mais en raison de leur rôle physiologique et climatique. Parmi ces pionniers, on rencontre Jean d’Ardenne, Edmond Picard, René Stevens, Charles Bernard, Isi Collin, Olympe Gilbart, Auguste Donnay, Charles Delchevalerie et… Léon Souguenet.

Co-fondateur de l’hebdomadaire politique Pourquoi Pas ? en 1910, avec George Garnir et Louis Dumont-Wilden, Léon Souguenet (1871-1938) a acquis une notoriété certaine par ses talents d’écriture qu’il exerce dans la presse quotidienne, ainsi que par la publication de livres. De nationalité française, établi à Liège, Souguenet dirige Le Journal de Liège à l’entame du XXe siècle. Il fréquente volontiers les milieux artistiques et littéraires dont un petit groupe qui prend volontiers ses quartiers d’été du côté de Tilff-Esneux, dans le hameau de Ham. Les forêts et les bords de l’Ourthe ravissent les artistes, qu’ils soient peintres, musiciens ou écrivains. Saisissant l’occasion de la présence de toutes ces personnalités déjà bien connues, la « Ligue des Amis des Arbres », association nouvellement fondée à Bruxelles, choisit Esneux pour organiser la première « Fête des Arbres » en Belgique, le 21 mai 1905. Mêlant sa passion pour la nature et sa volonté de la défendre, Souguenet se fait un ardent propagandiste de l’initiative qui voulait se répandre, régulièrement, dans tout le pays. En 1906, une plaque commémorative de l’événement était inaugurée à Esneux, où figurait un long poème en wallon écrit par Oscar Colson en faveur de la préservation des arbres et des sites naturels.

Le Mémorial Souguenet du Bois de Beaumont est signé par le sculpteur Godefroid Devreese (1861-1941), fils du sculpteur Constant Devreese. Formé à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles auprès d’Eugène Simonis, puis de Charles Van der Stappen, ce Courtraisien s’est rapidement fait remarquer, obtenant le 2e Prix de Rome 1885. Installé à Bruxelles depuis 1881, où il fait toute sa carrière, cet ami et collaborateur de Victor Horta puise son inspiration dans l’antiquité, réalise des bustes tant d’intérieur que d’extérieur, avant de se spécialiser aussi comme médailleur à la fin du XIXe siècle, tout en continuant à recevoir de nombreuses commandes publiques. Parmi ses principaux monuments figure celui des Éperons d’Or, inauguré à Courtrai en 1906. Au-delà de sa réputation, Devreese est choisi à Esneux parce qu’il est aussi un défenseur de la nature ; grand admirateur de l’engagement de Souguenet en faveur de la préservation des sites, Devreese est membre de l’Association de la Défense de l’Ourthe, depuis sa création, en 1924, à Esneux par Louis Gavage. Le Mémorial Léon Souguenet n’occupe pas une place artistique particulière dans l’œuvre du sculpteur, mais il s’agit d’un geste d’amitié puisqu’il accepte de réaliser grâcieusement le médaillon en bronze représentant le profil gauche de Souguenet, et ce en moins d’un mois. Sous le médaillon se trouve une plaque commémorative.

Mémorial Léon Souguenet

Fidèle à la tradition des plaques offertes avant-guerre par la société Cockerill, la plaque en bronze portant l’inscription :


« Cet arbre a été planté 
en l’honneur de Léon Souguenet,
défenseur de Beaumont
L’Association pour la défense de l’Ourthe
28 août 1932 ».


a été offerte par les frères Greiner, responsables au sein de la société qui a aussi coulé le médaillon dans le bronze. Quant aux pierres livrées brutes, elles ont été travaillées par le « père Honhon », maître tailleur de pierres à Esneux. Il a utilisé une pierre calcaire, la laissant assez brute, en forme de petit menhir, qu’il a orné du grand médaillon en bronze.

C’est un Souguenet d’âge mûr qui est représenté. Le monument est installé devant un jeune tilleul argenté planté pour l’occasion. Le dimanche 28 août 1932, les discours prononcés devant une foule très nombreuse sont autant d’appels à la mobilisation en faveur de la préservation de la nature, le rôle de Souguenet dans l’élaboration des lois de 1911 et 1931 étant souligné.

Quant au site de Beaumont où est implanté le monument, il s’agit d’un haut plateau encerclé par l’Ourthe offrant un panorama exceptionnel. L’endroit soigneusement choisi appartient à la commune d’Esneux car l’autre partie du site est propriété de la Commission d’Assistance publique de Liège qui veut y implanter un lotissement ; contre ce projet immobilier, l’ADO de Louis Gavage se mobilise depuis 1924. Une petite partie du site (5 ha sur 17) fera l’objet d’un classement en 1936, après une dizaine d’années de campagne de sauvegarde menée par Louis Gavage et ses amis. Il faut encore attendre 1944 e

t la fin d’un long procès, pour que le litige entre la Commission d’Aide publique de la ville de Liège, propriétaire de Beaumont, et l’État soit tranché en faveur du second ; les menaces de lotissement sont alors écartées et le site devient un sanctuaire dédié à la seule nature. Pendant quelques années encore, plusieurs classements partiels conduiront à protéger l’essentiel de la Boucle de l’Ourthe qui, en 1993, obtient le statut de « patrimoine exceptionnel de Wallonie ».

Le médaillon actuel n’est pas l’original ; en effet, durant l’hiver 1978-1979, le médaillon en bronze de Devreese est volé par un quidam qui est appréhendé ; il a cependant eu le temps de fondre l’œuvre. Une copie sur base d’un modèle réduit est réalisée par Pauline Claude ; le « nouveau » bronze est coulé en Italie et l’inauguration du monument restauré a lieu en 1981.

Sources

Denise CLUYTENS-DONS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 364-366
A. PRICK-SCHAUS, N. MALMENDIER et M. DE SELLIERS, « Arts et Nature – temps et espace – Esneux », 2005
http://www.esneux.be/site/loisirs_et_dec/histoire/index.php?ref_annu=1217&ref_annu_page=945 (s.v. décembre 2013)
La Vie wallonne, juin 1936, CXC, p. 316-319
Benjamin STASSEN, La Fête des Arbres - 100 ans de protection des arbres et des paysages à Esneux et en Wallonie (1905-2005), Liège, éd. Antoine DEGIVE, 2005, p. 95-99, 173, 178
Bulletin de l’Association pour la Défense de l’Ourthe, numéro spécial, n°49, juillet-août-septembre 1932, p. 129-207
 

Bois de Beaumont
4130 Esneux

carte

Paul Delforge