IPW

Ancienne imprimerie Vaillant-Carmanne

Situé entre deux habitations et magasins également du xixe siècle repris dans le nouvel inventaire Patrimoine architectural et territoires de Wallonie (volume Liège, 2004, p. 302), cet édifice a vu, lui, son rez-de-chaussée profondément remanié au XXe siècle.
 

L’imprimerie H. Vaillant-Carmanne, fondée en 1838, poursuivit ses activités jusqu’à la fin du xxe siècle. Avant de s’installer place Saint-Michel, au pied de la rue Haute- Sauvenière, elle avait ses locaux dans le « Carré », au numéro 8 de la rue Saint-Adalbert et cette adresse fut aussi celle de la revue symboliste La Wallonie, imprimée par Vaillant-Carmanne, que fonda et dirigea de 1886 à 1892 le jeune poète liégeois Albert Mockel (1866-1945). « Événement rare : un poète de vingt ans invente le nom de son pays », écrira plus tard une autre grande figure du Mouvement wallon, Marcel Thiry.

C’est grâce à Albert Mockel et au titre de sa revue que le nom Wallonie devint d’usage courant. Dès cette année-là, par exemple, pour évoquer les terribles émeutes prolétariennes qui avaient secoué en mars 1886 le sillon industriel wallon en faisant plusieurs dizaines de morts, le leader socialiste César De Paepe écrivait que le mouvement s’était propagé à travers « toute la Wallonie, depuis la frontière prussienne jusqu’à Tournai ».

Si l’imprimerie Vaillant-Carmanne a fermé ses portes à la fin du XXe siècle, le nom et l’idée qu’elle a contribué à populariser sont plus que jamais vivants.

rue Saint-Adalbert 8
4000 Liège

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Freddy Joris & Frédéric Marchesani, avril 2009

Qu’elle soit écrite en langues régionales ou en français, intimiste ou universelle, la création littéraire wallonne est abondante. Du Romantisme aux créations contemporaines, découvrez les genres et les auteurs de Wallonie au travers d’une synthèse et de nombreux textes offrant une première anthologie.

Le tour du monde en guerre des autos-canons belges (1915-1918)

Avec trois cents volontaires de guerre, dix autos blindées (soit six autos-canons et quatre autos mitrailleuses) contournent le champ de bataille de l’Europe de l’ouest pour rejoindre les troupes russes. Pour ces forces occidentales, il s’agit de venir en aide au grand-quartier impérial des armées russes et de participer à une guerre de mouvement. Au sein de ce corps expéditionnaire belge, Marcel Thiry et son frère Oscar partagent l’autocanon 14, surnommée Chochotte, avec notamment le futur mandataire communiste Julien Lahaut et le lutteur Constant-le-Marin, quatre fois champion du monde.
Ayant quitté Brest à destination d’Arkangel, le corps des autos-canons combat pour la première fois en 1916 en Galicie. Le succès est au rendez-vous. Fin septembre, le général russe Broussilof arrête cependant l’offensive. Malgré la désertion des soldats russes, Kerensky qui vient devenir le nouveau ministre de la guerre dans le 2e Cabinet du prince Lvov (mai 1917), lance une offensive contre les Allemands le 16 juin. La révolution bolchévique d’octobre met un terme à la guerre sur le front oriental. Alors que la paix de Brest Litovsk est en pour-parler, « le Corps se trouvait aventuré en position douteuse ainsi perdu au fond d’un immense État en révolution dont on ne voyait plus très bien comment on pourrait sortir ». En novembre, l’ordre est donné de rentrer en France mais les troupes sont bloquées à Kiev jusqu’à l’arrivée de l’armée rouge, fin janvier 1918. Il n’est cependant pas question de regagner le pays par l’ouest. Après bien des périples, les volontaires belges arrivent à Omsk et signent l’engagement individuel de ne pas combattre les bolcheviks, moyennant quoi ils ont la promesse d’atteindre la frontière orientale de l’ancienne Russie sans obstacle. Après 62 jours 10.000 kilomètres en wagons, Vladivostok est atteint où un paquebot américain les attend. Après dix-huit jours de traversée du Pacifique, le corps expéditionnaire belge est accueilli en grande pompe dans toutes les villes des États-Unis, engagés dans le conflit depuis avril 1917. Rien n’est trop beau pour fêter les premiers soldats qui reviennent du combat. De New York, sur le transatlantique La Lorraine, ils arrivent à Bordeaux où l’unité blindée est dissoute. La rentrée au pays se réalise au moment où les forces alliées prennent l’ascendant sur le Reich.

Références
Frat-C ; ThiM ; ThiO&M ; WPH04-400


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Thiry Marcel

Culture, Littérature, Militantisme wallon

Charleroi 13/03/1897, Vaux-sous-Chèvremont 05/09/1977

Poète de la modernité, soldat volontaire sur le front russe, avocat dilettante, marchand de bois, Wallon antifasciste, secrétaire perpétuel de l’Académie, sénateur, délégué du gouvernement à l’ONU, ardent défenseur de la langue française et des droits de l’homme, Marcel Thiry est tout cela à la fois et bien davantage encore.

Maniant les mots avec une excellence exquise, Marcel Thiry en joue toute son existence pour dépeindre sa perception du siècle et influencer le cours du temps. Curieux de tout, l’écrivain se passionne pour son époque et ses transformations, qu’elles soient scientifiques, sociales, politiques ou sémantiques (Jean Tordeur). Plongé dans la Grande Guerre alors qu’il n’a pas fini ses humanités, il est volontaire de guerre et fait le tour du monde avec le corps des autocanons belges. La paix revenue, il étudie le Droit à l’Université de Liège et est promis à une carrière d’avocat (1923) quand la mort de son père change sa destinée : Marcel Thiry reprend le commerce familial, et devient marchand de bois et de charbon (1928). Tandis que le forestier importe des arbres, l’homme de plume continue néanmoins à noircir des feuilles blanches.

Ces vers de forme classique s’imposent dès 1924 : Toi qui pâlis au nom de Vancouver est un vrai succès ; les récits fantastiques sont quant à eux traversés par la hantise de la fuite du temps, la remémoration passionnée d’un bonheur révolu, la nostalgie de l’ailleurs, la fascination pour les sciences, le refus de la tyrannie des causes... La plume coupe autant que la hache lorsqu’il est question de défendre des causes politiques : dans L’Action wallonne, journal dirigé par Georges Thone – son ami de toujours –, Marcel Thiry dénonce très tôt les arrière-pensées de l’Allemagne hitlérienne et du nazisme, s’attaque au rexisme, à la politique belge de neutralité et prône une alliance avec la France. Auteur du pamphlet Hitler n’est pas ‘jeune’ (1940), il est condamné à passer la durée de la Seconde Guerre mondiale dans la clandestinité, où il tente de préparer un autre monde pour les jours de la Libération, notamment au sein du Congrès national wallon. La Question royale finit de le convaincre de la nécessité d’une solution fédéraliste en Belgique : sa Lettre aux jeunes Wallons (1960) précède de quelques semaines les événements de la Grande Grève wallonne de l’hiver ’60-’61, où l’on retrouve le chétif poète à la tribune, haranguant les métallurgistes, pour « sauver l’existence de la Wallonie comme peuple français ».

Élu en 1939 à l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises, il n’est reçu que sept ans plus tard, en 1946, avant de devenir le secrétaire perpétuel de l’Académie Destrée (1960-1972). Sa production littéraire ne faiblit pas, mais l’action wallonne le taraude. Co-fondateur du Rassemblement wallon, il est élu au Sénat (1968-1974). À la tribune de la Haute Assemblée comme dans les colonnes du Soir depuis la fin des années 1940, mais surtout entre 1960 et 1974, ou sur le terrain, dans les Fourons par exemple dans les années 1960, celui qui avait soutenu André Renard dans son combat fédéraliste au sein du Mouvement populaire wallon se fait le héraut de la langue française et de la défense des minorités. Vice-Président du Conseil culturel de la Communauté française (1972), délégué par le gouvernement à l’ONU, député européen (1972-1977), présent aux Conférences de Niamey, de Genève et de Liège, le militant wallon se fait orateur, et développe finement un plaidoyer construit à la manière d’un avocat, ciselé par l’écrivain et solide comme un chêne millénaire. Signataire de la pétition La Wallonie en Alerte en 1949, rédacteur et signataire, avec Joseph Hanse, Fernand Dehousse et Jean Rey notamment, de la Lettre au roi pour un vrai fédéralisme (1976), Marcel Thiry a toujours prôné une forte solidarité entre la Wallonie et Bruxelles.

De ses expériences de vie, Marcel Thiry a tiré matière pour ses poèmes, récits, nouvelles et fictions. Plongé entièrement dans son siècle, il en a été à la fois le témoin et l’acteur. Son talent lui a permis de décrire son époque de manière particulièrement originale à travers ses poèmes (Plongeantes Proues, La Mer de la Tranquillité, Statue de la Fatigue, Usine à penser des choses tristes…) ; il lui  a aussi offert le droit de revisiter le passé (Échec au temps), de s’adonner à l’humour (L’Homme sans lunettes), de se révéler conteur (Nouvelles du Grand possible). Comme dans ses engagements, la révolte est présente dans son œuvre : à la fois contre la mort (Nondum Jam Non, ou Distances), contre l'injustice des choix imposés à l'homme (Simul et autres cas), ou contre les tyrannies médiocres du commerce (Marchands). Sans prétendre à une analyse exhaustive, il convient d’observer que Marcel Thiry réserve encore une place importante à la nostalgie et à la science (Voie lactée, ou Concerto pour Anne Queur).

Père de la virologue Lise Thiry, Marcel Thiry a appliqué tout au long de sa vie le message qu’il adressait en 1960 aux jeunes Wallons : « En politique, il n’y a jamais de fait accompli contre lequel on ne puisse réagir. Ce qui compte, ce n’est pas le fait passé, c’est la réalité et c’est le possible ».

Sources

AJZENBERG-KARNY M. et ROCHETTE-RUSSE L., Marcel Thiry-Lettres aux jeunes Wallons, coll. Écrits politiques wallons, n° 3, Mont-sur-Marchienne, Institut Jules Destrée, 1990
AJZENBERG-KARNY M. et ROCHETTE-RUSSE L., Encyclopédie du Mouvement wallon, t. III, Charleroi, 2001 
Marcel Thiry prosateur, dans Texstyles, revue des lettres belges de langue française, Bruxelles, Texstyles-éditions, 1990
HALLIN-BERTIN Dominique, Nouvelle Biographie nationale, t. II, p. 345-351

Mandats politiques

Sénateur (1968-1974)
Député européen (1972-1977)

Œuvres principales

Poésie

Toi qui pâlis au nom de Vancouver, 1924
Plongeantes Proues, 1925
L'Enfant prodigue, 1927
Statue de la Fatigue, Prix triennal de la poésie 1934
Marchands, 1936
La Mer de la Tranquillité, 1938
Âges, 1950
Usine à penser des choses tristes, 1957
Vie-Poésie, 1961
Le Festin d'attente, 1963
Le Jardin fixe, 1969
Saison cinq et quatre proses, 1969
L'Ego des neiges, 1972
Songes et spélonques, 1973
L'Encore, 1975
Romans et nouvelles
Échec au temps, 1945
Juste ou la Quête d'Hélène, 1953
Comme si, 1959
Nouvelles du Grand Possible, 1960
Simul et autres cas, 1963
Nondum jam non, 1966

Essais

Voir grand, 1921, essai politique
Hitler n'est pas jeune, 1940, pamphlet
Lettre aux jeunes Wallons, 1960, essai politique
Le Poème et la langue, 1967, essai littéraire

Rey Jean

Militantisme wallon, Politique

Liège 15/07/1902, Liège 19/05/1983

Construction européenne et émergence d’une Wallonie autonome caractérisent principalement l’engagement politique de Jean Rey, l’un des pères du libéralisme wallon au XXe siècle.

Docteur en droit de l’Université de Liège (1926), stagiaire chez Me Charles Magnette, avocat à la Cour d’Appel de Liège (1926-1958), Jean Rey est progressivement attiré par la politique. Élu conseiller communal de Liège (1935-1958), ce libéral a rejoint les rangs du comité du journal L’Action wallonne où, avec Fernand Dehousse et Georges Truffaut, il dénonce à la fois le rexisme, la politique de neutralité du gouvernement belge, les dangers de l’Allemagne hitlérienne… Via l’Entente libérale wallonne dont il est l’un des initiateurs, il témoigne de son choix pour le fédéralisme dès la fin des années 1930.

Élu dans l’arrondissement de Liège, Jean Rey fait son entrée à la Chambre en 1939. Son maiden speech est consacré à la dénonciation de la neutralité : « (…) dans l’Europe de 1938, (la neutralité) c’est en réalité la résignation devant une éventuelle servitude, c’est l’acceptation de la défaite de nos idéaux, c’est l’acceptation de vivre en nations d’esclaves plutôt que de combattre en peuples d’hommes libres ». En uniforme de lieutenant de réserve sur son banc de parlementaire le 10 mai 1940, Jean Rey participe à la Campagne des Dix-Huit Jours. Il est fait prisonnier de guerre et emmené à l’oflag d’Eichstätt. Ses protestations répétées contre la propagande allemande et son rejet ferme de toutes  propositions d’accommodement le condamnent à un transfert vers les camps spéciaux de Colditz, puis de Lübeck. En dépit de ses tentatives d’évasion qui lui valent des jours de cachot, il ne rentre à Liège qu’en 1945, plus décidé que jamais à défendre la thèse fédéraliste. Il s’y emploie tant au Congrès national wallon d’octobre 1945 qu’à la tribune de la Chambre. En 1947, il est l’un des cosignataires de la proposition de loi visant à la transformation de la Belgique en une Confédération formée de deux États (Flandre et Wallonie) et d'une région fédérale (Bruxelles composé de dix-neuf communes).

Lors du dénouement de la Question royale, Jean Rey qui est en charge de la Reconstruction (11 août 1949-30 avril 1950) fait partie du gouvernement qui décide de l’organisation d’une consultation populaire. À titre personnel, il considère que le rétablissement de Léopold III doit recueillir une majorité dans chacune des régions du pays. En tant que représentant de l’opinion wallonne, il suggère à plusieurs reprises des formules de conciliation qui ne sont pas entendues. Sa volonté de régler la question wallonne en même temps que la Question royale n’est pas davantage rencontrée.

Dans l’opposition entre 1950 et 1954, Jean Rey contribue à l’approfondissement du contenu du fédéralisme wallon, mais quand il redevient ministre en charge des Affaires économiques dans la coalition laïque (1954-1958), la Question scolaire mobilise l’essentiel de son temps ; les mesures qu’il fait adopter pour promouvoir une politique économique régionale active ne sont pas suffisantes pour rencontrer les revendications wallonnes. Par contre, sa contribution est décisive dans l’élaboration du traité d’Union économique européenne et des traités créant la CEE et Euratom. Président du Conseil spécial des ministres de la CECA (1954-1956), Jean Rey écourte son expérience ministérielle (janvier 1958) pour faire son entrée à la Commission de la Communauté économique européenne.
Membre de la Commission des Communautés européennes (1958-1967), Jean Rey marque profondément la CEE naissante par son action décidée et constructive, notamment lors des négociations du Kennedy Round. Au moment de la fusion des exécutifs européens (CECA et CEE), Jean Rey est désigné à la présidence de la Commission européenne (1967-1970) : il lui revient encore le mérite d’avoir contribué au lancement de la politique régionale communautaire.

Au terme de ce long mandat européen (1970), Jean Rey revient vers la Wallonie et la politique belge au moment où la discussion sur la réforme de l’État est la plus vive. Son approche fédéraliste est renforcée : « la Wallonie est devenue une région d’Europe et elle a besoin d’une personnalité politique et de personnalités politiques. Quand il y aura un conseil des ministres de la région wallonne, un grand pas sera fait » (Le Soir, 14-15 février 1971). Lors de la formation du PRLw (1977), Jean Rey accepte d’être l’un des pères-fondateurs de la formation libérale wallonne. En juin 1976, il s’était déjà joint à Joseph Hanse et Marcel Thiry notamment pour rédiger et signer une Lettre au roi pour un vrai fédéralisme. En décembre, il lance seul un Appel aux Wallons en faveur de la reconnaissance effective des régions.

Président de la Société financière de transports et d’entreprises industrielles (SOFINA), président des papeteries de Belgique, commissaire chez Philips, Jean Rey préside le Collège de l’Europe à Bruges, enseigne régulièrement à l’Institut d’Études européennes de l’Université libre de Bruxelles, préside le Mouvement libéral pour l’Europe unie, le Centre international de formation européenne (CIFE), ainsi que le Centre d’études libérales Paul Hymans, et le mouvement européen (1974-1978). En juin 1979, Jean Rey figure parmi les premiers députés européens élus au suffrage universel (1979-1980).

Sources

BALACE F., DE CLERCQ Willy, PLANCHAR Robert, Jean Rey, liégeois, européen, homme politique, Éditions de l’Université de Liège, Liège, 2002.
DELFORGE Paul, Encyclopédie du Mouvement wallon, t. III, Charleroi, 2001
STENGERS M-L., Le Libéralisme de Jean Rey, Éditions Du Centre, Bruxelles, 1985
Demain, Études et Expansion, Numéro spécial à la Mémoire de Jean Rey, 1983, n° 295
FRANSSEN Michel, Télé-mémoires du ministre Jean Rey, RTBF, 1975
FENAUX Robert, Jean Rey, Enfant et artisan de l’Europe, Éditions Labor, Bruxelles, 1972

Mandats politiques

Conseiller communal de Liège (1935-1958)
Député (1939-)
Ministre (1949-1950, 1954-1958)
Membre de la commission de la CEE (1958-1970)
Président de la Commission CEE (1967-1970)
Ministre d'État (1972)
Député européen (1979-1980)

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Dehousse Fernand

Académique, Militantisme wallon, Politique

Liège 3/07/1906, Liège 10/08/1976


Sur le plan européen et international, Fernand Dehousse a joué un rôle prépondérant et marqué de sa forte pensée et de ses initiatives les grands débats de l’immédiat après-guerre ; rendu attentif à la question wallonne dans les années 1930, il ne cessera de soutenir le fédéralisme comme modèle destiné à améliorer la démocratie belge et à sauvegarder les intérêts wallons.
Docteur en Droit et licencié en Sciences sociales de l’Université de Liège (1929), Fernand Dehousse poursuit sa formation à Paris, Grenoble et Genève (1929-1931). Disciple et assistant du professeur Mahaim (1931-1935), il opte pour le domaine juridique et plus précisément le droit international. Chargé de cours (1935), il est nommé professeur ordinaire de l’Université de Liège en 1940. Démis de ses fonctions par les nazis, il retrouve sa charge après la guerre (1945) et est associé à l’Institut de droit international à partir de 1947.
Représentant de la Belgique à l’Assemblée générale de l’ONU (1946-1948, 1951-1952), participant aux travaux de la commission des Droits de l’Homme, Fernand Dehousse joue un rôle prépondérant à plusieurs niveaux et marque de sa forte pensée et de ses initiatives de grands débats européens et internationaux, ainsi que le fédéralisme en Belgique. Fernand Dehousse est membre du Conseil économique et social (1946-1947, 1950), et préside l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe de 1956 à 1959. Député de l’Assemblée européenne (ancêtre du Parlement européen) (1952-1965, 1966-1971), il se voit confier la présidence de la Commission européenne chargée d’accompagner le référendum en Sarre (1955-1956).
Membre des Étudiants libéraux lorsqu’il était à l’Université, défenseur d’un libéralisme social, il s’oriente vers le socialisme quand il contribue aux travaux du Rassemblement démocratique et socialiste wallon (1943), avant de contribuer à la (re)construction de la fédération liégeoise du PSB. Il y construit et y présente un nouveau projet d’instauration du fédéralisme en Belgique en tant que président de la Commission des Affaires wallonnes (1944). Coopté sénateur en 1950, il est régulièrement reconduit à la Haute Assemblée par son parti, jusqu’en 1968. De 1968 à 1971, c’est en tant que sénateur direct qu’il siège. Entre-temps, il exerça à trois reprises des fonctions ministérielles (1945, 1965-1966, 1971).
Militant wallon, membre de la Ligue d’Action wallonne et collaborateur du journal fédéraliste La Barricade puis de L’Action wallonne, il rédige avec Georges Truffaut un projet fédéraliste intitulé l’État fédéral en Belgique (1938). Ce texte est le premier à faire l’objet d’une proposition de loi, rejetée cependant en 1939 ; mais les principes fédéralistes qu’il contient seront les bases des projets wallons ultérieurs. Membre du Comité permanent du Congrès national wallon, il figure parmi les organisateurs du Congrès wallon qui se tient à Liège les 20 et 21 octobre 1945. Défenseur de l’option fédéraliste, il emporte la majorité des suffrages lors de la deuxième journée du fameux Congrès auquel il participe tout en étant ministre du Travail (octobre 1945). Rapporteur aux congrès des socialistes wallons (1947, 1961, 1962), il y défend aussi et encore le principe du fédéralisme. Avec François Perin, il rédige, au début des années 1960, un projet de Constitution fédérale, qui est adopté par le premier congrès du Mouvement populaire wallon (1961). Membre du comité liégeois d’Action wallonne (1962-1964), il participe au pétitionnement et s’oppose au passage des Fourons au Limbourg. La dernière mouture écrite de sa pensée fédéraliste wallonne et socialiste, il la signe, avec Raymond Costard, pour le Comité permanent d’Études et d’Action des Socialistes wallons (1962). En tant que sénateur socialiste, il participe activement aux travaux préparatoires à la révision de la Constitution de 1970, dont il adopte les dispositions, et il remplace Freddy Terwagne comme Ministre des Relations communautaires (1971). En juin 1976, il est encore parmi les rédacteurs et les 143 signataires de la Nouvelle Lettre au roi, destinée à dénoncer l’extrême lenteur mise dans l’application de l’article 107 quater de la Constitution ; il plaide ainsi en faveur d’un fédéralisme fondé sur trois Régions : Bruxelles, Flandre et Wallonie. Fils de Constant Dehousse, père de Jean-Maurice, il était marié à Rita Lejeune.



Philippe CARLIER, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, 2000, t. I, p. 420-423
Paul DELFORGE, Un siècle de projets fédéralistes pour la Wallonie. 1905-2005, Charleroi, Institut Jules-Destrée, 2005
Philippe CARLIER, dans Nouvelle Biographie nationale, t. III, p. 114-117
Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
Paul DELFORGE, Cent Wallons du Siècle, Liège, 1995
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Histoire, Economie, Société), Bruxelles, t. II, p. 283, 320, 330
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. IV, p. 263, 295, 478-479

sénateur coopté (1950-1968)
sénateur direct (1968-1971)
ministre (1945, 1965-1966, 1971)

Forgé au cours du XIXe siècle, le mot « Wallonie » fut rapidement popularisé tant au sein de la région qu’il désigne que chez ses voisins. Point de départ de l’affirmation de l’unité wallonne, cette dynamique a conduit, voici un siècle, à l’adoption d’un drapeau et d’une fête que le Parlement wallon a consacrés officiellement en 1998. De la revue littéraire d'Albert Mockel jusqu'à la régionalisation, cette leçon met en lumière les grands repères symboliques de l'identité wallonne au travers d'une synthèse et de documents.

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