Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Arthur WAROCQUE

Monument fontaine Arthur Warocqué, réalisé par Maurice Bisschops avec un buste dû à Thomas Vinçotte, 12 octobre 1884.

Les fondateurs de la dynastie des industriels Warocqué étaient Isidore (1771-1848) et son frère Nicolas (1773-1838). Sans reconstituer ici leur arbre généalogique, il importe de retenir ici qu’Abel (1805-1864), le fils aîné de Nicolas, eut deux fils, Léon (1831-1868) et Arthur (1835-1880), ce dernier étant lui-même le père de Raoul Warocqué, le dernier de cette dynastie d’industriels ayant fait fortune grâce à l'exploitation de charbonnages dans le Centre. À la mort de son frère Léon, Arthur est seul à la tête des affaires familiales. Administrateur délégué de la société du Charbonnage de Mariemont et du Charbonnage de Bascoup, il s’inscrit dans la lignée familiale par ses politiques résolument sociale et d’innovation, tout étendant ses activités dans le secteur de la banque et de la finance. Comme ses ancêtres, il est touché par le virus de la politique : député libéral de Thuin (1864-1880), il est désigné par le roi bourgmestre de Morlanwelz, quatre ans après la disparition de son père et quelques semaines après celle de son frère Léon. Il occupe la fonction de 1868 jusqu’à son décès, en 1880. Grand voyageur, cet homme fortuné menait une vie mondaine qui ne l’empêcha pas de s’avérer un maire attentif à réformer l’enseignement, tout en puisant dans ses propres deniers pour doter la commune des écoles nécessaires.

Peu de temps après son décès soudain (il avait 45 ans), ses administrés profitèrent de l’installation de la distribution d’eau dans la commune pour consacrer une fontaine assez imposante à leur ancien maïeur. Une souscription publique fut lancée conjointement par ses amis libéraux, les autorités locales et les employés de ses sociétés. La réalisation du monument fut confiée à l’architecte Maurice Bisschops, tandis que le buste était attribué à Thomas Vinçotte (1850-1925). L’architecte bruxellois, disciple de Horta, ne négligea aucune occasion de mettre en évidence ce représentant de la dynastie Warocqué. Au cœur de la cité, sur la place des Écoles (celles financées par Warocqué), aujourd’hui rebaptisée place Roosevelt, le monument-fontaine est composé de quatre bassins à sa base cylindrique et d’une imposante partie centrale rectangulaire tout en hauteur. Équilibrant l’ensemble par rapport au dénivelé de la place, deux-trois marches conduisent aux bassins ; ceux-ci étaient alimentés par des becs verseurs sortant de la bouche de lion (ils sont aujourd’hui hors service). Sur la partie supérieure, les quatre faces sont ornées : devant par le buste d’Arthur Warocqué, sur les trois contours par des évocations particulièrement explicites de sa carrière politique d'administrateur des sociétés charbonnières et de ses divers titres officiels.
Sur la face avant, apparaît l’inscription suivante :


ARTHUR
WAROCQUÉ


Viennent ensuite, successivement, à droite :


À LEUR REPRESENTANT
LES ÉLECTEURS LIBÉRAUX DE L’ARRONDISSEMENT DE THUIN
A LEUR BOURGMESTRE
LES HABITANTS DE LA COMMUNE DE MORLANWELZ


à gauche :

A LEUR ADMINISTRATEUR DELEGUE
LES ACTIONNAIRES ET LE PERSONNEL DES SOCIÉTÉS
CHARBONNIERES
DE MARIEMONT ET DE BASCOUP


à l’arrière : 

MEMBRE DE LA CHAMBRE DES REPRESENTANTS (1864)
BOURGMESTRE DE MORLANWELZ (1868)
ADMINISTRATEUR DELEGUE DES SOCIETES CHARBONNIERES
DE MARIEMENT ET DE BASCOUP (1868)
OFFICIER DE L’ORDRE DE LÉOPOLD
COMMANDEUR DE LA LÉGION D’HONNEUR
CHEVALIER DE L’ORDRE DE FRANÇOIS-JOSEPH D’AUTRICHE
NE A MARIEMONT LE 11 JANVIER 1835
MORT À BRUXELLES LE 8 AVRIL 1880

Monument fontaine Arthur Warocqué (Morlanwelz)



Du milieu des années 1870 jusqu’aux années 1909-1910, Maurice Bisschops est un architecte fortement sollicité à Bruxelles et dans les communes avoisinantes. Disciple de l’école Horta, il alterne commandes publiques et commandes privées et réalise aussi bien des monuments funéraires, des bâtiments publics, des fabriques que des maisons particulières. En 1892, Maurice Bisschops aura l’honneur de se voir confier la construction du nouvel hôtel de ville de Morlanwelz (inauguré en 1895).

C’est un Thomas Vinçotte encore jeune qui se chargea du buste en marbre blanc. Très tôt intéressé par la sculpture, il avait déjà eu la chance de fréquenter l’atelier d’Alexandre et Guillaume Geefs quand il avait été admis à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Élève brillant auprès de Joseph Jaquet et d’Eugène Simonis, second au Prix de Rome 1872, il était parti se perfectionner dans plusieurs ateliers parisiens et les bustes (l’un de P. Orts, l’autre de Giotto) qu’il présenta au Salon de Bruxelles en 1875 lui assurèrent une notoriété définitive. Après deux années en Italie (1877-1879), il répondait à de multiples commandes publiques et du Palais royal, tout en poursuivant une œuvre personnelle. En marbre ou en bronze, avec des bustes, des statues, des monuments ou des bas-reliefs, réaliste ou introduisant de la fantaisie, Vinçotte s’imposait alors comme une valeur sûre de son temps, se spécialisant, à partir des années 1880 dans la représentation des chevaux. Originaire de Borgerhout et décédé à Schaerbeek, il a été professeur de sculpture à l’Institut supérieur national des Beaux-Arts d’Anvers de 1886 à 1921.

 

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse 
Maurice VAN DEN EYNDE, Raoul Warocqué, seigneur de Mariemont (1870-1917), Mariemont, 1970
La Vie wallonne, IV, 1971, n°336, p. 410-413
Journal de la Marbrerie et de l’Art décoratif, n°119, 5 octobre 1908, supplément de la Revue générale de la Construction
Hervé HASQUIN, La Wallonie, Son histoire, Bruxelles, Luc Pire, 1999, p. 144
Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 2001
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 656-657
Joseph TORDOIR, Des libéraux de pierre et de bronze. 60 monuments érigés à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, Centre Jean Gol, 2014, p. 52-57
Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 434, 439
Hugo LETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 605-609
Anne VAN LOO (dir.), Dictionnaire de l’architecture en Belgique de 1830 à nos jours, Anvers, Fonds Mercator, 2003, p. 515-516
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 757

Place Roosevelt
7140 Morlanwelz

carte

Paul Delforge

Berceau de la Révolution industrielle sur le continent européen au XIXe siècle, la Wallonie s’est imposée comme la deuxième puissance économique mondiale, exportant son savoir-faire par-delà les frontières. (Re)découvrez à travers ces pages les grandes étapes de cet essor exceptionnel ainsi que les mutations auxquelles la Wallonie a dû faire face ensuite. Autant d’éléments indispensables pour comprendre la revendication fédéraliste régionale et la Wallonie d’aujourd’hui.

© Musée de Mariemont

Warocqué Abel

Socio-économique, Entreprise

Morlanwelz 07/11/1805, Mariemont 17/08/1864


Si son invention, la warocquière, n’a pas révolutionné le monde de l’exploitation minière, elle témoigne cependant qu’Abel Warocqué était davantage qu’un patron de houillère, profitant de l’aisance de son milieu familial : son oncle, Isidore, banquier et industriel, était considéré comme la 4e fortune de la place de Mons à la fin du régime français, et son père, Nicolas, frère d’Isidore, venait de créer la Société minière de Mariemont quand Abel vit le jour. Mais Isidore fera faillite et Nicolas devra investir pour développer ses activités.

Fils aîné de Nicolas (1773-1838), Abel est appelé à lui succéder dans les diverses industries et participations familiales. Dès 1827, il devient administrateur-adjoint de la Société de Mariemont, puis administrateur de la Société de Bascoup quand ce charbonnage tombe dans l’escarcelle des Warocqué. Seul propriétaire de Mariemont en 1838, il poursuit la politique industrielle ambitieuse de son père, faite d’investissements portant à la fois sur l’amélioration des voies de communication, sur les conditions de travail (logements ouvriers) et la prise de participation dans d’autres activités (sidérurgie, assurance, chemins de fer, etc.). Abel Warocqué ne ménage pas ses efforts pour moderniser ses entreprises de Mariemont et de Bascoup, en retirant un important surcroît de productivité en quelques années. Par ailleurs, en dépit de l’opposition de puissants concurrents, il parvient à imposer la construction de la ligne ferroviaire Manage-Erquelinnes : inaugurée en 1857, elle permet de vendre son charbon sur les marchés français. Propriétaire foncier étendu, spéculateur, il contribue aussi à la naissance de La Louvière. Il est aussi inventeur.

En 1855, Abel Warocqué décroche en effet une médaille d’or à l’Exposition universelle de Paris pour la « warocquière ». Machine de son invention, elle est en fait une « échelle à vapeur » destinée à faciliter la montée et la descente des mineurs. Elle a été mise au point dans son charbonnage de Mariemont dès les années 1840 et elle sera adoptée dans le bassin français de Saint-Étienne. Elle semblait révolutionner le secteur des échelles mobiles quand une série d’inconvénients apparurent à  l’usage. Pêchant par un manque de sécurité, elle ne parviendra pas à s’imposer comme le standard dans les houillères européennes.

À l’instar de son paternel, Abel est aussi actif en politique, mais contrairement à lui, il n’affiche pas d’opinions orangistes. Désigné par le roi comme bourgmestre de Morlanwelz, il dirige l’entité de 1836 à 1864 : défenseur du programme libéral, il y crée une école gardienne gratuite et fait construire une église. Abel Warocqué est le grand-père de Raoul Warocqué.

 

Sources


Hervé HASQUIN, La Wallonie, Son histoire, Bruxelles, Luc Pire, 1999, p. 144
La Vie wallonne, IV, 1971, n°336, p. 410-413
Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 2001
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. II, p. 99
Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 434
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 656-657
Maurice VAN DEN EYNDE, Raoul Warocqué, seigneur de Mariemont (1870-1917), Mariemont, 1970

Warocqué Nicolas

Socio-économique, Entreprise

Mons 17/07/1773, Mariemont 25/01/1838

C’est à Mons avec Nicolas et son frère Isidore que commence la saga des Warocqué, famille fortunée du Hainaut, qui s’éteindra au cours de la Grande Guerre avec Raoul, dernier de la lignée. Nicolas est l’arrière-grand-père de Raoul.

Fils d’un boutiquier, Nicolas Warocqué est d’abord officier dans l’armée française (1793-1796), avant de s’initier aux affaires auprès de son frère Isidore, actif dans le commerce du charbon, avant d’ajouter une activité de banquier. Après avoir spéculé sur les biens nationaux, Nicolas Warocqué dispose de suffisamment de fonds pour créer, en 1802, la Société minière de Mariemont, avec l’aide d’associés parmi lesquels on retrouve son frère, le beau-frère de celui-ci, un marchand de charbons et un banquier français. Administrateur de la société, Nicolas dispose des connaissances nécessaires pour faire prospérer une activité qui s’étend rapidement, tout en s’équipant de machines modernes (pompes à feu) qui coûtent dans un premier temps, mais qui permettent des bénéfices importants à partir de 1816.

Investisseur soucieux de l’évolution des techniques et attentif à la modernisation des voies de communication, il développe également une politique du personnel particulièrement stricte, avant de créer, en 1829, la première cité ouvrière de la région du Centre. Rachetant des charbonnages en difficultés, il introduit sa méthode de management et en fait des sociétés bénéficiaires (c’est notamment le cas avec la Société de Sart Longchamps) ; il s’introduit aussi dans le capital de concurrents et peut se prévaloir d’être un patron heureux dans le secteur des houillères. Il laissera à ses enfants d’importantes participations industrielles, ainsi que de très nombreuses propriétés foncières (337 !) dont le château de Mariemont.

Par contre, la réussite n’est pas au rendez-vous dans le secteur de la sidérurgie, mais contrairement à son frère, Nicolas Warocqué parviendra à éviter de perdre tous ses avoirs. Maire de Morlanwelz depuis 1805, il restera profondément orangiste en raison des avantages économiques qu’il pouvait tirer du régime mis en place à partir de 1815. Sa sympathie pour Guillaume d’Orange lui coûtera son mandat communal : il est en effet le premier bourgmestre à être destitué par le gouvernement provisoire.

 

Sources

Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 654-655
Jacqueline RASSEL-LEBRUN, La faillite d’Isidore Warocqué, banquier montois du début du XIXe siècle, dans RBHC, 1973, IV, 3-4, p. 429-471
Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 201
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 375, 376
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. II, p. 28

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Warocqué Isidore

Socio-économique, Entreprise

Mons 17/09/1771, Dunkerque 07/05/1848

C’est à Mons avec Isidore et son frère Nicolas que commence la saga des Warocqué, famille fortunée du Hainaut, qui s’éteindra au cours de la Grande Guerre avec Raoul, dernier de la lignée.

Fils d’un boutiquier, Isidore Warocqué est déjà fort actif dans le commerce du charbon quand surviennent les événements révolutionnaires de 1789 et leurs suites. Quel que soit le régime, chacun a besoin de charbon et le commerçant est en situation, dès 1795, d’ajouter à son négoce une activité de banquier. Spéculant sur les biens nationaux, prêtant de l’argent à l’administration de Jemappes, il s’impose comme un interlocuteur nécessaire pour nombre d’industriels du charbon, du verre ou de la sidérurgie. Il est aussi actif dans le secteur de l’agriculture, en particulier dans la culture de la betterave. Avec son frère Nicolas, Isidore développe un réseau croisé de relations dans le monde des affaires et de l’administration. Lui-même est membre du Conseil général du département de Jemappes (1803), il représente l’Ordre des villes au sein des États-Généraux du Hainaut en 1816, il siège au Conseil de Régence de 1817 à 1834, il préside le tribunal de Commerce de Mons de 1812 à 1832 et se trouve encore au sein de l’active Chambre de Commerce de Mons (jusqu’en 1834).

Quatrième fortune de la place de Mons à la fin du régime français, Isidore Warocqué ne va pas pouvoir résister au brusque changement de régime de 1830. En plus de placements hasardeux, la faillite du projet Hannonet-Gendarme emporte ses derniers espoirs. C’est la déconfiture pour la banque Warocqué qui n’a pas fait preuve de suffisamment de rigueur. La Société générale se retourne contre le Montois dont la faillite est prononcée le 1er juillet 1834. Ruiné, il se réfugie à Dunkerque pour échapper à la condamnation que prononce contre lui le tribunal de commerce de Mons. Ayant davantage investi dans le charbon, son frère Nicolas lui sauvera quelque peu la mise ; néanmoins, Isidore Warocqué peut être considéré comme l’un des fondateurs de la Société minière de Mariemont.

 

Sources

Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 654-655
Jacqueline RASSEL-LEBRUN, La faillite d’Isidore Warocqué, banquier montois du début du XIXe siècle, dans RBHC, 1973, IV, 3-4, p. 429-471
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 375, 376
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. II, p. 28

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Hannonet-Gendarme Jean-Baptiste Céleste

Socio-économique, Entreprise

En Ardennes 1781, Tours 5/12/1851

Parmi les industriels wallons du début du XIXe siècle aidés par des mécaniciens anglais – en l’occurrence Cockerill et surtout Thomas Bonehill – Jean-Baptiste Hannonet est l’un des premiers à faire confiance à ce savoir-faire lorsqu’il entreprend de développer un pôle sidérurgique dans la région de Couvin. Aidé aussi par un financement d’Isidore Warocqué ainsi que par son beau-père Jean-Nicolas Gendarme, Hannonet-Gendarme va se retrouver, vers 1830, à la tête de la plus importante exploitation du fer du pays wallon après celle de John Cockerill : l’ancien maître des forges de Pernelle (Couvin) dispose de mines de fer, de charbon et du matériel le plus à la pointe du progrès. Malheureusement, cela ne suffira pas et, en 1833, son projet industriel fait faillite.

Au sud de Mézières, entre la Meuse et l’Aisne, Jean-Nicolas Gendarme est un industriel prospère, disposant de mines, de fourneaux et de forges, qui trouvent à s’enrichir en fournissant les armées napoléoniennes. À partir de son mariage avec Flore Gendarme, Jean-Baptiste Hannonet-Gendarme se constitue une sorte de complexe industriel similaire dans la région de Couvin où il était déjà actif : forges et fourneaux de Pernelle (1816), forge Saint-Roch (1823), ainsi que des minières à Jamiolle, Nismes et Couvin. Sa production, Hannonet la destine à la Marine française d’abord. Après Waterloo, les affaires sont plus laborieuses ; Hannonet ne parvient à s’ouvrir les portes hollandaises qu’à partir de 1821 ; la qualité de son acier est appréciée et jusqu’en 1830, il va fournir les arsenaux d’Anvers, d’Amsterdam et de Rotterdam.

Par le Fonds de l’Industrie institué par le roi Guillaume d’Orange, Hannonet-Gendarme (comme d’autres industriels) reçoit une aide précieuse de l’État qui lui permet de poursuivre la modernisation de ses outils. Four à réverbère, laminoir moderne et four en briques réfractaires sont construits avec l’aide des anglais Dickson et Penning (1822) ; en 1823, c’est Thomas Bonehill qui débarque à Couvin qui va y installer un haut-fourneau à coke (1824-1826), à l’emplacement de l’ancienne fonderie à canons et de son fourneau ; il semble être allumé en 1826 ; il s’agirait là du deuxième haut-fourneau à coke du continent européen, construit juste après celui de Cockerill à Seraing et en même temps que celui de Huart à Hauchies.

En même temps que Cockerill, Huart et Orban, celui qui est médaillé d’or de l’exposition de Harlem en 1825 fait construire un laminoir à étirer le fer en barres. Début 1830, la Société en commandite des Hauts Fourneaux et Forges de Couvin installe des machines à vapeur sur ses minières de Couvin (La Suédoise et au bois des Minières) et de Jamioulx (deux autres). Réunissant dans le même établissement l’exploitation du minerai, le travail de la fonte et du fer au coke et à la houille, une qualité de minerai exceptionnelle et la présence d’un cours d’eau, l’entrepreneur namurois avait tout pour réussir : cependant, sa situation géographique n’est guère favorable et des erreurs de gestion lui sont fatales. En dépit de ses efforts, les derniers essais de fabrication d’acier tentés en 1830 échouent ; la révolution belge met un terme aux commandes destinées au marché hollandais ; Isidore Warocqué ne peut plus suivre. Le cœur de la sidérurgie wallonne va battre dans les bassins de Liège et de Charleroi, le long de la Meuse et de la Sambre. Emportant son banquier dans sa chute, Hannonet-Gendarme ne survit pas à la course folle entamée par ses concurrents. En 1833, la faillite des activités couvinoises est prononcée.

Contrairement à une légende qui voudrait que le patron failli ait mis fin à ses jours en se jetant dans l’Eau-Noire, Jean-Baptiste Hannonet a survécu à son projet. Sans que l’on connaisse ses activités, il finira ses jours à Tours, en 1851.

 

Sources

Marianne RENSON, Hannonet-Gendarme, un pionnier de la révolution industrielle, dans Sixième congrès de l'Association des Cercles francophones d'histoire et d'archéologie de Belgique et LIIIe congrès de la Fédération des Cercles d'archéologie et d'histoire de Belgique organisé par les Sociétés d'histoire et d'archéologie de Mons, Saint-Ghislain et Soignies, 24-27 août 2000, [2002], t. II, p. 223-232
Ernest DONNAY, Grandeur et décadence d’un maître de forges couvinois, dans Au pays des Rièzes et des Sarts, hiver 1960, n°4, p. 163-170
Jacques SACRÉ, Un maître de forges couvinois : Charles-Jean-Baptiste-Céleste Hannonet-Gendarme, dans Au pays des Rièzes et des Sarts, 4e trim. 1990, n°120, p. 606-615
La première révolution industrielle à Couvin. 1815-1832/Hannonnet-Gendarme, s.l., s.d.
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 328, 330, 338
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 64, 655
Nicolas BRIAVOINE, Sur les inventions et perfectionnements dans l’industrie depuis la fin du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours, Mémoires couronnés par l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles, Bruxelles, 1838, t. XIII, p. 125, 126, 128, 129, 132-133