Code postal
7500

Guy Focant (SPW)

Château d’Henri VIII

Ce château, dont seule une tour subsiste, témoigne de l’occupation par les troupes anglaises de la ville de Tournai à partir de 1513. L’hostilité de la population face à cet envahisseur d’Outre-Manche poussera le gouverneur anglais de la place à construire un château sur la rive droite de l’Escaut entre 1515 et 1518. La tour Henri VIII, seule partie encore debout, est un imposant édifice de plan circulaire, ceinturé d’une solide muraille et couronné d’un larmier. Rarissime exemple d’architecture anglaise dans nos régions, la tour abrite notamment une cheminée de style Tudor.

Place Verte
7500 Tournai

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Frédéric MARCHESANI, 2013

RCWT

Cabaret wallon tournaisien

La Royale Compagnie du Cabaret Wallon Tournaisien, société littéraire et philanthropique d'expression wallo-picarde, a été fondée le 27 décembre 1907 par la Ligue wallonne, composée de jeunes intellectuels comme Walter Ravez, Paul Gahide, Alphonse Wattiez ou encore Adolphe Prayez.

La création du Cabaret par de jeunes militants wallons s’inscrit dans leur volonté de promouvoir l’art wallon et l’histoire de la Wallonie mais aussi de rappeler la tradition francophile de Tournai et de s’opposer aux groupements flamingants.

En marge de l’organisation de conférences et de soirées wallonnes naît ce cabaret dont la première représentation a lieu le 25 janvier 1908, au Café de l’Académie, sur la Grand Place. Le succès est très vite au rendez-vous, si bien que les effectifs s’élèvent à 790 membres en 1921.

Aujourd’hui encore, le Cabaret défend et promeut le dialecte tournaisien, en écrivant et interprétant des chansons, monologues et poèmes. Plus d’un siècle après sa fondation, le Cabaret Wallon fait toujours résonner la capitale de la Wallonie picarde des accents chers à ses fondateurs.

Rue Saint-Martin 54
7500 Tournai

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Fabrique impériale de tapis de Tournai

La production de tapisseries de grande qualité fait la renommée de la ville de Tournai depuis la fin du Moyen Âge. Comme cela fut le cas pour bien d’autres manufactures, son sort évolue sous le régime français lorsque l’industrie est reprise par Piat François Joseph Lefebvre, qui rénove l’entreprise à partir de 1779. Après l’annexion, la manufacture emploie près de 800 ouvriers. Profitant de la vente des biens nationaux, Lefebvre achète l’ancien couvent des Clarisses sur lequel il fait édifier un nouveau bâtiment. 

Parmi les clients les plus prestigieux figure l’empereur lui-même, qui commande de nombreuses tapisseries entre 1809 et 1812 parmi lesquelles le « tapis de la Légion d’honneur ou des seize cohortes », destiné au château de Fontainebleau et aujourd’hui conservé au Musée de la Légion d’honneur à Paris (les dessins préparatoires à la réalisation de cette tapisserie sont visibles au musée des arts décoratifs de Tournai. Le musée conserve également des porcelaines à l’effigie de Napoléon). L’usine emploie alors près de 5 000 ouvriers !

Réalisée à la demande de la Société Piat-Lefebvre, la façade de la fabrique présentait un caractère somptueux inhabituel pour ce genre de bâtiment. Elle fut édifiée entre 1809 et 1812 sur les plans de l’architecte du Grand-Hornu Bruno Renard, au moment où l’entreprise connaissait sa plus grande prospérité. Disparue à la fin du XIXe siècle, il n’en reste plus aujourd’hui qu’une des quatre entrées néoclassiques d’origine. Enduite de peinture, elle présente des murs à refends profonds et crossettes sous soubassement de pierre. Au centre, un portail, dont le cintre est frappé d’une clé triple, repose sur des impostes en épais bandeau. Sous la corniche figure une frise décorée de rosaces et de triglyphes.

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Frédéric MARCHESANI, 2014

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Hôtel du baillage de Tournai-Tournaisis

Sur la Grand-Place subsiste une des deux maisons de l’ancien baillage construites en 1612. De style Renaissance, la façade présente un pignon avec rampants concaves et courbes. Le siège du baillage avait primitivement été fixé au hameau de Maire à Froyennes avant d’être transféré en 1539 dans une maison de la Grand-Place, nommée « la Couronne ». Appelée également « halle du Roy », elle était ornée des armes des archiducs Albert et Isabelle. L’immeuble fut reconstruit au XVIIe siècle et comportait deux maisons détruites pendant la Première Guerre mondiale. L’une d’elles a été remplacée par un bâtiment moderne en 1930 et l’autre reconstruite dans un style assez libre à la même époque. On y retrouve sur la façade les armes de Charles Quint à la Toison d’Or.

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Frédéric MARCHESANI, 2013

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Église des Dominicains à Tournai

Rares sont aujourd’hui les vestiges de l’église de l’ancien couvent des Dominicains, devenue temple de la Loi au début du régime français. De cet édifice subsiste une partie de la façade de chaque bas-côté, intégrée à des habitations.

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Frédéric MARCHESANI, 2014

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Ancienne auberge du roi de Rome

L’édifice situé au n° 21 de la rue des Maux était autrefois appelé "auberge du roi de Rome", en hommage au fils et héritier de Napoléon. 

L’édifice a aujourd’hui été transformé en habitation et un commerce s’est installé au rez-de-chaussée. Toutefois, quelques éléments de façade rappellent encore son ancienne appellation. Le rez-de-chaussée est décoré de part et d’autres de colonnes surmontées d’une couronne de lauriers. Le balcon en fer forgé du premier étage est également décoré d’une couronne de lauriers et de lances rappelant les fonctions militaires. Enfin, l’aigle impériale se trouve toujours au centre de l’édifice, entre le premier et le second étage.

 

Rue des Maux 21
7500 Tournai

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Frédéric MARCHESANI, 2014

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Statue Louis GALLAIT

Dominant la partie du parc communal de Tournai qui donne accès à l’hôtel de ville, une imposante statue rend hommage au peintre Louis Gallait (1810-1887). Formé dans l’Académie de sa ville natale, le jeune artiste a connu assez rapidement le succès et a bénéficié d’importantes commandes du gouvernement belge pour réaliser des œuvres mettant en scène des épisodes de « l’histoire nationale belge ». Porte-drapeau wallon de l’école romantique belge, Louis Gallait a fait l’objet, de son vivant, d’une attention toute particulière de la part des autorités communales de Tournai. Il n’est pas dès lors pas étonnant qu’au lendemain de son décès (1887), l’administration s’empresse de faire ériger un monument à la mesure du talent de l’artiste tournaisien.

Le projet est confié au talent du jeune architecte Victor Horta (1861-1947) et du sculpteur Guillaume Charlier (1854-1925), artiste apprécié dans la cité des cinq clochers où il aura à s’occuper du chantier du Musée des Beaux-Arts (Mémorial Van Cutsem et groupe allégorique) et recevra la commande du monument Bara. Formé auprès des frères Geefs puis praticien chez le sculpteur liégeois Eugène Simonis, le jeune bruxellois Guillaume Charlier a séduit un riche collecteur avec un plâtre intitulé Le déluge. Cette œuvre de 1879 place le jeune orphelin sous la généreuse protection du mécène ; il peut ainsi suivre les cours de l’École des Beaux-Arts de Paris (1880) puis chez Cavelier (1884-1886). Entre-temps, le Prix de Rome 1882 lui offre la possibilité de séjourner en Italie (1882-1884). Honoré par diverses distinctions lors des Salons où il présente ses œuvres d’inspirations diverses, il apporte à la sculpture de son temps un style propre, où s’exprime en permanence une forme de douleur de vivre due aux difficiles conditions matérielles des milieux ouvriers ou des nécessiteux. Dans l’ombre de Constantin Meunier, il s’attache à représenter plusieurs travailleurs (houilleur, marin, etc.) en pleine activité. Jeune portraitiste, il répond à de nombreuses commandes officielles ou privées et reçoit une chance importante avec le monument Gallait.

Pour cette statue en pied, Charlier représente Louis Gallait tenant en main sa palette de peintures ; coulée par la Compagnie des Bronzes de Bruxelles, la sculpture est placée sur un socle en pierre dû à Victor Horta, dont la signature apparaît ostensiblement à l’avant gauche. Particulièrement travaillés, trois reliefs en bronze décorent le socle en retenant trois dates majeures liant Gallait à Tournai : l’accueil du peintre par les autorités tournaisiennes après son premier succès à Gand en 1832 ; les fastes du jubilé artistique organisé à Tournai le 9 septembre 1883 ; le cortège funèbre du 23 novembre 1887. Au pied du monument, sur la partie avant, des palmes sont disposées pêle-mêle autour du blason de la cité. L’inauguration du monument a fait l’objet d’une cérémonie en grandes pompes, le 20 septembre 1891, l’inscrivant dans la tradition – maintenue en Wallonie – de la célébration des Journées de Septembre de 1830. C’est à une véritable glorification de la figure de Louis Gallait que procède la ville de Tournai, trois ans à peine après sa disparition.

 

Sources

Alain DIERKENS, La statuaire publique, dans L'architecture, la sculpture et l'art des jardins à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995, p. 247
Serge LE BAILLY DE TILLEGHEM, Louis Gallait (1810-1887). La gloire d’un romantique, Bruxelles, Crédit communal, 1987, p. 22
Jacky LEGGE, Tournai, tome II : Monuments et statues, Gloucestershire, Éd. Tempus, 2005, coll. Mémoire en images, p. 26-29
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 209

 

Statue Louis Gallait

Parc communal
Square Bonduelle
7500 Tournai

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Barthélemy DU MORTIER

Monument  Barthélemy Du Mortier, réalisé par Charles Fraikin, 10 septembre 1883.

Après avoir choisi de rendre hommage à Christine de Lalaing en élevant, au début des années 1860, une statue à celle qui défendit Tournai face aux troupes espagnoles d’Alexandre Farnèse, les autorités tournaisiennes attendent vingt ans avant d’apporter leur nouvel écot à la glorification des héros « belges » du passé. Depuis les années 1840, les gouvernements belges successifs incitent et soutiennent toutes les initiatives visant à l’implantation de statues dans l’espace public qui seraient autant de références au nouvel État. Après Christine de Lalaing, Tournai choisit d’honorer Barthélemy Du Mortier (1797-1878), botaniste, fondateur du Courrier de l’Escaut en 1829 mais surtout représentant de Tournai au Parlement à partir de 1831. Le nom de Barthélemy Dumortier figure parmi ceux d’un millier d’acteurs majeurs de 1830 proposés, en 1831, pour recevoir la Croix de Fer. Une Commission officielle du jeune État belge a en effet retenu qu’au cours des journées de la révolution de 1830, ce jeune « propriétaire de Tournai » a contribué « puissamment à développer l’esprit national et à organiser la résistance aux actes oppressifs du gouvernement déchu ; il distribua sur la place publique aux bourgeois et aux soldats de la garnison les couleurs nationales le 8 septembre 1830 ; contribua à l’attaque des postes hollandais le 28 ; il se rendit en parlementaire à la citadelle quoiqu’il fût décrété d’arrestation, pour régler la capitulation de la ville ». C’est par conséquent un « héros de 1830 » que les autorités tournaisiennes honorent en 1883, sans oublier les autres facettes de l’enfant du pays.

Homme de sciences, Dumortier s’est intéressé à la fois à la zoologie, à l’archéologie, à l’histoire et surtout à la botanique. Ses nombreux travaux le montrent en quête d’un nouveau système de classification du règne végétal. S’il apporte une contribution notamment à la découverte de la division cellulaire par cloisonnement, il n’a jamais remis en question ses convictions créationnistes, en dépit du développement des idées darwiniennes. De forte conviction catholique, Barthélemy Du Mortier en a fait un engagement politique. À la fin des années 1820, il s’est mobilisé contre le régime hollandais mis en place au lendemain du Congrès de Vienne. Fondateur du journal Le Courrier de l’Escaut (1829), il s’impose comme l’un des chefs de file du front d’opposition qui se manifeste à Tournai contre le régime hollandais. Après sa participation active aux événements de 1830, il est choisi pour représenter Tournai à la Chambre (1831). Il s’y distingue en se montrant l’un des plus farouches opposants à l’approbation du traité des XXIV articles. Même après la signature du traité, il continuera à réclamer pour la Belgique les frontières qui étaient celles du jeune État en 1830 (avec le Limbourg et le grand-duché de Luxembourg).

Député jusqu’à sa mort, en 1878, représentant de l’arrondissement de Roulers à partir de 1848, il demeure constamment attentif à la position du Vatican dans les affaires intérieures belges. En 1872, il est nommé Ministre d’État. Gratifié du titre de comte par Léopold II, Dumortier n’en fera pas état avant sa mort. Ses descendants transformeront alors son nom en isolant la particule, Du Mortier. Au-delà des récompenses, honneurs et titres nombreux, il paraît important de retenir que Barthélemy Dumortier a aussi présidé la toute jeune Société royale de Botanique de Belgique dès 1862, qu’il a contribué à la fondation du Musée d’histoire naturelle de Tournai et à celle du Jardin Botanique de l'État qui devient autonome en 1870. Membre de la Commission royale d'histoire (1838-1878), il s’est aussi intéressé particulièrement à la collégiale de Tournai, au lieu de naissance de P-P. Rubens, ainsi qu’au rôle de Constantin le Grand à Tournai. C’est sans conteste une personnalité tournaisienne majeure qui est choisie au début des années 1880. Son monument est aussi le tout premier dédié à un homme politique catholique dans l’espace public de Wallonie.

Une souscription nationale est lancée pour rassembler les fonds nécessaires et le sculpteur Charles Fraikin (1817-1893) est chargé de réaliser le monument. Formé à l’Académie d’Anvers, sa ville natale, puis à Bruxelles, il s’initie au dessin puis à la peinture. La mort de son père, notaire à Herentals, le contraint à trouver une occupation professionnelle : engagé dans la pharmacie d’Auguste de Hemptinne, il y fait la rencontre du peintre F-J. Navez qui l’encourage dans ses études du soir en gravure. Avec un diplôme de pharmacien, Fraikin ouvre une officine à Genappe (1835), avant de se consacrer entièrement à la sculpture. Après l’Académie de Bruxelles (1840-1842), le jeune artiste expose dans les salons où il se fait remarquer (médaille d’or à Bruxelles en 1845). Remarqué par Léopold Ier qui lui accorde sa protection, Fraikin obtient de nombreuses commandes officielles, essentiellement à Bruxelles (Hôtel de ville, monuments Rouppe, Henri Ier, Colonne du Congrès, Quetelet et surtout Egmont et Hornes). Auteur de nombreux bustes et de monuments à vocation religieuse, Fraikin poursuit aussi une œuvre d’inspiration plus personnelle, continuant à exposer lors de Salons ou d’Expositions. Quand il se voit confier le monument « tournaisien », le sculpteur est au firmament de sa carrière et comblé d’honneurs.

Monument  Barthélemy Du Mortier

Attentif à traiter les facettes les plus significatives de la personnalité de Barthélemy Dumortier, Ch-A. Fraikin soigne les détails, tout en ciselant son sujet dans le marbre blanc. Debout, vêtu d’habits bourgeois, avec une cocarde accrochée à hauteur de ceinture et une décoration du côté gauche de la poitrine, Dumortier est figé dans une attitude dynamique, que le bras droit replié sur la poitrine accentue. On ne sait s’il commente, pérore ou commande, mais son attitude suscite l’envie de partager son élan. Parmi les détails, le sculpteur donne à voir un lion assis, tenant sous ses griffes avant un document sur lequel se lit aisément la mention « XXIV articles ». Dans sa main gauche, Dumortier tient peut-être le texte, enroulé, de son discours, tandis qu’à côte de son bras figurent deux livres, dont nul ne sait s’ils sont de botanique ou d’histoire.

Entouré à l’origine par une grille en fer forgé tandis que des arbres formaient un fonds de verdure, le monument Du Mortier faillit traverser indemne toute la Première Guerre mondiale. Ce n’est que le 7 novembre 1918 que des soldats allemands s’en prennent à lui, arrachant la statue de son socle et la faisant basculer. La statue est alors abîmée – on en voit encore la trace à hauteur des genoux – mais elle est réparée. Le socle quant à lui nécessite d’en élever un nouveau. Sur les parois latérales, sont représentées, en saillies, des graminées entrelacées et une feuille de fougère, références évidentes au botaniste. Vers 1822/1823, Dumortier avait en effet entrepris l'examen des graminées, et tenté une révision de leur classification qu’il publia (Observations sur les Graminées, 1823). Sobrement, sur la face avant du socle est gravée la dédicace déjà présente sur le socle initial :

A
BARTHÉLEMY
DU MORTIER
-- . --
ÉRIGÉ


PAR
SOUSCRIPTION NATIONALE
MDCCCLXXXIII

Lors du relèvement du monument dans les années 1920, une mention est ajoutée pour dénoncer l’acte de vandalisme des Allemands de 1918. En mai 1940, cette mention disparaît… D’autres aménagements, par temps de paix cette fois, concerneront l’environnement immédiat du monument qui trouve désormais place à l’angle du Pont-de-fer et du quai des Salines. 

 

http://www.sculpturepublique.be/7500/Fraikin-BarthelemyDuMortier.htm (s.v. août 2013)
Liste nominative de 1031 citoyens proposés pour la Croix de Fer par la Commission des récompenses honorifiques (p. 1-129) dans Bulletin officiel des lois et arrêtés royaux de Belgique, n°807, 1835, t. XI, p. 44-45
Jean-Luc DE PAEPE, Christiane RAINDORF-GÉRARD (dir.), Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, 1996, p. 286-287
Histoire du Sénat de Belgique de 1831 à 1995, Bruxelles, Racine, 1999, p. 392
Jacky LEGGE, Tournai, tome II : Monuments et statues, Gloucestershire, Éd. Tempus, 2005, coll. Mémoire en images, p. 18-22
Sybille VALCKE, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 399-401
P. HILDEBRAND, dans Biographie nationale, t. 30, col. 611-628
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 583

Quai des Saline
7500 Tournai

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Paul Delforge

Monument  Adolphe Delmée – Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Adolphe DELMÉE

Monument  Adolphe Delmée, r éalisé par Guillaume Charlier et Amédée Huglo, 24 septembre 1899.

Dans le parc communal de Tournai, à quelques dizaines de mètres de l’hôtel de ville et du musée des Beaux-Arts, de l’autre côté de la haie qui borde la ruelle des Moines, on trouve le monument Adolphe Delmée, auteur d’une chanson patriotique locale Les Tournaisiens sont là. Inaugurée en 1899, l’œuvre a été réalisée par Guillaume Charlier (Ixelles 1854 – Saint-Josse-Ten-Noode 1925), aidé par Amédée Huglo (1845-1923), et grâce à la générosité du célèbre chanteur d’opéra tournaisien Jean Noté.

Journaliste, Adolphe Delmée (Tournai 1820 – Tournai 1891) dirige le journal libéral L’Économie et se fait surtout connaître par ses chansons populaires ; il écrit dans Les Etrennes tournaisiennes, dont il est l’un des fondateurs (1878). Ouvrier typographe, metteur en pages, il a fondé en 1848, le journal L’Économie qui se veut neutre politiquement et réclame d’ailleurs la suppression des tendances libérales et catholiques. Dans le monde de la presse, Delmée jouit d’une solide réputation, mais sa popularité lui vient d’ailleurs. Avec Adolphe le Ray, Adolphe Wattiez et Adolphe Payez, il est l’un des quatre Adolphe de la littérature dialectale tournaisienne, écrit Maurice Piron dans son Anthologie

À l’instar de Verviers, de Liège, de Namur, de Charleroi ou de Mons, Tournai connaît, dans la deuxième moitié du XIXe siècle une renaissance étonnante des lettres wallonnes. Avec Le Ray surtout, Adolphe Delmée est un des pionniers de ce courant auquel contribue aussi Achille Viehard. Le nom d’Adolphe Delmée a traversé les générations au travers de l’une de ses chansons, véritable hymne tournaisien. En composant en 1860 Les Tournaisiens sont là !, il inscrit définitivement dans le folklore tournaisien le souvenir des premières années de la Guerre de Cent Ans durant laquelle Tournai se trouve au cœur des rivalités entre les rois de France et d'Angleterre. La longue résistance héroïque de Tournai assiégée par les Anglais a permis à l'armée de Philippe VI de se regrouper ; influençant la tournure des événements, la résistance de 1340 vaut aux bourgeois de la ville le privilège exceptionnel de la Chambre du roi. Quand le roi entre en campagne, la milice de Tournai forme sa garde spéciale et veille sur sa personne. Face à la Flandre qui veut incorporer la cité, la France garantit surtout la trêve et l'indépendance de Tournai. S’étant inspiré de cet épisode historique, Adolphe Delmée place dans la bouche du roi de France la formule désormais célèbre : « J'peux m'endormir, les Tournaisiens sont là ! ». Achille Delmée venait d’être désigné comme membre du Comité permanent du Congrès wallon (Namur, 1891) lorsque la mort le surprit.

Son souvenir ne pouvait se contenter de l’air des Tournaisiens sont là ! et Jean Noté, chanteur d’opéra tournaisien à succès, entreprend de lui élever un monument dont la réalisation est confiée à Guillaume Charlier. Ce fut le commencement d’une fructueuse collaboration entre le sculpteur et la cité des cinq clochers, car il recevra par la suite commande des monuments Gallait (1891), Bara (1903), Les Aveugles (1906) et aura à s’occuper du chantier du Musée des Beaux-Arts (Mémorial Van Cutsem et groupe allégorique). 

Originaire de Bruxelles, Charlier a été formé auprès des frères Geefs, puis s’est retrouvé praticien chez le sculpteur liégeois Eugène Simonis. En réalisant le plâtre intitulé Le déluge, en 1879, le jeune artiste séduit un riche collecteur, Henri Van Cutsem, qui décide de le placer sous sa généreuse protection ; Charlier peut ainsi suivre les cours de l’École des Beaux-Arts de Paris (1880), ainsi que chez Cavelier (1884-1886). Entre-temps, le Prix de Rome 1882 lui offre la possibilité de séjourner en Italie (1882-1884). Honoré par diverses distinctions lors des Salons où il présente ses œuvres d’inspirations diverses, il apporte à la sculpture de son temps un style propre, où s’exprime en permanence une forme de douleur de vivre due aux difficiles conditions matérielles des milieux ouvriers ou des nécessiteux. Dans l’ombre de Constantin Meunier, il s’attache à représenter plusieurs travailleurs (houilleur, marin, etc.) en pleine activité. Jeune portraitiste, il répondra à de nombreuses commandes officielles ou privées et recevra ses premières chances à Tournai, avec les monuments Delmée puis Gallait.

Pour la réalisation du buste en pierre d’Adolphe Delmée, Charlier est associé à Amédée Huglo qui s’occupe du piédestal qui est de taille respectable. Professeur à l’Académie de Tournai (1882-1920), Huglo est un sculpteur et céramiste originaire de Lille qui est régulièrement associé à des projets, apportant sa contribution à des architectes ou à d’autres sculpteurs. Depuis 1885, Huglo joue un rôle important dans la vie culturelle tournaisienne, puisqu’il est le secrétaire/fondateur du Cercle artistique de Tournai. Huglo expose régulièrement ses œuvres personnelles à Tournai ; auteur de la décoration sculptée de la façade du Cercle artistique, il signe, en 1894, un buste en hommage à Jean Noté.
Lors de l’inauguration du monument Delmée, qui se déroule comme très souvent en Wallonie à la fin du mois de septembre, le volet officiel est suivi d’importantes réjouissances populaires. Après avoir prononcé des paroles de reconnaissance à l’égard d’Adolphe Delmée qui fut son protecteur et lui permit de se lancer dans une importante carrière internationale, Jean Noté interprète la partie soliste de la cantate d’Achille Viehard, sur une musique d’Edmond Waucampt.
 

Monument  Adolphe Delmée

A deux endroits du solide piédestal élancé qui soutient le buste, des dédicaces ont été gravées dans la pierre. Sur la face avant, en grand :

LES
TOURNAISIENS


SONT LA !
AC. DELMEE
Et en plus petit, tout en bas du monument :

TÉMOIGNAGE     DE     RECONNAISSANCE
A ADOLPHE DELMÉE
OFFERT PAR J-B. NOTÉ DE L’OPÉRA À SA VILLE NATALE

Le monument Delmée a traversé le temps sans trop de dommage. Une rénovation a cependant été nécessaire en 2000 et sa restauration a été inaugurée dans le cadre des Fêtes de Wallonie, en septembre 2000. 

 

Alain DIERKENS, La statuaire publique, dans L’architecture, la sculpture et l’art des jardins à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995, p. 247
Jacky LEGGE, Tournai, tome II : Monuments et statues, Gloucestershire, Éd. Tempus, 2005, coll. Mémoire en images, p. 37-38
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 209 et 732
Gaston LEFEBVRE, Biographies tournaisiennes des XIXe et XXe siècles, Tournai, Archéologie industrielle de Tournai, 1990, p. 45 ; p. 66
Maurice PIRON, Anthologie de la littérature dialectale de Wallonie, poètes et prosateurs, Liège (Mardaga), 1979, p. 104
Serge LE BAILLY DE TILLEGHEM, Le Cercle artistique de Tournai. Un siècle au service de l’art contemporain, dans Mémoires de la Société royale d’histoire et d’archéologie de Tournai, Tournai, 1992, n°7, p. 271-320
Eugène DE SEYN, Dictionnaire biographique des sciences, des lettres et des arts en Belgique, Bruxelles, 1935, t. I, p. 291
http://www.cabaretwallon.be/index.php?option=com_content&view=article&id=82:les-tournaisiens-sont-la-&catid=50&Itemid=79 (s.v. février 2014)

Parc communal
7500 Tournai

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Paul Delforge

Plaque Roger DE LE PASTURE

Plaque commémorative de Roger de le Pasture, réalisée à l’initiative des autorités communales de Tournai ; de l’Institut Jules Destrée,19 juillet 1913 ; septembre 1978.


« Ici naquit en 1399
Roger de le Pasture
Dit Van der Weyden
peintre célèbre
mort à Bruxelles en 1464 »

Telle est l’inscription qui figure sur la plaque apposée sur la maison natale du peintre, à Tournai, rue Roc-Saint-Nicaise, et inaugurée le 13 juillet 1913. Longtemps considéré comme un peintre flamand, Van der Weyden commence à être mieux connu depuis la moitié du XIXe siècle, moment où deux Tournaisiens – Charles-Barthélemy Dumortier et Alexandre Pinchart – établissent que son  lieu de naissance est à Tournai, sous le nom de Roger de le Pasture. Au début du XXe siècle, cependant, ce lieu d’origine n’en faisait pas un artiste de Wallonie, ses œuvres continuant d’être présentées comme appartenant à l’école flamande (dans le sens ancien de cet adjectif), mais aussi comme réalisées par un artiste flamand (dans le sens politique acquis par l’adjectif à la fin du XIXe siècle). C’est en s’interrogeant sur l’existence d’un art wallon, exercice pratique tenté en 1911 dans le cadre de l’Exposition internationale de Charleroi, que Jules Destrée va accorder une place toute particulière à Roger de le Pasture. Étudiant l’œuvre de l’artiste tournaisien du XVe siècle sous toutes ses coutures, l’esthète Jules Destrée y voit un peintre essentiellement wallon, figure de proue d’une « école » dont la création en 1912 et l’activité de la société des « Amis de l’Art wallon » doivent encore démontrer l’existence. Cité dans la Lettre au roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre (août 1912), Roger de le Pasture se devait d’être honoré dans sa ville natale, et la Cité des Cinq Clochers comme partie prenante de la Wallonie. La revue Wallonia publie d’ailleurs, sous la direction d’Adolphe Hocquet, un numéro spécial consacré à Tournai dans l’Art et dans l’Histoire (mai-juin 1913). Et le 19 juillet 1913, le cercle des « Amis de l’art wallon » tient son assemblée générale à Tournai, avant de procéder à l’inauguration du mémorial de le Pasture.
En collaboration avec les autorités locales, les responsables des Amis de l’Art wallon » ont en effet pris l’initiative de faire apposer la plaque mentionnée ci-dessus sur la maison natale de l’artiste. Archiviste à Tournai, Adolphe Hocquet, par ailleurs membre de l’Assemblée wallonne, a contribué à identifier officiellement la maison natale, au 78 de la rue Roc-St-Nicaise. L’échevin Maurice Houtart, Jules Destrée en tant que président de la SAAW et Eugène Soil de Moriamé, président de la Société historique et archéologique de Tournai, prennent la parole lors de l’inauguration du 19 juillet 1913.

En mai 1940, lors des bombardements allemands sur Tournai, la maison natale du peintre figure parmi les décombres. Il faut attendre 1978 pour qu’une initiative soit prise par Jacques Hoyaux, président de l’Institut Jules Destrée. Le propriétaire d’une des nouvelles maisons construites dans le haut de la rue Roc saint Nicaise a accepté qu’une nouvelle plaque commémorative soit intégrée dans la façade de son immeuble. Inaugurée en septembre 1978, elle mentionne simplement :

« Ici est né en 1399
le peintre
Roger de le Pasture
Hommage de
l’Institut Jules Destrée  ».

Par ailleurs, un monument (un bronze polychrome de Marcel Wolfers représentant « Saint-Luc peignant la Vierge) a été installé par la ville de Tournai, en 1936, en l’honneur du peintre (vieux marché aux Poteries), tandis qu’un médaillon figure aussi sur une façade de la rue des Maux.


 

Marnix BEYEN, Jules Destrée, Roger de le Pasture et « les Maîtres de Flémalle ». Une histoire de science, de beauté et de revendications nationales, dans Philippe DESTATTE, Catherine LANNEAU et Fabrice MEURANT-PAILHE (dir.), Jules Destrée. La Lettre au roi, et au-delà. 1912-2012, Liège-Namur, Musée de la Vie wallonne-Institut Destrée, 2013, p. 202-217
Wallonia, 1913, p. 543-550
Jacky LEGGE, Mémoire en images : Tournai, t. II : Monuments et statues, Gloucestershire, 2005, p. 53-53, 97-98
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Archives.

 

rue « Roc-saint-Nicaise » – 7500 Tournai

carte

Paul Delforge