Statut linguistique des communes wallonnes

En vertu des lois de 1962 et 1963, coordonnées en 1966, de la fusion des communes opérée en 1976 et des réformes conduisant à la reconnaissance des communautés et des régions, les 262 communes wallonnes se rangent en quatre catégories selon leur statut linguistique. À l’exception des communes de la Communauté germanophone, toutes les communes ont la langue française comme langue principale. Dans deux localités, les habitants bénéficient de facilités en langue allemande, dans quatre autres de facilités en langue néerlandaise et trois autres bénéficient de facilités tant pour le néerlandais que pour l’allemand. Quant aux habitants des communes germanophones, ils bénéficient aussi de facilités en langue française.


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Les trois communautés

Au lendemain de la crise de Louvain qui fait tomber le gouvernement Vanden Boeynants (1968), le nouveau gouvernement Eyskens entreprend d’aborder la question de la réforme de l’État. Après de vifs débats et discussions, une majorité des deux tiers est trouvée pour réviser la Constitution (décembre 1970) : parmi les articles révisés ou ajoutés (32bis création de groupes linguistiques au Parlement, 38bis procédure de la sonnette d’alarme, 86bis parité dans la composition du Conseil des ministres, 91bis statut des secrétaires d’État, 132 portant sur le transfert de l’Université catholique de Louvain), figurent trois articles portant création de trois communautés et trois régions : 59bis (reconnaissance des conseils culturels), 59 ter (conseil culturel de langue allemande), 107quater (reconnaissance de trois régions).
Contrairement au souhait de nombreux élus wallons, il n’y aura pas simultanéité dans la mise en place des Communautés (revendication flamande) et des Régions (revendication wallonne) ; l’application de l’article 107quater va rester sur la table de nombreux gouvernements tout au long des années septante, de même que la question du statut des communes de Fourons. Par contre, le Conseil culturel de la Communauté française de Belgique et le Conseil culturel flamand se réunissent pour la première fois le 7 décembre 1971. En 1973, c’est le Conseil culturel germanophone qui voit le jour. Le statut de leur assemblée et exécutif respectifs sera modifié par la loi de 1980.

Référence
WTcM44


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Les dix communes romanes annexées au Reich

Le 18 mai 1940, Hitler proclame l’annexion des trois cantons (Eupen, Saint-Vith, Malmedy) à l’Allemagne, rattachés à la Rhénanie. Sans transition, les lois belges sont remplacées par la législation allemande. De surcroît, les communes de Baelen, Gemmenich, Henri-Chapelle, Hombourg, La Calamine, Membach, Montzen, Moresnet, Sippenaeken et Welkenraedt sont annexées au Reich (décret du 23 mai 1940 avec effet rétroactif au 10 mai). Une nouvelle frontière est tracée qui isole de la Wallonie ces dix communes appelées « Aufbaugebiet », territoire de germanisation. Jusqu’au 1er septembre 1940, les actes de l’État civil sont rédigés en français, ensuite l’allemand devient la langue officielle, l’administration belge et la monnaie sont remplacées et le personnel politique communal destitué dans la mesure où il a refusé de prêter serment de fidélité au Führer. Plutôt que d’accepter le diktat nazi, plus de 1300 personnes quittent leur habitation pour s’installer à Bruxelles, mais surtout dans les villes wallonnes, notamment à Verviers, Ans et Waremme. « On part en Wallonie », disait-on alors à Henri-Chapelle.
Au bout d’un an, les habitants des dix communes sont considérés comme « Deutsche auf Wiederruf » (Allemands sous réserve). Ceux de Saint-Vith, Eupen et Malmedy deviennent des Reichsdeutsche. La germanisation est en œuvre avec ses conséquences : en octobre 1941, l’enrôlement concerne les jeunes nés en 1922. La résistance sera active et les filières d’évasion se mettront en place, faisant passer des dizaines de personnes entre Baelen et Dolhain, avant de les confier aux réseaux verviétois et liégeois. La libération intervient le 11 septembre 1944. Pendant plusieurs années, il subsistera une certaine gêne ou ambiguïté de la part de la capitale belge à l’égard de ces dix communes. Malgré des proclamations maintes fois répétées, les habitants éprouveront du mal à faire comprendre qu’ils sont de langue romane dans tous leurs contacts avec les sphères de l’enseignement, de l’administration et de la justice. À l’heure de la fusion des communes (1976), le législateur aura tendance à garder toutes ces communes entre elles, formant quatre pôles : Baelen, Welkenraedt, La Calamine et Plombières. Un régime linguistique spécial est en vigueur depuis les années soixante en matières scolaire et administrative.

Référence
DamiA96l


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Les trois cantons annexés à la suite d’un plébiscite (1920)

Parler d’un plébiscite populaire concernant le choix de l’appartenance des cantons de Malmedy, Eupen et Saint-Vith occupés par les troupes militaires belges du général Baltia est un euphémisme. Un registre est ouvert à Eupen et à Malmedy du 23 janvier au 23 juillet 1920 et les opposants à l’annexion à la Belgique sont invités à y apposer leur signature. Sur 63.940 habitants, 271 signatures se prononcent en faveur d’un retour à l’Allemagne ; il s’agit majoritairement de fonctionnaires allemands en poste dans ces communes.
Avant la période napoléonienne, Eupen appartenait au duché de Limbourg, Saint-Vith à celui de Luxembourg, Malmedy dépendait du St-Empire et formait avec Stavelot une originale principauté abbatiale de Stavelot-Malmedy. Les trois cantons avaient été réunis pour la première fois au sein du département de l’Ourthe, entre 1795 et 1814 et jusqu’au dernier quart du XIXe siècle, les habitants de ces contrées ont bénéficié d’une certaine liberté linguistique et religieuse. La politique de germanisation du Reich suscite la résistance des habitants de la région de Malmedy. On parle de Wallonie prussienne et, de cette époque, remonte une réelle volonté de nouer des liens plus étroits avec le pays wallon.

Références
DamiA32 ; DamiA51 ; WTcM20


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Annexion des cantons d’Eupen - Malmedy - Saint-Vith (1919)

Lors des négociations qui aboutissent à la signature du premier traité de Versailles (28 juin 1919), il est donné suite à une partie des revendications de la Belgique, celles portant sur les cantons wallons, dits rédimés. Annexés à la Prusse au détriment de la principauté de Liège et des anciens Pays-Bas autrichiens en 1815, les cantons wallon de Malmedy et germanophones d’Eupen et Saint-Vith sont attribués à la Belgique. Un plébiscite populaire doit confirmer ce transfert de territoire.
Sans plébiscite pour sa part, le territoire neutre de Moresnet, jusqu’alors placé sous la double administration belgo-prussienne, revient totalement à la Belgique (Neu Moresnet et Kelmis/La Calamine). Les prétentions sur le sud du Limbourg hollandais et sur la rive méridionale des bouches de l’Escaut sont par contre rejetées par la Conférence de Paix : il ne peut être question de toucher au territoire des Pays-Bas, pays neutre, non belligérant et donc non vaincu.

Références
DamiA32 ; DamiA51 ; WTcM20


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Les rêves d’une Grande Belgique (1916-1921)

En raison de l’occupation allemande en Belgique, la presse belge est plus que jamais patriotique, exalte l’âme belge et l’Union sacrée, et en vient même à s’interroger sur les perspectives d’avenir du pays. Dans les milieux officiels désormais réfugiés au Havre, on évoque sérieusement la possibilité d’élargir les frontières de la Belgique, pour devenir maître de l’embouchure de l’Escaut, pour mieux contrôler les eaux de la Meuse, voire pour protéger davantage la cité de Liège. L’annexion du grand-duché de Luxembourg et celle de la Prusse malmédienne sont considérées comme acquises (fin 1914, début 1915). L’idée d’une ‘Grande Belgique’ est caressée dans certaines milieux où refait florès la théorie des ‘frontières naturelles’ qui permettrait à la Belgique de s’étendre jusqu’au Rhin et le long des bassins mosan et scaldien. Un manifeste, des livres entretiennent les revendications ; certains ministres couvrent aussi l’idée que la Belgique devienne le pays auquel on confierait la garde des Lieux-Saints. Ces idées comme celle d’un retour aux frontières d’avant 1839, encore défendues au moment des négociations de paix (1919), seront très mal accueillies par les « Grandes puissances ».

Références
WPgM_Carte_9


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