© Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique

Bastin Julia

Académique, Philologie

Liège 16/06/1888, Berchem-Sainte-Agathe 26/10/1968

Philologue, romaniste médiéviste, Julia Bastin a forgé sa réputation scientifique par ses travaux sur le poète français Rutebœuf. Par les qualités de son travail, elle a su imposer sa présence dans les universités et le monde scientifique, à une époque où ce milieu se montrait encore fort hostile à la présence féminine dans les milieux professionnels.

Sortie première de l’École moyenne communale de Liège, Julia Bastin fait encore partie de cette génération où les jeunes filles restent rares dans les études supérieures. En 1905, elle s’inscrit à l’École normale moyenne de l’État à Fragnée. Régente scientifique, en 1907, elle obtient un second diplôme, celui de régente littéraire, avec la plus grande distinction, l’année suivante. La même année, elle quitte Liège pour poursuivre ses études à La Haye, où elle décroche, en 1910, un diplôme lui permettant d’enseigner le néerlandais.

Professeur à l’École moyenne de Braine-le-Comte (1912-1914), elle se réfugie en Angleterre quand éclate la Grande Guerre ; elle y restera jusqu’au-delà de l’Armistice. Admise comme interne au Bedfort College for Women, elle suit les cours de philologie romane et de littérature française du Moyen Âge, jusqu’en 1917. Sa vocation de médiéviste naît à cette époque. Dans le même temps, en 1916-1917, elle assume la tâche d’assistante de français, chargée d’exercices de conversation et de composition françaises dans le même établissement, tout en donnant un cours de vacances, durant l’été 1917, à l’Université d’Oxford. Ayant obtenu sa « graduation » (1917), elle enseigne durant deux ans dans les écoles secondaires de New-Mills (Derbyshire) et de Bradford (Yorkshire), jusqu’en 1919.
A la fin de la guerre, Julia Bastin pose ses valises à Paris : elle y parfait ses connaissances de l’ancien français et de l’ancien provençal, à la Sorbonne et à l’École pratique des Hautes Études, et en ressort diplômée, en 1924. Elle poursuit son cursus en tant qu’auditrice libre jusqu’en 1931 ; plusieurs publications témoignent de ses recherches ; elle effectue aussi des travaux de traduction en français, notamment du célèbre ouvrage de Johan Huizinga (Herfsttijd der Middeleeuwen traduit sous le titre Le déclin du Moyen Âge, en 1932, ou encore Those Barren Leaves (Marina di Vezza), sorti la même année, qui lui valut le Prix Langlois de l’Académie française.

Se penchant patiemment sur d’anciens textes en français, elle publie, en 1924, dans la Revue des langues romanes, son premier ouvrage d’érudition, une Vie de saint Eleuthère, ainsi que deux recueils anonymes de fables antérieures à la Renaissance (1929-1930). Elle est également l’auteure d’un essai sur le chroniqueur Jean Froissart (1942) et d’un ouvrage consacré aux Mémoires de Philippe de Commynes (1944). Nommée chargée de cours à la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université libre de Bruxelles, en mai 1931 – elle enseigne la grammaire historique du français et l’explication de textes en ancien français et en ancien provençal –, professeure ordinaire, en juin 1934, secrétaire de faculté, en 1936, elle accède à l’éméritat en 1958.

En 1945, peu après la Libération, l’Académie de Langue et de Littérature françaises l’élit à la section de Philologie, où elle est la première femme à siéger, et la choisit comme directrice, en 1951. Une fois encore, elle fait œuvre de pionnière. Dans son discours d’accueil prononcé en avril 1947, Maurice Delbouille s’adressait à Julia Bastin en ces termes : « Notre siècle a vu vos sœurs se dresser pour réclamer le droit de participer notamment aux tâches austères de l’érudition et de la recherche scientifique. Parmi elles, Mademoiselle, vous avez su, dans le domaine qui est le nôtre, vous imposer comme l’égale des meilleurs ouvriers de la philologie française ».

Le travail essentiel de Julia Bastin est celui qu’elle consacra, avec Edmond Faral de l’Institut de France, à l’œuvre de Rutebœuf. Les Onze poèmes de Ruteboeuf concernant la Croisade, publiés en 1946, inaugurent leur collaboration. Julia Bastin se charge de la partie philologique, Faral de l’aspect historique. En 1959 et 1960, paraît l’édition magistrale des Œuvres complètes de Rutebœuf, qui est récompensée, en 1960, du Prix Counson de l’Académie de Langue et de Littérature françaises, ainsi que du Prix de la Fondation La Grande décerné par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de l’Institut de France.

Sources

Gustave VANWELKENHUYZEN, Réception de Roland Mortier, séance publique du 29 avril 1970, Bruxelles, Académie de Langue et de Littérature françaises de Belgique, 1970, en ligne sur http://www.arllfb.be/bulletin/bulletinsnumerises/bulletin_1970_lxviii_02.pdf
Éliane GUBIN, Catherine JACQUES, Valérie PIETTE, Jean PUISSANT (dir.), Dictionnaire des femmes belges. XIXe et XXe siècles, Bruxelles, Racine, 2006, p. 38-39
Pierre RUELLE, dans Nouvelle biographie nationale, t. 2, p. 23-25
Bulletin de l’Académie de Langue et de Littérature françaises de Belgique, t. 46, 1968, p. 129-131, en ligne sur http://www.arllfb.be/bulletin/bulletinsnumerises/bulletin_1968_xlvi_03.pdf
http://www.arllfb.be/composition/membres/bastinjulia.html (s. v. mars 2015).

Œuvres principales

Vie de saint Eleuthère (1924)
Livres à gravures imprimés à Lyon au XVe siècle. Les subtiles fables d’Ésope (1926)
Recueil général des Isopets (t. 1, 1929 ; t. 2, 1930)
Le déclin du Moyen Âge, par Johan Huizinga, traduction par J. Bastin (1932)
Marina de Vezza, par Aldous Huxley, traduction par J. Bastin (1938)
Froissart, chroniqueur, romancier et poète (1942)
Les mémoires de Philippe de Commynes (1944)
Onze poèmes de Rutebœuf concernant la Croisade (1946)
Œuvres complètes de Rutebœuf (1958 et 1960)