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Bonjean Albert

Culture, Littérature

Verviers 28/02/1858, Verviers 06/07/1939

Si des écrivains ont vanté certains coins de Wallonie, Albert Bonjean est le premier chantre des Hautes Fagnes. S’il écrit sur cette région qu’il aime par-dessus tout au monde, il s’en fait surtout le défenseur ; pionnier dans la préservation du patrimoine et de la nature, il est l’un des fondateurs, en 1911, de ce qui deviendra les « Amis de la Fagne ».

Docteur en Droit de l’Université de Liège (1880), Albert Bonjean a fait carrière comme avocat dans la cité lainière dont il est originaire et où il a fait ses humanités, à l’Athénée, sous la conduite notamment du professeur Thill Lorrain qui l’encourageait déjà à l’écriture. Élu bâtonnier de l’ordre des avocats du Barreau de Verviers à quatre reprises, il prend à cœur la défense de ses clients et ses péroraisons sont respectées. Me Albert Bonjean trouve toutefois son épanouissement profond en parcourant la Fagne voisine, qu’il est capable de traverser de part en part, solidement équipé de vêtements et de souliers appropriés, de réserves alimentaires et de puissantes jumelles. Muni de ses cartes, il sillonne bois, landes et vallées de cours d’eau, s’arrêtant pour transcrire dans ses carnets les notes qui constitueront la substance de nombreux écrits : légendes d’abord, poèmes et romans ensuite.

Si la jeunesse l’empresse de publier un premier recueil de poésie, Les Voix du Cœur, en 1878, il se montre ensuite plus patient, réfléchissant longtemps avant de livrer l’objet de ses méditations. En 1900, il publie Les Phosphorescences et, huit ans plus tard, Bruyères et clarines. En 1895, La Baraque Michel et le Livre de fer inaugure un nouveau genre, suivi par Les Hautes Fagnes. Légendes et profils (1905), puis La Baraque Michel et la Haute Ardenne (1911), voire La Terre natale (1937). Auteur d’une dizaine d’ouvrages publiés entre 1878 et 1939, il est plus fécond encore en matière d’articles : ils paraissent dans de nombreuses revues dont la ligne éditoriale manifeste notamment des sympathies libérales et de l’intérêt pour la Wallonie (Le Guetteur wallon, Almanach wallon en 1923, La Défense wallonne en 1924). Il y décrit essentiellement la nature, ses paysages et ses caractéristiques ; il tire aussi le portrait de personnalités (comme celui de l’abbé Pietkin), raconte des événements (la fin tragique de deux jeunes gens honorés désormais par la Croix des Fiancés), ou peint des scènes de la vie rurale.

Président de l’« Œuvre de la misère cachée », co-fondateur des « Soirées populaires » et du cercle littéraire « Le Caveau verviétois », président de l’Université cinégraphique belge (section de Verviers), il rédige régulièrement des critiques de livres que publient les journaux verviétois L’Union libérale, La Presse et Le Travail. Membre responsable et délégué d’arrondissement du Touring-Club de Belgique (créé en 1895) auquel il apporte aussi des articles pour son magazine, membre effectif de la Commission des Monuments et des Sites, Bonjean se fait le défenseur du patrimoine naturel et bâti, le combattant inlassable contre la pollution urbaine, et l’ami déterminé des sentiers vicinaux. L’avocat a rassemblé la jurisprudence juridique en la matière afin de défendre « les sentiers anciens » qu’apprécie le promeneur. Ardent militant de la préservation de la flore et de la faune, il mobilise aussi l’opinion contre les dangers que fait courir à la nature « l’envahissement de l’industrialisme ».

Co-fondateur du Comité des Défenseurs de la Fagne (26 octobre 1911), il contribue, après l’Armistice, à la naissance de la « Ligue de la Fleur, des Plantations et des Sites », association destinée à l’embellissement de la ville de Verviers, et surtout, à partir de 1922, aux travaux du « comité restreint d’études et de défense du Haut Plateau » (avec Léon Frédéricq, l’abbé Bastin, Louis Pirard, Raymond Bouillenne), destinés à assurer le classement de la Fagne ; il sera nommé président d’honneur des « Amis de la Fagne », lorsque cette asbl est constituée en 1935. 

Surnommé de son vivant « l’apôtre de la Fagne », « le Fagnard des Fagnards », « Chantre de la Fagne », il n’eut de cesse d’obtenir la protection intégrale et officielle de la région des Hautes Fagnes et eut la satisfaction de voir ses efforts couronnés par le projet de reconnaissance de la Fagne en réserve nationale.

Sources

Joseph MEUNIER, Le poète Albert Bonjean et son œuvre, dans La Vie wallonne, août 1938, CCXVI, p. 357-374
André VLECKEN, Albert Bonjean. Le Chantre des Hautes Fagnes. Sa vie - son œuvre. 1858-1939, Verviers, Vinche, c. 1941
Benjamin STASSEN, La Fête des Arbres. L’Album du Centenaire. 100 ans de protection des arbres et des paysages à Esneux et en Wallonie (1905-2005), Liège, éd. Antoine Degive, 2005, p. 60
Joseph MEUNIER, Albert Bonjean, dans Biographie nationale, t. 29, col. 314-317
Bulletin de l’Association pour la Défense de l’Ourthe, juin 1932, n°48, p. 106 ; juin 1936, n°96, p. 205-206 ; juillet 1938, n°107, p. 215-218 ; juillet-septembre 1939, n°114, p. 190
R. COLLARD et V. BRONOWSKI, Guide du plateau des Hautes Fagnes, Verviers, éd. des Amis de la Fagne, 1977, p. 303
Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. I, p. 168.