Capitaine Ulysse

Académique, Histoire

Liège 23, 24 ou 26/12/1828, Rome 31/03/1871

Bibliophile, numismate, biographe et collectionneur érudit, Ulysse Capitaine a consacré sa courte existence à rassembler tout ce qui a trait à l’histoire de sa ville natale, élargissant quelque peu son approche à l’histoire du jeune État belge. À son décès, survenu à Rome en 1871, l’ouverture de son testament révéla qu’il léguait toutes ses collections à la ville de Liège. Ses livres, médailles, sceaux, gravures, autographes, cartes et plans, manuscrits, journaux et imprimés, ainsi que divers « objets », au total près de 20.000 « documents », deviennent le fonds constitutif des collections patrimoniales de la ville de Liège. Après avoir transité par l’Université et la Bibliothèque des Chiroux, cet imposant fonds qui s’est progressivement enrichi au fil des années a trouvé refuge en Féronstrée au début du XXIe siècle.

Issu d’un milieu bourgeois, aisé et lettré, le jeune Capitaine séjourne à Paris de 1845 à 1848, après des humanités au Collège communal de Liège ; il y séjourne avec son ami Jules Pety de Thozée, numismate passionné. La curiosité de Capitaine s’y nourrit de lectures et de cours (à l’École centrale et au Collège de France), mais aussi des événements de la capitale française. 

De sa rencontre avec l’enseignement de l’historien Augustin Thierry, il développe une passion pour l’histoire et prend conscience de ses propres racines. On ne sait si Capitaine a lu son Histoire de la conquête de l’Angleterre par les Normands, ouvrage de 1825 où l’historien évoque la Wallonie dans une dimension plus large que la Wallonie actuelle, en parlant d’un monde roman. Ce que retient Capitaine est en tout cas une idéalisation de la patrie idéale, à travers la cité de Liège. La démarche d’érudition que va développer Capitaine sera sa manière à lui d’affirmer son appartenance et son soutien à la Belgique de 1830, libérale et de langue française.

Après la 2e Révolution française de 1848 et la proclamation de la IIe République, il revient à Liège avec une partie déjà de ce qui deviendra sa collection. Après avoir étudié L’Institution de la Fête-Dieu, il s’intéresse alors fortement à la presse et, dès 1850, rédige une synthèse importante sur les journaux liégeois. 

Après un court séjour d’étude en Amérique du Nord et à Cuba (octobre 1850-janvier 1851), Ulysse Capitaine fait définitivement de Liège le cœur de ses préoccupations. Tout en menant des activités commerciales et industrielles, il s’attèle principalement à cultiver son érudition et à nourrir celle de ses contemporains. En avril 1850, il figure parmi les fondateurs de l’Institut archéologique liégeois, en l’occurrence il se retrouve avec la crème des érudits wallonisants, historiens et archivistes liégeois et namurois de son temps qui manifestent de l’intérêt pour « Liège », en particulier les Charles et Joseph Grandgagnage, Jean-Charles Delsaux, Adolphe Borgnet, Ferdinand Henaux, Mathieu Polain, Charles du Vivier de Streel, sans oublier son père, Félix, qui est avocat, industriel et, à ce moment, conseiller provincial libéral, et qui exerce une forte influence sur son fils.

Comme le libéralisme, la franc-maçonnerie est un autre point commun entre ces hommes, et l’une des premières recherches du jeune Capitaine porte précisément sur ce thème, la franc-maçonnerie avant 1830. En 1854, il publie un autre article, portant cette fois sur Le chant national liégeois : le Valeureux Liégeois. Secrétaire de l’IALg (1856), il entreprend d’identifier tous les Liégeois dignes de passer à la postérité (son Nécrologe liégeois compte 13 volumes annuels, 1851-1863 ; il rédige aussi des notices pour la Biographie nationale), et d’établir une vaste bibliographie liégeoise. Dans le même temps, son goût pour la langue wallonne et surtout son intérêt pour les mœurs et mentalités wallonnes au travers des pièces littéraires le conduisent à être parmi les fondateurs de la Société liégeoise de littérature wallonne (1856). De cette société, il sera le bibliothécaire et archiviste. 

Membre de la Société libre d’Émulation (1848), dont il devient le secrétaire général (1855-1867), Capitaine siège encore dans divers comités qui lui permettent de réaliser son objectif, réunir un maximum de documents intéressant l’histoire de Liège.

Juge titulaire au Tribunal de commerce de Liège (1861), administrateur du Comptoir d’escompte de la Banque nationale (1863-1871), membre de la Chambre de Commerce de Liège, goûtant à la politique comme son père (il est élu conseiller provincial en 1870), chroniqueur politique dans la presse libérale, Ulysse Capitaine souffre cependant des séquelles d’une maladie contractée à Cuba. Plusieurs séjours dans le pourtour Nord de la Méditerranée ne suffisent pas à rétablir sa santé et il meurt d’une pleurésie, alors qu’il se trouve à Rome.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
La Vie wallonne, octobre 1928, XCVIII, p. 67-71
La Meuse, 17 et 19 avril 1871 ;
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 72, 86-87
Philippe RAXHON, dans Nouvelle biographie nationale, t. II, p. 76-79
Alphonse LE ROY, Ulysse Capitaine, sa vie et ses travaux, dans Annuaire de la société liégeoise de littérature wallonne, Liège, 1872, p. 43-124
L. RENARD-GRENSON, Inauguration du médaillier liégeois au Musée archéologique. Ulysse Capitaine. In Memoriam, dans Chronique archéologique du Pays de Liège, janvier 1913, 8e année, n°1, p. 23-29