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Chainaye Achille

Culture, Journalisme, Militantisme wallon

Liège 26/08/1862, Richmond (près de Londres) 20/12/1915

Formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège (1877-1882), sa ville natale, Achille Chainaye dispose d’un vrai talent de sculpteur ; ses tentatives pour vivre de son art s’avèrent cependant infructueuses ; après avoir essuyé le refus d’une de ses œuvres à l’entrée du Prix Godecharle, il s’essaye au journalisme, cette fois avec un certain succès. Jean-Luc de Paepe considère Achille Chainaye comme le « deuxième » fondateur du journal La Réforme, quand il entre dans son comité de rédaction en 1885, soit un an à peine après sa création. On lui attribue l’introduction du « reportage intensif fondé sur l’interview » dans la presse de Belgique. Issu d’une famille de bateliers ayant ses quartiers à Liège, Achille Chainaye fut aussi un ardent défenseur de la cause wallonne depuis Bruxelles où il s’était installé.

Ayant recours au pseudonyme de (Jacques) Champal, nom d’un hameau situé près de Poilvache, il avait d’abord signé des critiques artistiques dans Le Wallon, en 1884, puis dans Le National belge, avant de devenir, à partir de 1886, le critique d’art du journal La Réforme républicaine et anticléricale, puis son seul et véritable journaliste. Par son style incisif et direct, il renouvelle le genre et fait preuve de novateur quand, dans un premier temps, il met l’accent sur l’interview – pratique révolutionnaire pour l’époque – et, dans un second temps, quand il convainc le comité de rédaction d’introduire des illustrations dans le journal : ce changement intervient en décembre 1895, au moment où, avec son frère Hector, Achille Chainaye décide de reprendre la direction du journal, suite au retrait d’Émile Feron (1841-1918), l’un de ses fondateurs et son directeur politique depuis 1884. Tout en conservant son orientation politique au journal, Achille occupe le poste d’administrateur délégué jusqu’au dernier numéro du quotidien, début 1907. Il n’aura d’autres préoccupations que son journal soit le premier à publier l’information la plus précise. Ainsi, en 1898, pour atteindre cet objectif, il avait fait imprimer deux éditions différentes de La Réforme pour rendre compte du verdict de l’affaire Dreyfus : l’une portait en manchette « Acquittement », l’autre « Condamnation ». En dépit du coût, il avait fait le choix que toute une édition fut ainsi envoyée au pilon pour que l’autre soit la première dans les kiosques.

Ensemble, les frères Chainaye donnent à La Réforme une nouvelle dynamique ; les journalistes sont plus jeunes ; les techniques journalistiques mieux maîtrisées. Mais un fossé se creuse entre les fondateurs actionnaires et la nouvelle équipe ; en un mois, tous les anciens quittent La Réforme (octobre 1899) et, sans capitaux, la feuille va finalement devoir disparaître en dépit des efforts des frères Chainaye. Le suffrage universel, l’instruction obligatoire et la défense de la politique coloniale a occupé une part importante des colonnes d’un journal qui s’ouvre à la question wallonne vers 1904/1905.

À ce moment, Hector dirige la Ligue wallonne de Bruxelles ; avec Alphonse Sasserath, il est le délégué officiel au Congrès wallon qui se tient à Liège en 1905 et intervient régulièrement dans les débats afin de défendre le passage par Liège des grands trains internationaux, de réclamer l’instruction obligatoire et de plaider en faveur de la suprématie de la langue française en Flandre. L’imposition du français en Flandre est une question qui déchire le congrès de Liège de 1905 et la Ligue wallonne de Bruxelles propose d’organiser un autre Congrès en 1906 pour trancher le sujet. Créée peu après le congrès de Liège, pour regrouper les délégués de l’ensemble des ligues et associations wallonnes du seul arrondissement de Bruxelles, la nouvelle Ligue wallonne du Brabant sera elle aussi dirigée par les frères Chainaye. En février 1907, après un scrutin où deux listes s’affrontent, Hector Chainaye en devient le président. Il le restera jusqu’à son décès, en septembre 1913, avec le soutien total de son frère, Achille.
Après la liquidation de La Réforme (1907), Achille Chainaye a retrouvé des collaborations comme chroniqueur à La Meuse, au Petit Bleu, à La Chronique, voire à L’Autorité financière. La politique et la finance se sont imposées à ses critiques artistiques. Parallèlement, le journaliste se consacre aussi à l’action wallonne, apportant sa collaboration à des journaux et revues, mobilisant les citoyens et les politiques aux enjeux de l’époque. En 1910, il soutient la liste wallonne qui se présente aux élections législatives du mois de mai. Son frère est tête de liste. L’expérience d’une liste wallonne – la toute première dans l’histoire – se solde par un double échec ; les électeurs n’ont pas suivi et des amis ont quitté la Ligue wallonne pour rejoindre leur famille politique.

Étudiant sans tabou la formule de la séparation administrative sans en être un véritable partisan, Achille Chainaye participe au Congrès wallon de juillet 1912 et, avec son frère, figure parmi ceux qui convainquent Jules Destrée d’ouvrir l’Assemblée wallonne aux Wallons de Bruxelles. Lors de la constitution de ce Parlement wallon informel, les deux frères deviennent deux des délégués de cet arrondissement (octobre 1912) et ils prennent part aux travaux de l’Assemblée. Au décès de son frère (septembre 1913), Achille lui succède à la présidence de la Ligue wallonne du Brabant et il exerce la fonction jusqu’à l’offensive allemande d’août 1914.

Réfugié en Angleterre avec sa famille, Achille Chainaye se consacre à des œuvres de bienfaisance et collabore à divers journaux dont La Belgique nouvelle et L’Indépendance belge. Le baron Empain lui propose même de prendre la direction d’un journal. Restant fidèle au mot d’ordre donné au nom de la Ligue wallonne du Brabant le 4 août 1914 de ne pas entamer de discussions sur la question wallonne tant que les Allemands occuperaient le pays, Chainaye devient le responsable de la Ligue des Patriotes belges. Sa disparition soudaine, deux ans après son frère, met un terme à ses nouveaux projets.

Sources

Philippe CARLIER, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 252-253
Paul DELFORGE, L’Assemblée wallonne (1912-1923). Premier Parlement de la Wallonie ?, Namur, Institut Destrée, décembre 2012, coll. Notre Histoire n°10
Célestin DEMBLON, Achille Chainaye, Champal de la Réforme, dans Les Hommes du jour, Revue biographique hebdomadaire, [1895], n°18
Jean-Luc DE PAEPE, La Réforme, organe de la démocratie libérale, CIHC, Cahiers 64, Leuven-Paris, 1972, p. 27-29, 137-138
Maurice COOSEMANS, Biographie coloniale belge, Bruxelles, 1948, t. I, col. 228