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Colard de COLNET (dit aussi Nicolas ou écrit Collart, voire Colart) Colard

Socio-économique, Entreprise

Leernes c. 1430, Leernes début du XVIe siècle (après 1504)

Pour Georges Dansaert, il ne fait aucun doute qu’à l’origine, les Colnet venaient d’Italie – les Colneti de Venise –, avec le lourd bagage des verreries du XVe siècle. Ils sont passés par Anvers et ont essaimé dans les Pays-Bas, en Hainaut particulièrement, ainsi qu’en principauté de Liège. Dansaert identifie un Jean (de) Colnet à Fontaine-l’Evêque en 1438 qui s’occupe d’une verrerie. Virgile Lefebvre ajoute qu’il avait fait construire là-bas une petite fabrique dont l’emplacement est dénommé « chemin du four à verre », actuelle « rue du four à verre ». En déconstruisant définitivement la piste des origines italiennes des Colinet, Benoît Painchart confirme qu’une branche de la famille Colinet, spécialiste en verrerie, était établie à Momignies dans la dernière moitié du XIVe siècle.  Les frères Jehan et Collart Colinet y étaient actifs. Par la suite, deux « Jehan Colinet » poursuivront à partir de Momignies les activités de Collart, tandis qu’un Jehan puis un Collart assureront la succession du « premier » Jehan, mais en établissant leur four à verre à Leernes, en pays de Liège.

Petit-fils de Jehan Colinet ou Colnet (c. 1350 – 1412/1414), fils de Jean Colnet (c. 1400 – av. 1479), natif du pays wallon dans les années 1430, Colard Colnet est le troisième représentant de la branche de Leernes de la dynastie des Colnet, appelés à devenir les maîtres de la plupart des verreries « wallonnes » au XVIe siècle ; les Colnet/Colinet/Collenet, quelle que soit l’orthographe, seront présents en  Brabant wallon, en principauté de Liège et de moins en moins dans le pays de Chimay ; pendant quatre siècles, leurs produits satisferont les besoins du marché en verre à vitre et en verre commun du pays wallon. Les Colnet ou Colinet ont acquis une bonne connaissance du métier de verrier par une très longue tradition familiale et un premier apprentissage du « procédé normand », dit aussi « des plateaux ». Par la suite, ils pourraient avoir appris des secrets de fabrication auprès de Vénitiens émigrés (CHAMBON, PHILIPPE).Selon Painchart, c’est en 1447 que Jehan Colinet – le père de Colart – obtient de l’abbaye de Lobbes le droit d’ouvrir un four à verres dans la paroisse de Leernes. Quinze ans plus tard, signe dans son intégration réussie dans son nouveau milieu, il est fait mayeur de Leernes (1462). En 1467, Jehan Collinet et son fils Collart sont anoblis par le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, et se voient accorder de nombreux privilèges. Ces dispositions s’inspirent de celles octroyées en France par Charles VII à l’égard d’un verrier de l’Aisne en 1438. En pays wallon, ce sont les plus anciennes reconnaissances connues à propos de verriers.

En raison de l’importance accordée à leur activité artisanale si particulière, les Colnet sont « tenus et réputés pour gens francs, ainsi que leurs familles et leurs serviteurs, sans être ou pouvoir être contraints de subventions, aides, gabelles, impôts ou servages quelconques ». Les Colnet bénéficient de surcroît d’une protection particulière – eux et leurs biens – de la part du grand bailli du Hainaut. Durant la période bourguignonne caractérisée par l’unification de territoires jusque-là disparates, le père Colinet va savamment déjouer les entraves frontalières et dédouaner progressivement son commerce des droits de passage : « il s’agit du premier exemple connu en Europe d’abolition des barrières fiscales pour la commercialisation du verre à l’échelle internationale » (PAINCHART). « Maître Collart Colnet » poursuivra dans la lignée familiale et, en 1479, il obtiendra de Louis de Bourbon, prince-évêque de Liège, la confirmation des titres et privilèges accordés aux Colnet par les Bourguignons. Ainsi, le maître verrier jouit-il encore plus de facilités pour commercer par-delà les frontières politiques et surtout fiscales de son temps.

Selon Chambon, Colart Colnet possédait à Macquenoise, paroisse de Momignies, tant le four à verre que des maisons et des terres, ainsi que des droits pour couper des arbres en Thiérache (c. 1473).   En 1467, 1479 et 1504, Colard de Colnet est reconnu comme maître principal du four à verres de Leernes (enclave en Hainaut dépendant de la principauté de Liège). Exerçant un métier très spécialisé, considérés comme des gentilshommes, les membres de la famille Colnet sont les principaux artisans de leur exploitation, jaloux de leurs secrets et de leur savoir. Colard assure la formation de ses fils Gilles et Englebert ; ils seront à l’origine des deux principales branches des Colnet, dont celle de Gilles sera la plus longue.

Les origines des Colnet ainsi que leurs activités font l’objet de débats depuis de très nombreuses années ; ils sont loin d’être terminés. En effet, depuis le début du XXIe siècle, les écrits de Raymond Chambon sont très sérieusement remis en cause. Or, son ouvrage de synthèse sur l’histoire du verre en Belgique est une référence qui pèse lourdement sur la vision traditionnelle de l’histoire du verre dans le pays wallon, en particulier dans la région de Chimay. À l’instar de Benoît Painchart qui – notamment dans la revue Éclats de Verre – a donné un sérieux coup de balai sur l’historiographie traditionnelle, on restera par conséquent attentif à toute nouvelle information permettant de cerner les activités des Colnet, de Colard (de) Colnet en particulier.
 

Sources

Benoît PAINCHART, L’activité verrière des Colinet au Sart de Chimay, XIIIe-XVIIe siècles, cinq articles répartis  dans la revue Éclats de Verre, du n°21 au n°25, mai 2013-mai 2015
Janette LEFRANCQ, Apports et incidences de l’œuvre de Raymond Chambon sur l’histoire de la verrerie en Belgique, dans Annales du XVIIe Congrès de l’AIHV (qui a eu lieu à Anvers en 2006), Anvers, 2009, p. 339-343
Jutta-Annette PAGE, The ‘Catalogue Colinet’ : a mid-16th-century manuscrit ?, dans Johan VEECKMAN (dir.), Majolique et verre de l'Italie à Anvers et au-delà : la diffusion de la technologie au XVIe et au début du XVIIe siècle, Anvers, 2002, p. 243-262
M. THIRY, Les verreries du Hainaut, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 93-103
Luc ENGEN, Les verreries du Pays de Liège, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 135
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=jean;n=de+colnet;oc=3 (s.v. novembre 2014)
Michel PHILIPPE, Naissance de la verrerie moderne XIIe-XVIe siècles. Aspects économiques, techniques et humains, Turnhout, Brepols, 1998, coll. dans De Diversis Artibus, XXXVIII, p. 80, 241-242, 402-403
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_2004_num_82_4_7239_t1_1189_0000_2 (s.v. décembre 2014)
http://afaverre.fr/Afaverre/bibliographie-de-raymond-chambon-concernant-le-verre/ 
Armorial général des d’Hozier ou Registres de la noblesse de France, Paris, 1869, vol. 7, p. 509
Stanislas BORMANS, La fabrication du verre de cristal à Namur, dans Bulletin des commissions royales d'art et d'archéologie, Bruxelles, 1888, volume 27, p. 472, note 1 qui cite J-G. Le Fort, héraut d’armes du pays de Liège
C. d’E-A., Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle, Evreux, 1912, t. 11, CIB-COR, p. 214-215
Georges DANSAERT, Faire son chemin. Histoire de la famille Desandrouin, dans Documents et rapports de la Société royale paléontologique et archéologique de l’arrondissement judiciaire de Charleroi, Thuin, 1937, t. 37, p. 1-14, 19
Benoît PAINCHART, extrait de la revue Éclats de Verre, n°8 ; cfr www.genverre.com 
Raymond CHAMBON, Histoire de la verrerie en Belgique du IIe siècle à nos jours, Bruxelles, 1955
Raymond CHAMBON, Les Verreries forestières du Pays de Chimay du XIIe au XVIIIe siècle d’après les documents d’archives, dans Publications de la Société d’histoire régionale de Rance 1959-1960, Chimay, 1960, t. IV, p. 111-180
Virgile LEFEBVRE, La verrerie à vitres et les verriers de Belgique depuis le XVe siècle, Charleroi, Université du Travail, 1938
C. d’E-A., Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle, Evreux, 1912, t. 11, CIB-COR, p. 214-215
Armorial général des d’Hozier ou Registres de la noblesse de France, Paris, 1869, vol. 7, p. 509
La difficile gestion des ressources humaines autour d’un four de  verrerie à la fin de l’Ancien Régime en France par Stéphane Palaude, docteur en Histoire, Université de Lille 3 
Adolphe-Jérôme BLANQUI, Dictionnaire du commerce et de l’industrie, Volume 4, p. 449
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 256
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 277
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 277