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de Tombeur Charles

Culture, Littérature

Saint-Josse-ten-Noode 04/08/1864, Schaerbeek 11/10/1887

Alors étudiant en médecine à l’Université libre de Bruxelles, Charles de Tombeur donne un élan prodigieux à la « Wallonie », dans les années 1880. Sa disparition subite en 1887 l’empêchera de développer les multiples projets dont il était porteur ; méconnu, son nom reste néanmoins attaché à l’émergence de la Wallonie.

Avec les années 1880, la Belgique voit fleurir une génération de jeunes écrivains désireux de bouleverser les codes en vigueur. Nombreux sont les auteurs et romanciers wallons qui travaillent la veine régionaliste, tandis que des poètes wallons s’engagent dans l’aventure symboliste. Réagissant contre la vogue du réalisme, ce courant inaugure une renaissance de l’idéalisme, parfois marquée par une quête mystique que d’aucuns qualifieront de nébuleuse.

À la jonction entre ces courants, Charles de Tombeur nourrit le nouvel idéal poétique en créant, avec Hector Chainaye et André Fontainas, la revue La Basoche (1884-1886). Quelques semaines auparavant, il avait ressuscité la revue L’Étudiant qu’il va diriger en 1884, avant de devenir le directeur de La Basoche (1884-1886). Au fur et à mesure des numéros, Tombeur et Chainaye inscrivent La Basoche dans un cadre régionaliste. 

Dans le même temps, via Hector Chainaye, Charles de Tombeur découvre une autre revue symboliste, L’Élan littéraire (1885-1886), fondée et dirigée par Albert Mockel, associé à un petit groupe d’étudiants de l’Université de Liège, membres du cercle universitaire L’Élan. Outre Chainaye et Mockel, on y rencontre notamment Louis Jottrand, Ernest Mahaim, Fernand Séverin et Iwan Gilkin. Au sein de cette équipe, on sent chez les uns la volonté de ne se consacrer qu’à la littérature, chez les autres d’y ajouter une dimension plus politique, notamment par rapport aux revendications flamandes en matière linguistique. Informé par Chainaye des intentions de Mockel et de Chainaye d’introduire davantage de questions culturelles voire d’affirmation régionale, Charles de Tombeur – que Mockel fait naître à Huy – encourage les Liégeois à franchir le pas : « Arborez un son clair, sonore, wallon, devenez nos félibres... Wallonnie (sic) pour toujours, n’est-ce pas Chainaye ? », écrit-il dans La Basoche (t. II, p. 192). Dans ses souvenirs, Albert Mockel raconte en effet que son intention était de reprendre à son compte la revue du cercle universitaire et d’en changer le titre. Cela se passe en février 1886 :
«  (…) j’avais résolu d’en changer le titre. Mais le petit recueil aurait pu s’appeler la Terre wallonne ou la Revue wallonne aussi bien que La Wallonie. Un confrère né à Huy et fixé à Bruxelles, notre ami Charles de Tombeur, connaissait par Hector Chainaye mes projets : il les appuya d’un conseil dans sa revue La Basoche (mars 1886) : Soyez nos Félibres et WALLONNIE avant tout ! Cette note me décida, et l’on peut dire par conséquent que le mot Wallonie doit surtout à Charles de Tombeur sa diffusion actuelle. Ma part de responsabilité se limite à l’orthographe. Le mot étant inusité, je crus pouvoir l’alléger d’une n : Wallonie, cela paraissait plus logique que Wallonnie ; c’était surtout plus élégant et cela seul, au fond, importait dans une revue d’art. (...) ».

Résolument wallonne et symboliste, la nouvelle revue de Mockel s’ouvrira à de grands poètes symbolistes français, tels que Mallarmé, ainsi qu’aux poètes flamands d’expression française tels que Maurice Maeterlinck ou Charles Van Lerberghe. Elle connaîtra un succès exceptionnel durant son existence, entre 1886 et 1892. On n’y trouve pas d’article de Tombeur à propos duquel les informations restent bien rares. Critique théâtral et artistique du National Belge, il entre comme secrétaire de rédaction à La Réforme, journal républicain et anticlérical pour lequel il était déjà chroniqueur parlementaire.

L’encouragement de Tombeur à Albert Mockel fut décisif. « À cette époque, rapporte Mockel, le mot Wallonie était si peu usité que plusieurs personnes nous demandèrent ce qu’il signifiait. On ne connaissait pas d’autres expressions que « le pays wallon ».

Sources

Jean-Luc DE PAEPE, La réforme, organe de la démocratie libérale (1884-1907), Louvain-Paris, Nauwelaerts, 1972, Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine, Cahiers n°64, p. 144
Paul DELFORGE, Philippe DESTATTE, Micheline LIBON (dir.), Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000-2001, 3 vol.
Arnaud PIROTTE, L’apport des courants régionalistes et dialectaux au mouvement wallon naissant. Une enquête dans les publications d’action wallonne de 1890 à 1914, Louvain, Collège Érasme, 1997
Alain CLARA, La Presse d’action wallonne (1918-1940), mémoire de licence en histoire, Université de Liège, 1980-1981
Wallonia, t. 17, 1909, p. 172-173
Marie-José MOREAU, Les revues du mouvement régionaliste wallon. 1858-1914. Contribution à leur inventaire et à leur description, s.l., 1972, manuscrit inédit
Paul ARON et Pierre-Yves SOUCY, Les revues littéraires belges de langue française de 1830 à nos jours. (Edition revue, corrigée et augmentée), Editions Labor, 1998 
A-H. BOSSENS, Littérature et combat régionaliste. L’apport d’écrivains d’expression française au mouvement wallon 1884-1914, mémoire de licence, Louvain-la-Neuve, 1997.
André FONTAINAS, Mes souvenirs du symbolisme, Paris, 1928 (réédité à Bruxelles en 1991)