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Dewandre Paul

Socio-économique, Entreprise

Charleroi 10/02/1866, Charleroi 03/03/1953

Par sa mère Jenny de Haussy (1830-1907), Paul Dewandre est l’un des petits-fils de François Philippe de Haussy (1789-1869), premier gouverneur de la Banque nationale (1850) ; par son père, le sénateur Barthel Dewandre (1822-1893), il est le petit-fils de Henri Dewandre (1790-1862), qui fut membre du Congrès national en 1830-1831, et un lointain cousin du sculpteur et architecte liégeois François-Joseph Dewandre (1758-1835). Par son mariage, en 1891, avec Élise Audent (1871-1947), Paul Dewandre se lie avec la famille du bourgmestre de Charleroi, Jules Audent (1834-1910), par ailleurs aussi financier, industriel et propriétaire immobilier. Son frère, Franz (1851-1925), avocat, plusieurs fois bâtonnier de Charleroi, sera par ailleurs échevin de la ville de Charleroi. 

Ingénieur des mines, diplômé de l’École des Mines de Liège, Paul Dewandre se fera plus discret que ses aïeuls, menant une carrière d’homme d’affaires et d’industriel dont la mémoire collective ne retient généralement que le fait qu’il était l’une des plus grosses fortunes du pays. Le nom de Paul Dewandre se retrouve en effet davantage dans des compositions de conseils d’administration qu’en première page des journaux. Seule sa passion pour l’automobile le fait sortir de l’ombre. Régulièrement, lors des tout premiers salons consacrés aux véhicules à moteur, bien avant la Grande Guerre, il représente sa société auprès des grandes personnalités de l’époque. Les voitures Germain, qui sortent des Ateliers du même nom, installés sur la commune de Monceau-sur-Sambre, sont en effet du ressort d’une Société anonyme où Paul Dewandre apparaît comme « ingénieur-directeur », du moins à partir de 1907.

Autrefois spécialisés dans la construction des rails et wagons de chemin de fer, les Ateliers Germain ont été pionniers dans la construction automobile en créant un département spécifique avant le début du XXe siècle. Dès ce moment, le nom des Dewandre apparaît dans le Conseil d’administration à côté de l’énigmatique Auguste Germain, et d’importants industriels comme le patron de Cockerill, Adolphe Greiner, des armuriers liégeois, des lainiers verviétois, ou du célèbre Julien Dulait, le « père des ACEC ». C’est un vrai projet industriel wallon qui se construit autour de l’automobile à ce moment. Paul Dewandre ne figure pas parmi les premiers actionnaires ; son arrivée coïncide avec une augmentation de capital et l’apport d’une convention signée avec la Vve Émile Levassor, en 1907. À partir de ce moment, les Ateliers Germain vont disposer de « la propriété exclusive de tous les brevets belges et de perfectionnements que M. Daimler pourrait prendre ou déposer quant aux perfectionnements qu’il pourrait apporter à ses moteurs et à ses voitures automobiles ou à ses tricycles à pétrole ; etc. ». Le Conseil d’administration s’élargit alors à Gottlieb Daimler, président de la Motoren Daimler Gesellschaft et administrateur de la SA des anciens établissements Panhard et Levassor. Le brevet Panhard-Levassor pour la voiture et le brevet Daimler-Phoenix pour le moteur sont des gages de succès pour la Germain. La SA des Ateliers Germain s’impose comme l’un des plus importants constructeurs d’automobiles du pays, reconnu pour la fiabilité, l’élégance et la puissance de modèles qui se diversifient. Avec le chevalier de Spirlet, Paul Dewandre est le représentant de la marque. À la veille de la Grande Guerre, Germain propose sept modèles différents et exporte énormément vers l’Angleterre. 

S’il a pu investir dans le secteur automobile, Paul Dewandre le doit certes à ses activités, mais aussi à la fortune paternelle constituée de participations dans d’importantes sociétés diversifiées : Compagnie du chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand ; Compagnie des Charbonnages de Piéton ; Comptoir d’escompte de la Banque nationale à Charleroi ; SA des Laminoirs, Hauts-Fourneaux, Forges, Fonderies et Usines de la Providence à Marchienne-au-Pont et, déjà dans les années 1880, les Ateliers Germain… L’invasion allemande d’août 1914 met un violent coup d’arrêt à la dynamique de toutes ses activités.

Un épisode particulier témoigne alors de la puissance de Paul Dewandre. En deux jours (21 et 22 août), l’envahisseur allemand a montré toute sa puissance de frappe et sa détermination dans « la bataille de Charleroi ». Tous les ponts sur la Sambre sont pris, hormis ceux de la Ville basse, et il apparaît que les forces françaises se retirent. De surcroît Liège est tombée et Bruxelles est occupée. Afin d’éviter à Charleroi davantage de destructions et de morts, une délégation composée notamment du bourgmestre Devreux et du député-échevin Buisset se rend auprès des officiers allemands. Moyennant le paiement de 10 millions de francs-or, dont 2 à verser immédiatement en espèces, de nouvelles destructions et victimes sont épargnées au pays de Charleroi (traité de Couillet, 23 août). Tous les notables contribuent à rassembler les montants exigés, en particulier Paul Dewandre. Alors que le 22 août, les bureaux des Ateliers Germain se sont envolés en fumée au cours de l’avancée allemande du côté de Monceau, il réunit dans l’urgence près d’un demi-million de francs belges en titres de rente. Charleroi ne subit plus de dommages.

Après la Grande Guerre, Paul Dewandre reprend ses multiples activités, mais les ateliers Germain ne rimeront jamais plus avec construction automobile ; ils renouent avec la production de matériel ferroviaire, ainsi qu’avec une gamme importante de moteurs industriels et de moteurs marins. Administrateur de sociétés - des Forges de la Providence, de la Faïencerie impériale et royale de Nimy, de la Faïencerie de Maastricht, de la Boulonnerie de Liège, de la Glace Pure (dont il a été le fondateur –, Paul Dewandre est entré dans le Conseil d’administration de la Fabrique de Fer de Charleroi en 1911 ; à partir d’avril 1929, il en devient le président et le restera jusqu’à son décès en 1953. Par ailleurs, il préside aussi aux destinées des Charbonnages du Petit Try, de la SA Ferrociment, de la Fabrique de Fer de Maubeuge. Il est aussi administrateur de la compagnie d’assurances Union et Prévoyance avant la Grande Guerre et il la préside dans l’Entre-deux-Guerres.

Ayant hérité de la maison de Jules Audent (1910), le couple Paul Dewandre/Elise Audent avait réaménagé entièrement l’hôtel particulier du centre de Charleroi qui abritera le consulat d’Italie de 1958 à 2013. Il était aussi propriétaire de la « Maison au Bois » à Leernes.

Sources

L’Indépendance belge, 23 décembre 1907 ; L’Indépendance belge, 29 décembre 1907 ; La Gazette de Charleroi, Journal de Charleroi, L’Indépendance belge, avant 1914
Daniel CONRAADS et Dominique NAHOÉ, Sur les traces de 14-18 en Wallonie, Namur, IPW, 2013, p. 151
Annexes du Moniteur belge, 12 novembre 1897, n°3999, p. 429-436 ; n°4481, p. 991-996
http://gw.geneanet.org/bwautier?lang=fr&m=N&v=DEWANDRE 
http://gw.geneanet.org/bwautier?lang=fr&pz=alicia+sixtine+angele+christine&nz=wautier&ocz=0&p=paul+joseph+marie+alexis&n=dewandre 
Reconstruire la ville sur la ville. Recyclage des espaces dégradés. Rapport intermédiaire de la subvention 2004-2005, Namur, MRW, 2005, p. 60
Pierre MASSET, Histoire de Monceau-sur-Sambre, Frameries, Dufrane-Friart, 1901, p. 159
Jean-Louis DELAET, Le Pays de Charleroi dans la tourmente, dans La bataille de Charleroi, 100 ans après, Académie Royale de Belgique (Actes de colloque, Charleroi, 22 et 23 août 2014), coll. « Mémoires de la Classe des Lettres - Collection in-8° / IV-VII » (no 2097),‎ 2014, p. 55-77
Albert DULAIT, Remember. Souvenirs de guerre, de défense devant les tribunaux de campagne allemands et de captivité en Allemagne, Bruxelles, Albert Dewit, 1919