Doppagne Albert

Académique, Philologie

Vierset-Barse 29/06/1912, Corroy-le-Grand 13/11/2003

À l’instar d’autres philologues dont la notoriété a depuis longtemps franchi les frontières de la Wallonie pour s’inscrire dans la francophonie, Albert Doppagne s’est illustré comme un farouche défenseur de la langue française. Dans les années 1970, il mène campagne contre les belgicismes et toutes les déformations de la langue française. Dialectologue voire ethnologue, professeur à l’Université libre de Bruxelles, premier titulaire d’une chaire d’Arts et Traditions populaires en Europe, ce spécialiste du bien parler fut aussi, avec Joseph Hanse, l’un des initiateurs de Championnats d’orthographe. Depuis cette époque, les temps ont changé : au lieu d’être chassés, les particularismes sont cultivés et entrent même dans les dictionnaires de référence.

Étudiant en Philologie romane de l’Université de Liège au début des années 1930, il suit avec grand intérêt le cours de dialectologie de Jean Haust, qui le charge, en 1934-1935, de réaliser une enquête complète pour l’Atlas linguistique de la Wallonie en préparation, dans les communes de Nandrin et Marchin. Docteur diplômé de l’Université libre de Bruxelles, après avoir défendu une thèse portant sur Le parler de Louette-Saint-Pierre (1948), Doppagne est nommé professeur dans cette université, où il consacre ses études et publications surtout au folklore et à l’onomastique, disciplines-sœurs de la dialectologie.

Membre du Conseil international de la Langue française à Paris et animateur de la revue Francophonie vivante, il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les manières de dire et d'écrire, dont La bonne ponctuation et Majuscules, abréviations, symboles et sigles, qui font autorité dans diverses maisons d'édition. Ardent défenseur d’une pratique châtiée de la langue française, Doppagne a entamé, avec les années 1960, une collection d’expressions et de mots utilisés exclusivement par des locuteurs belges de langue française : cet inventaire est constitué afin de mieux combattre cette « sous-variété de français abâtardi ». Publié avec Joseph Hanse, son ouvrage Chasse aux belgicismes (1971) remporte un beau succès de librairie et la médaille de bronze du Prix de la Langue française de l’Académie française. Mais, avec les années, Doppagne devra bien se résoudre à l’évidence : son combat contre les belgicismes était perdu d’avance.

Dans la foulée, et toujours avec Joseph Hanse, il lance des Championnats nationaux d’orthographe – devenus Championnats d’orthographe de la Communauté française de Belgique, en 1994, les Championnats d’orthographe-Orthographia, en 2000 – dont il préside le jury pendant vingt ans. Ces concours inspireront Bernard Pivot et ses Dicos d’or organisés dans l’Hexagone.

Auteur de nombreux articles et chroniques à la radio et dans la presse écrite, membre de diverses sociétés savantes dans lesquelles il joue un rôle actif, notamment à la Société belge de Folklore et à l’Association des Écrivains belges, président honoraire du Conseil supérieur d’Ethnologie et de l’Office du Bon Langage, Albert Doppagne a remplacé Edgard Renard à la Société de Langue et de Littérature wallonnes, en 1970. Le 12 décembre 2001, il y fait une dernière communication, consacrée aux expressions proverbiales qu’il a relevées dans le wallon de sa région natale, le Condroz hutois. Par ailleurs, en 1976, il a été l’un des 143 signataires de la Nouvelle Lettre au roi (29 juin), destinée à dénoncer l’extrême lenteur mise dans l’application de l’article 107 quater de la Constitution ; il plaide ainsi en faveur d’un fédéralisme fondé sur trois Régions : Bruxelles, Flandre et Wallonie.

Récompensé du Prix André Baillon pour André Baillon, héros littéraire (1950), du Prix Saintour de l’Académie française pour Trois aspects du français contemporain (1966) et Nouvelle chasse aux Belgicismes (1974), Albert Doppagne reçoit encore le Prix Pol Comiant pour son ouvrage Pour une écologie de la langue française (1979).

Depuis 1995, un prix littéraire triennal porte son nom ; il est attribué par la fondation Charles Plisnier. Ce prix Sciences humaines et folklore récompense des jeunes chercheurs qui se sont distingués dans les matières chères à Albert Doppagne : la dialectologie, le folklore et l’onomastique.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, dont Le Soir, 17 novembre 2003
André GOOSSE, dans La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres. Arts. Culture, t. III, p. 180
http://www.academie-francaise.fr/albert-doppagne (s.v. mars 2016)

Œuvres principales

Le parler des lamineurs de la vallée du Hoyoux, essai (1939)
Petite anthologie des genres lyriques, essai (1941) 
Notes de dialectologie hutoise (1950)
André Baillon, héros littéraire, essai (1950) 
Les noms de personnes de Louette-Saint-Pierre, essai (1953) 
Trois aspects du français contemporain, essai (1966) 
Japoniaiseries, poèmes (1967) 
Français régional et bon usage, essai (1968) 
Chasse aux belgicismes, essai (1971, avec Joseph Hanse) 
Les grands feux, essai (1972) 
Nouvelle chasse aux belgicismes, essai (1974, avec Joseph Hanse) 
Les Sarrasins dans la tradition populaire de Wallonie, essai (1977) 
Esprits et génies du terroir, essai (1977) 
Les régionalismes du français, essai (1978) 
Le diable dans nos campagnes : Wallonie, Champagne, Lorraine, Picardie, essai (1978) 
La bonne ponctuation, essai (1978) 
Majuscules, abréviations, symboles et sigles, essai (1979) 
Pour une écologie de la langue française, essai (1979)
Les pièges du français et comment les éventer, essai (1979) 
Belgicismes de bon aloi, essai (1979) 
Guide de la publication, essai (1980) 
Le roseau vert. Chroniques de langage, essai (1985) 
1971-1991 Les dictées des championnats nationaux d'orthographe, essai (1991) 
Belgicismes. Inventaire des particularités lexicales du français en Belgique (1994, avec les membres du CILF)