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Dresse (de Lébioles) Paul

Culture, Littérature

Liège 24/09/1901, Liège 04/02/1987

Poète, essayiste, romancier, critique littéraire, Paul Dresse est un auteur prolifique, marqué profondément par l’évolution rapide de la société et nostalgique d’une époque où le respect de la hiérarchie et des valeurs religieuses créait de l’ordre.

Rompant avec la tradition familiale – les Dresse sont des fabricants d’armes établis à Liège depuis plusieurs générations –, Paul Dresse entame des études de Lettres à l’Université de Liège au lendemain de la Grande Guerre. En 1926, il obtient le titre de docteur pour une thèse consacrée aux Idées politiques de Charles Maurras à l’époque de sa jeunesse. En 1924, ce fils de la grande bourgeoisie catholique liégeoise était déjà parmi les fondateurs des Cahiers mosains, qui deviendront Les Cahiers mosans en 1927 ; animateur principal, il en fait une revue de qualité, stricte, voire rigide et stigmatisante, dans un premier temps, à l’égard de la nouveauté, ouverte à de bonnes plumes et plus tolérante à partir de 1930, même si nul n’ignore que Paul Dresse est un fidèle des idées de Maurras (1868-1952) et de l’Action française en dépit des condamnations dont ils font l’objet. Publiant ses poèmes dans les Cahiers, voire un article sur les origines ardennaises de Paul Verlaine qui, en 1924, est une vraie découverte, Paul Dresse feint de ne pas s’occuper de politique, mais seulement de littérature.

Une quinzaine d’autres recueils de poésies suivront, appréciés par la critique et récompensés par plusieurs prix littéraires (Prix Malpertuis 1948 de l’Académie de langue et littérature française, Prix Charles Van Lerberghe 1954). La nostalgie, le frère disparu au champ d’honneur, ses impressions de voyages, son questionnement intérieur et sa foi religieuse, Liège et sa vision de la Belgique, les troubles suscités chez cet ami de l’Allemagne par les deux guerres mondiales, tels seront les thèmes de prédilection du poète, mais aussi de l’essayiste, du dramaturge et du romancier.

Dans Le complexe belge, paru en 1945 et réédité en 1968, Dresse se pose en défenseur d’une Belgique idéalisée, dont l’unité religieuse fait la force ; rêvant d’une heureuse synthèse des sentiments flamand et wallon, il considère Bruxelles – en particulier la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule – comme le symbole même du microcosme auquel il aspire. Partisan d’une nation belge forte, il prend volontiers exemple sur Edmond Picard, sur Pierre Nothomb, voire surtout sur Paul Colin quand celui-ci écrivait sa Belgique, Carrefour de l’Europe.

De ses nombreux séjours en Rhénanie, le dramaturge tire une pièce en quatre actes, Vogelsang (1951) et, un quart de siècle plus tard, c’est entre l’extrême ouest de l’Europe et l’Afrique qu’il situe le drame Sébastien de Portugal. Liège enfin, inspire le romancier qui publie, entre 1956 et 1965, cinq volumes d’une Chronique de la tradition perdue. Truffée de références à la vie et à l’histoire du pays de Liège sous l’Ancien Régime, cette saga met en scène une certaine vie liégeoise, celle d’une bourgeoisie enrichie par ses activités dans le domaine de l’armurerie, avant de se lancer dans la mécanique automobile ; se déroulant sur plusieurs générations, de la fin du XVIIIe siècle au début du XXe siècle, elle touche aussi à la période de la Grande Guerre (Le temps de Caïn) ; elle est enfin complétée, en 1981, par Le Seigneur de Lébioles (Essai sur mon père) ; elle fera de Paul Dresse « un Balzac dont le réalisme n’est pas dépourvu de poésie » (VAN NUFFEL).

L’auteur de Verlaine ce loup du Nord (1941) est enfin un critique littéraire et un biographe fécond ; après une biographie consacrée à Auguste Donnay (1931), il est l’un des premiers à étudier Marcel Thiry (1934), ainsi que la poétesse Claude Chardon ; en 1942, il fait paraître Goethe et Hugo (réédité en 1959) ; il tire ensuite de sa thèse un Charles Maurras, poète (1948), avant de consacrer une biographie à Léon Daudet vivant (1948), l’écrivain et polémiste français, sorte d’anarchiste de droite, nationaliste et catholique, que Dresse a rencontré, l’invitant notamment chez lui, à la fin des années 1920, lorsque Daudet (1867-1942) vivait en exil à Bruxelles.

Prix Ardenne-Eifel 1960 pour l’ensemble de ses écrits, Paul Dresse accepte de reprendre la direction de la revue Audace (1963-1970), où il s’efforce de ne publier que des textes inédits. En 1981, le Prix Bouvier-Parvillez lui est remis par l’Académie de langue et de littérature françaises pour l’ensemble de son œuvre.

Créateur lui-même d’un prix annuel destiné aux « enfants déficients auditifs francophones » (1985), il a légué au Musée d’Armes de Liège la collection de médailles et pièces de monnaie napoléoniennes qu’avait constituée son père, connu en littérature sous le nom d’Edmond de Lissingen.

Sources

Robert O.J. VAN NUFFEL, dans Nouvelle Biographie nationale, t. IV, p. 135-138
Hommage à Paul Dresse a l’occasion de son quatre-vingtième anniversaire : bibliothèque Albert Ier, 27 novembre 1981, maison des écrivains, 25 novembre 1981 : suivi d’une bio-bibliographie et d’illustrations inédites, Bruxelles, Les Amis de Paul Dresse, 1982
Geneviève DUCHENNE, Les ambitions et les stratégies européennes d’un petit État. Le cas de la Belgique des années 1920 aux années 1950, dans Bernard BRUNETEAU et Youssef CASSIS (dir.), L’Europe communautaire au défi de la hiérarchie, Pieter Lang, 2007, p. 97-107
Cécile VANDERPELEN-DIAGRE, Écrire en Belgique sous le regard de Dieu, Bruxelles, Complexe, 2004, p. 63-65
La Vie wallonne, III, 1960, n°291, p. 206 ; Paul Dresse, Mort d’une maison de famille, dans La Vie wallonne, 1971, n°336, p. 388-393 ; La Vie wallonne, IV, 1982, n°380, p. 274
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), t. III, p. 53, 104, 106 ; t. IV, p. 49, 336

Pour sa bibliographie complète : cfr Hommage à Paul Dresse a l’occasion de son quatre-vingtième anniversaire : bibliothèque Albert Ier, 27 novembre 1981, maison des écrivains, 25 novembre 1981 : suivi d’une bio-bibliographie et d’illustrations inédites, Bruxelles, Les Amis de Paul Dresse, 1982, p. 67-81