Dutrieu Hélène

Humanisme-Egalité, Sport, Aviation

Tournai 10/07/1877, Paris 26/06/1961

Qu’une jeune fille de quatorze ans quitte l’école pour gagner sa vie n’est pas une exception en ces dernières années du XIXe siècle. Mais qu’elle s’impose sur un vélo dans des compétitions, voilà qui fait sortir Hélène Dutrieu de l’ordinaire. Certes, elle suit les traces de son frère, mais rapidement elle se fait un nom : détentrice du record de l’heure en 1895 sur le vélodrome de Tournai, elle remporte le championnat de vitesse sur piste d’Ostende en 1897. Ses nombreuses victoires lui valent le surnom de « La flèche humaine ». L’année suivante, elle inscrit le Grand Prix d’Europe et les Douze jours de Londres à son palmarès. Le vélo lui procure des sensations de vitesse, mais pas suffisamment : la moto l’attire, ainsi que l’automobile. C’est pourtant dans les airs qu’elle va se réaliser. Sponsorisée par la marque anglaise Simpson, elle se produit notamment dans plusieurs spectacles de sauts en vélo dans le vide à partir d’un plan incliné. Ses « loopings » sont fort prisés. Ses acrobaties témoignent tant de son audace que de ses exceptionnelles qualités physiques, mais malgré le succès de ses exhibitions, elle abandonne vélo, moto et auto pour l’aviation.

Quand les usines Clément Bayard sortent un avion baptisé La Demoiselle, appareil très léger conçu par Santos-Dumont, une sportive au poids léger s’impose d’emblée pour en assurer la publicité. Novice dans un domaine aérien où les précurseurs ne sont pas légion, Hélène Dutrieu connaît des débuts difficiles, pour ne pas dire calamiteux. Elle se passionne cependant et la chance lui sourit lors d’un meeting au cours duquel elle bat plusieurs records officieux à bord d’un Farman (altitude, distance, durée de vol). De telles performances incitent l’Aéro-Club de Belgique à lui décerner sans attendre son brevet de pilote. Dans l’histoire de l’aviation belge, il s’agit du 27e brevet, mais surtout du tout premier attribué à une femme ; elle devient aussi la deuxième aviatrice d’Europe (après Elise Deroche). Pionnière, elle confirme ses bonnes dispositions en remportant la Coupe Femina, à Étampes, en décembre 1910, exploit qu’elle réédite l’année suivante. Elle se produit alors en Europe et en Amérique, remportant plusieurs trophées, y compris lors de compétitions mixtes, et multiplie les records. Elle est notamment la première femme au monde à voler sur un hydravion.

La Grande Guerre met un terme à ses exploits. Sur le front, elle s’engage comme infirmière volontaire auprès de la Croix Rouge française ; on lui confie la direction des ambulances de l’hôpital Messini à Paris. En 1915 et 1916, les services de propagande jouent de sa réputation quand ils l’envoient aux États-Unis afin d’y faire connaître le drame que connaît l’Europe. À son retour, on lui confie la direction de l’hôpital militaire du Val de Grâce. En 1922, par son mariage avec le journaliste et homme politique Pierre Mortier, elle acquiert la nationalité française. Ayant abandonné toutes ses activités sportives, Hélène Dutrieu se consacre à l’administration des divers journaux et revues édités en France dont s’occupe son mari. À la mort de ce dernier (1946), elle s’attache à promouvoir le sport aérien féminin. En 1956, elle crée la Coupe Hélène Dutrieu-Mortier, concours sur longue distance réservée aux aviatrices belges et françaises. Honorée de diverses distinctions, elle est notamment titulaire de la Croix d’officier de la Légion d’Honneur depuis 1913.

Une avenue de Tournai-Warchin porte son nom.
 

Sources

Gaston LEFEBVRE, Biographies tournaisiennes XIXe – XXe siècles, Tournai 1990
Gérard HARTMANN, La divine Hélène Dutrieu, cfr