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Goffin Robert

Culture, Littérature, Musique

Ohain 21/05/1898, Genval 27/06/1984

Poète, avocat, musicologue et musicien, gastronome, voyageur, essayiste, Robert Goffin est une personnalité wallonne qui ne se laisse pas cerner facilement. Ses centres d’intérêt paraissent à ce point variés que ses publics appartiennent à des milieux qui ignorent parfois les autres facettes de sa personnalité ; sa curiosité éclectique et une écriture trop rapide le privent parfois d’une reconnaissance spécifique.

Après des études primaires à l’école communale de son village natal – « Ohain, ma capitale personnelle de Wallonie », comme il aimait le dire et l’écrire –, il commence ses humanités au petit séminaire de Basse-Wavre et les termine en 1916 à l’Athénée communal de Saint-Gilles. En raison de la fermeture de l’Université libre de Bruxelles durant l’occupation allemande, il ne poursuit ses études qu’en 1919 ; il se mêle alors aux jeunes milieux littéraires de l’époque, se lie d’amitié avec René Purnal, Charles Plisnier, Odilon-Jean Périer et découvre une musique nouvelle, le jazz, dont il deviendra un grand spécialiste. Docteur en Droit (1923), inscrit au Barreau de Bruxelles (1926), le jeune juriste publie tour à tour trois ouvrages spécialisés. Mais là ne sont ni sa passion ni son originalité.

Musicien, Goffin qui joue à la fois du piston, de la trompette et du trombone, est attiré par le jazz et il est l’un des tout premiers à écrire un article sur cette musique (dans le Disque vert, 1922) et à partir à la découverte de ses origines. De séjours aux États-Unis, il ramène non seulement des ouvrages spécialisés et originaux (1932-1948), mais surtout de solides amitiés, notamment avec Arthur Briggs, Sydney Bechet, Lou Armstrong, Bill Coleman, Duke Ellington, etc.

Poète, Goffin compte une vingtaine de recueils à son actif, entre 1918 et 1982, dont l’écriture s’engage dans deux voies fort différentes, parfois très travaillées, parfois en recourant « à de longs vers libres, balancés en périodes, émaillés de mots rares » (HOREMANS). Essayiste, voire biographe, Goffin s’intéresse à des poètes comme Rimbaud, Verlaine, Apollinaire, Mallarmé, etc. ; tantôt il jette un regard critique sur leurs œuvres, tantôt il s’étend en anecdotes inédites, destinées à contextualiser leurs écrits.

Zoologiste, voire naturaliste, Goffin surprend dans un genre où il ne s’attarde pas (1936-1938). Romancier, Goffin déroute ici aussi ses lecteurs en signant des ouvrages policiers ou d’espionnage, parfois alimentaires, alors que d’autres, qui ont davantage mûri, valent le détour. Le Goffin historien n’est pas loin, quand il mène des enquêtes sur la fille de Léopold Ier, sur Sissi, la famille des Habsbourg, voire souligne la part des Wallons dans la fondation de New York.

De la Wallonie, Goffin n’est jamais très loin non plus, mais avec une approche, elle aussi, fort personnelle. Son grand-père lui avait transmis le culte de la Wallonie, de Napoléon et de Victor Hugo, et les monuments proches de Waterloo retiennent d’autant plus son attention que son bisaïeul était propriétaire de la ferme de Plancenoit. En 1938, Goffin publie Chère espionne !, roman de l’amitié franco-belge, dédié à tous nos amis de Belgique qui luttent pour la France éternelle. Mais s’agit-il d’un roman ou d’un engagement politique ? Alors qu’il se rend aux pèlerinages wallons de Waterloo, il crée l’hebdomadaire Alerte, opposé à la neutralité et qui réclame une alliance avec la France (1939). Il écrit aussi dans La Faluche, périodique du Cercle des Étudiants wallons de l’ULB, un vibrant article sur la Grandeur de la France.

Ses activités pro-françaises et les articles virulents qu’il signe contre Degrelle et les nazis l’obligent à quitter le pays lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate. Il gagne la France, l’Espagne puis le Portugal avant de s’embarquer pour New York. Aux États-Unis, sur l’intervention de son ami et ancien condisciple Paul-Henri Spaak, Goffin devient l’interprète des services belges de la propagande, chargé de faire connaître le pays et l’attitude du chef de l’armée. En 1943, il publie l’ouvrage Le roi des Belges a-t-il trahi ?, rédigé en deux semaines en novembre 1940, dans lequel, bien que partisan de l’union avec la France et pour éviter de semer la zizanie parmi les Belges, il tente de justifier l’attitude de Léopold III. En se faisant le défenseur du roi, Robert Goffin est l’un des rares socialistes, non suspect d’accointance avec De Man, à trouver des circonstances atténuantes à celui qui rendit visite à Hitler à Berchtesgaden. Mais ce n’est pas le dernier paradoxe de Robert Goffin.

Dans le cadre de la propagande belge aux États-Unis, il sillonne le pays et donne en anglais des conférences sur la guerre et la résistance en Europe. Citoyen d’honneur de la Nouvelle-Orléans, il est nommé professeur d’histoire du jazz à la New School for Social Research à New York. C’est aussi à ce moment qu’il publie la première édition d’un ouvrage consacré aux Wallons fondateurs de New York, qui sera réédité en 1970 par l’Institut Jules Destrée. De retour en Europe, en 1945, conférencier, journaliste, auteur à succès, traduit en de nombreuses langues, Robert Goffin se partage alors entre jazz et poésie.

Le 25 octobre 1954, il est reçu à l’Académie de Langue et de Littérature françaises par Marcel Thiry ; il a l’honneur de succéder à Charles Plisnier. Président du PEN Club français de Belgique puis vice-président du PEN Club international, il réalise plusieurs tours du monde dans les années cinquante et soixante. Vice-Président de Québec-Wallonie (année 1950) et journaliste dans Le Globe, président du groupe CCE du Mouvement fédéraliste européen (1970), il mène campagne en faveur de l’élection directe du Parlement européen. En 1976, il est l’un des 143 signataires de la Nouvelle Lettre au roi (29 juin), destinée à dénoncer l’extrême lenteur mise dans l’application de l’article 107 quater de la Constitution ; il plaide ainsi en faveur d’un fédéralisme fondé sur trois Régions : Bruxelles, Flandre et Wallonie.

Membre de la Société historique pour la Défense et l’Illustration de la Wallonie avant la Seconde Guerre mondiale, administrateur (1973-1980), puis administrateur honoraire (1981-1984) de l’Institut Jules Destrée, il y a publié deux ouvrages de souvenirs, Souvenir à bout portant. Poésie. Barreau. Jazz (1979) et Souvenirs avant l’adieu (1980).

Sources

Thomas OWEN, Adieu à Robert Goffin, dans Bulletin de l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises, Bruxelles, 1984, t. 42, n°2, p. 127-130
Marc DANVAL, L’insaisissable Robert Goffin. De Rimbaud à Louis Armstrong, Gerpinnes, Quorum, 1998
Jean-Paul DE NOLA, « Marc DANVAL, L’Insaisissable Robert Goffin. De Rimbaud à Louis Armstrong », dans Textyles, n°17-18, 2000, p. 217-219
Jean-François POTELLE, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p.
Jean-Marie HOREMANS, Robert Goffin, le poète au sang qui chante, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1976, coll. Figures de Wallonie
Robert GOFFIN, Souvenirs à bout portant. Poésie Barreau Jazz, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1979
Robert GOFFIN, Souvenirs avant l’adieu, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1980
Jean-Marie HOREMANS, dans Robert FRICKX et Raymond TROUSSON, Lettres françaises de Belgique. Dictionnaire des œuvres, t. II, La poésie, Paris-Gembloux, Duculot, 1988, p. 506-507

Œuvres principales

Droit financier
Code élémentaire des agents de change (1927)
Code élémentaire de la banque (1928) 
Manuel de Droit financier (1930)

Jazz
Jazz-Band (1922)
Aux frontières du jazz (1932)
Jazz : from Congo to swing (1946)
Histoire du jazz (1946)
La Nouvelle-Orléans, capitale du jazz (1946)
Louis Armstrong, le roi du jazz (1947) 
Nouvelle histoire du jazz. Du Congo au Behop (1948)

Romans
L’Apostat (1934) 
Chère espionne !, roman de l’amitié franco-belge (1938)
Pérou (1940)
Passeports pour l’Au-Delà (1943)
La Colombe de la Gestapo (1943)
Le Voleur de feu (1950)
Foudre Natale (1955)

« Histoire »/essais/mémoire
Charlotte, l’Impératrice fantôme (1937)
Élisabeth, l’Impératrice passionnée (1939)
De Pierre Minuit aux Roosevelt (1943)
L’Epopée des Habsbourg (1945)
Le Roi du Colorado (1958)
Souvenirs à bout portant. Poésie Barreau Jazz (1979)
Souvenirs avant l’adieu (1980)

Poésie
Rosaire des soirs (1918) 
La Proie pour l’ombre (1935)
Couleur d’absence (1936)
Sang bleu (1939)
Le nouveau Sphinx (1941)
Patrie de la poésie (1945)
Le Temps sans rives (1948)
Œuvres poétiques compilation 1918-1954: le Nouveau Sphinx, le Fusillé de Dunkerque, le Chat sans Tête, Sabotage dans le Ciel, etc... (1958)
Archipels de la sève (1959)
Sources du ciel (1962)
Corps Combustible (1964)
Sablier pour une Cosmogonie (1965)
Le Versant noir (1967)
Faits divers (1969)
Phosphores chanteurs (1970)
Le tour du monde en quatre-vingts quatrains (1970)
L’Envers du feu (1971)
Chroniques d’Outre-Chair (1975)
Enfance naturelle (1977)
Quatre fois vingt ans (1979)
Le Champ de mai (1982)

« Critique »
Sur les traces d’Arthur Rimbaud (1934)
Rimbaud vivant (1937)
Rimbaud et Verlaine vivants (1948)
Entrer en poésie (1948)
Mallarmé vivant (1955)
Le Fil d’Ariane pour la poésie (1964)

Naturaliste
Le Roman des anguilles (1936)
Le Roman des rats (1937)
Le Roman de l’araignée (1938)