Moreau Marcel

Culture, Littérature

Boussu 16/04/1933, Bobigny 04/04/2020

Marcel Moreau est l’auteur d’une œuvre aussi considérable qu’inclassable, oscillant entre essai et roman, traversée par la révolte, la mort, la femme, entre autres thèmes majeurs. Personnalité à l’écriture violente, il compte parmi les plus grands auteurs wallons actuels.

Issu d’une famille ouvrière boraine, couvreur de père en fils, Marcel Moreau est marqué par son milieu. Ainsi qu’il l’écrira dans L’Ivre livre, l’auteur grandit « dans un pur vide culturel, […] une absence totale de repère pour l’esprit ». Plongé tout jeune dans la vie active, suite au décès de son père, il est engagé dans une robinetterie, en 1948, où il resta jusqu’à son licenciement, en 1953, année de son entrée comme aide-comptable au journal Le Peuple

Passionné de lecture, correcteur au Soir, à partir de 1955, Marcel Moreau est en relation avec des écrivains comme Mauriac et Camus ; il fait lui-même ses premiers pas dans l’écriture à cette période, même si son premier ouvrage, Quintes, ne sera publié qu’en 1963. Cette première œuvre, saluée notamment par Raymond Queneau et Simone de Beauvoir, et celles qui suivront, quel que soit le genre abordé par l’auteur, difficilement classable, quelque part entre le roman et l’essai, sont faites « d’une même écriture, violente, sensuelle, raffinée, portée par une pensée libertaire, sauvage » (VELTER).

Installé à Paris, à partir de 1968, où il est correcteur de presse aux éditions Alpha puis, au début des années 1970, au Parisien libéré et au Figaro jusqu’en 1989, il se met à voyager – en Inde, au Népal, en Iran, au Mexique, en Chine –. Il est sur L’Heleanna, quand ce ferry-boat fait naufrage, dans la mer Adriatique, en août 1971 : cette expérience traumatisante (près de 25 morts) va marquer profondément son œuvre. Avec les années 1980 s’ouvre pour Marcel Moreau une période sombre, mais aussi particulièrement féconde. Les publications se multiplient à un rythme effréné. Traversé par une importante remise en cause, dont il ne semble sortir qu’au milieu de la décennie suivante, il pense même au suicide.

Après une série d’ouvrages dédiés à la femme, publiés à partir de 1996, Marcel Moreau publie un essai, Corpus Scripti (2002), réflexion sur les rapports qu’entretiennent la chair et les mots, et qui hante son œuvre depuis ses premiers écrits. Ceux-ci sont traversés de thèmes majeurs tels que la révolte, la mort, la femme avec toujours cette réflexion sur l’écriture et l’implication du corps, et cette écriture rythmique. « [Il] rend au verbe une puissance lyrique et agressive qui abolit toute réalité pour s’élever à l’incantation et au rêve. [Il] détruit toutes les valeurs acquises et y substitue une sorte de rituel où l’érotisme et le meurtre délivrent l’homme des faux-semblants pour le condamner à sa ‘pureté’ originelle » (VANELDEREN).

Prix Charles Plisnier pour son roman Julie ou la dissolution (1971), Prix Canada-Communauté française pour l’ensemble de son œuvre (1977), Prix de la Ville de Mons pour Orgambide (1983), il reçoit également le Prix Maeterlinck (1992 et 1993), le Prix Achille Béchet (1993), le Prix Wepler-Fondation La Poste pour Corpus Scripti (2002) et est le troisième lauréat du Prix Jean Arp de Littérature francophone pour l’ensemble de son œuvre, en 2006.

Sources

Francis VANELDEREN, dans La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres. Arts. Culture, t. III, p. 108
Christophe VAN ROSSOM, Marcel Moreau, l’insoumission et l’ivresse, Avin, Luce Wilquin, 2004
Marcel Moreau, un possédé des mots, Paris, Les éditions Cercle d’Art, 2012 (Revue Ah !)
Préface de Christophe VAN ROSSOM, dans Marcel Moreau, Quintes, L’Ivre livre, Sacre de la femme, Discours contre les entraves, Denoël, 2005, p. 1-14 (Coll. Des heures durant)
André VELTER, Jean Dubuffet et Marcel Moreau, de l’Art brut aux Beaux-Arts convulsifs, Strasbourg, L’Atelier contemporain, 2014
Robert FRICKX, Raymond TROUSSON, Lettres françaises de Belgique. Dictionnaire des œuvres, t. 1 : Le roman, Paris-Gembloux, Duculot, 1988, p. 11-12 ; 54-55 ; 176-177 ; 188-189 ; 227-228 ; 238 ; 252-253
Marcel Moreau, le possédé des mots, dans Sur les docks, émission de France Culture

Œuvres principales

Quintes, roman (1963)
Bannière de bave, roman (1965)
La terre infestée d’hommes, roman (1966)
Le chant des paroxysmes, essai, suivi de La Nukaï (1967)
Écrits du fond de l’amour, roman épistolaire (1968)
Julie ou la dissolution, roman (1971)
La pensée mongole, essai (1972)
L’Ivre livre, roman (1973)
Le bord de mort, roman (1974)
Les arts viscéraux, essai (1975)
Le sacre de la femme, essai (1977)
Discours contre les entraves, essai (1979)
À dos de Dieu, roman (1980)
Orgambide¸roman (1980)
Moreaumachie (1982)
Kamalalam, roman (1982)
Cahiers caniculaires, roman (1982)
Saulitude (1982)
Londres, préface (1983)
Monstres, roman (1986)
Issue sans issue, roman (1986)
Le Grouilloucouillou (avec Topor, 1987)
Treize portraits (avec Antonio Saura, 1987)
Amours à en mourir (1988)
Opéra gouffre (1988)
Mille voix rauques (1989)
Neung, conscience fiction, roman (1990)
Grimoires et moires (avec Michel Liénard, 1991)
Chant de la tombée des jours (1992)
Le charme et l’épouvante (1992)
Stéphane Nadelbaum (1992)
Noces de mort (1993)
Tombeau pour les enténébrés (1993)
Bal dans la tête, roman (1995)
La compagnie des femmes (1996)
Insensément ton corps (1997)
Les tanagras (1997)
Extase pour une infante roumaine (1998)
La jeune fille et son fou (1998)
La vie de Jéju, poèmes (1998)
Féminaire (2000)
L’amour est le plus beau des dialogues de sourds (avec Linda Lewkowicz, 2001)
Lecture irrationnelle de la vie (2001)
Corpus Scripti, essai (2002)
Tectonique des corps (2003)
Morale des épicentres, roman (2004)
Adoration de Nona (2004)
Nous, amants au bonheur ne croyant, roman, chronique (2005)
Tectonique des femmes (2006)
Souvenirs d’immensité avec troubles de la vision, carnet de voyage (2007)
Insolation de nuit, roman (avec Pierre Alechinsky, 2007)
Une philosophie à coups de rein, essai (2008)
Des hallalis dans les alléluias, roman (2009)
Discours contre les entraves, roman
La Violencelliste, roman (2011)
Un Cratère à cordes (2013)
De l’Art Brut aux Beaux-Arts convulsifs, correspondance (2014)