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Nautet Francis

Culture, Journalisme

Verviers 1854, Bruxelles 10/03/1896

Critique et historien des « Lettres belges » – formule qu’il a popularisée –, Francis Nautet a collaboré à de nombreuses revues littéraires, dans le troisième tiers du XIXe siècle, surtout à La Jeune Belgique, qui fut l’un des acteurs du renouveau littéraire, perceptible autour des années 1880, et plus ou moins tôt selon les régions.

Le jeune Francis Nautet a sans doute davantage appris auprès de son père qu’à l’Athénée de Verviers où il n’achève pas ses humanités. Gilles-Joseph (1802-1895) était, il est vrai une personnalité peu courante : instituteur, typographe, correcteur d’imprimerie, il devient rédacteur du Journal de Verviers et contribue alors à enflammer les esprits à la veille des Journées de Septembre 1830 ; patriote, porte-parole des idées libérales, il devient le patron de l’imprimerie qu’il avait fondée ; le père Nautet ouvre aussi une librairie et crée plusieurs journaux, y accueillant notamment les nouvelles idées socialistes ou libérales progressistes, dès 1848. On comprend dès lors que le jeune Francis se passionne très tôt pour les lettres et fasse ses débuts dans la revue verviétoise Do-mi-Sol, qui « fera de la doctrine zolienne son unique crédo esthétique ».

Mais l’autodidacte connaît moins de succès que son père dans les affaires. Les échecs professionnels s’accumulent ; alors, il tente en vain, après une expérience de courte durée à l’armée, de monter un commerce ambulant ; il s’endette ensuite dans la reprise de l’activité d’imprimerie de son père. Il décide finalement de partir pour Paris, et c’est de la capitale française que Francis Nautet observe le renouveau littéraire de nos régions.

De retour au pays, il collabore tour à tour au Journal de Bruxelles, à la Réforme (journal républicain et anticlérical des frères Chainaye) et à l’Indépendance, dans lesquels il publie des études sur des personnalités littéraires et quelques peintres. Entré à La Jeune Belgique, dont la fondation remonte à 1881, Francis Nautet se passionne pour le mouvement littéraire en train de s’épanouir et s’en fait l’historien, voire le propagandiste. Dans ses Notes sur la littérature moderne (1885-1889), Nautet s’efforce de faire connaître des romans qui n’attirent guère les lecteurs ; avec succès, le critique littéraire va susciter leur envie. Son deuxième essai, une Histoire [inachevée] des lettres belges d’expression française (1891-1892), est une œuvre de pionnier dans la mesure où il retrace, à la manière d’un journaliste exposant les résultats d’une enquête, les étapes de la renaissance littéraire de la Belgique et ses principaux acteurs. Définissant l’objet de sa démarche « historique », il emploie l’expression « Lettres belges » qui lui survivra.

Mais dans les années 1890, l’évolution de La Jeune Belgique sous la direction des « trois G » (Giraud, Gille, Gilkin) irrite intensément et suscite un climat de guerre littéraire intense. En témoignent les termes du manifeste qui annonce la naissance, en mai 1895, d’une nouvelle revue mensuelle, Le Coq rouge, en totale rupture avec l’esprit et les « gens » de La Jeune Belgique. Avec Louis Delattre, Hubert Krains, Maurice Maeterlinck, Georges Eekhoud, Émile Verhaeren, notamment, des anciens de La Jeune Belgique et certains qui appartiennent aussi à la Section d’Art de la Maison du Peuple, Francis Nautet fait partie des « putschistes », qui donnent à la nouvelle revue une couleur anti-belgeoisante, anarchiste, internationaliste et critique à l’égard de la lourdeur du système politique belge, tout en s’intéressant à l’art au sens large, peinture, gravure et sculpture, et en encourageant le régionalisme dans les lettres françaises. Cheville ouvrière du Coq rouge (où collabora aussi Jules Destrée), Nautet en est un médiateur apprécié. En témoignent l’hommage qui lui rendit Émile Verhaeren, lors de sa disparition, en mars 1896 et le fait que Le Coq rouge ne lui survivra pas longtemps.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
La Meuse, 13 mars 1896 ; Jeune Belgique, 14 mars 1896, p. 69 ; La Meuse, 13 juin 1902 ; La Meuse, 6 février 1912
Gustave VANWELKENHUYZEN, Francis Nautet, historien des Lettres belges, Verviers, L’Avant-Poste, 1931
Émile VERHAEREN, dans Le Coq rouge, revue de littérature, n°11-12, mars-avril 1896, p. 497-503
Georges-Henri DUMONT, Quand Le Coq rouge plantait ses ergot sur La Jeune Belgique (1895-1897), séance mensuelle du 12 décembre 1991, Bruxelles, Académie de Langue et de Littérature françaises, 1991, p. 1-19
François PROVENZANO, Historiographies périphériques : Enjeux et rhétorique de l'histoire littéraire en Francophonie du Nord (Belgique, Suisse romande, Québec), Bruxelles, Académie de Belgique, 2012
Joseph HANSE, dans La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres. Arts. Culture, t. II, p. 393
Paul GORCEIX (éd.), La Belgique fin de siècle : Eeckhoud, Lemonnier, Maeterlinck, Rodenbach, Van Lerberghe et Verhaeren, Éditions Complexe, 1997, p. 210
Robert FRICKX, Raymond TROUSSON, Lettres françaises de Belgique. Dictionnaire des œuvres, t. 3 : L’essai, Paris-Gembloux, Duculot, 1989, p. 392-393
http://www.arllfb.be/composition/membres/vanwelkenhuyzen.html
http://www.aml-cfwb.be/catalogues/general/auteurs/5015 (s.v. mars 2016).

Œuvres principales

Notes sur la littérature moderne (1e série, 1885; 2e série, 1889)
Histoire des lettres belges d’expression française (1891-1892, 4 tomes)