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Pirotte Jean-Claude

Culture, Littérature

Namur 20/10/1939, Beurnevésin (Jura suisse) 24/05/2014

Poète, romancier, écrivain, peintre, Jean-Claude a mis plusieurs années avant de consacrer l’essentiel de son temps à l’écriture, puisant dans un passé personnel tumultueux la matière de ses récits.

« En vérité, j’ai eu beaucoup de chance. D’abord de naître dans un milieu social qui, pour être conformiste, n’en considérait pas moins la musique ou la littérature comme autre chose que des ornements de la vie bourgeoise. Je ne m’entendais pas du tout avec mes parents, qui avaient tout de même une autre idée que la mienne de l’existence, au point que j’étais persuadé que ma place n’était pas chez eux, que j’étais une sorte d’enfant trouvé. Ils me regardaient comme un rebelle, mais j’ai très vite conquis la liberté de lire, de dessiner, de peindre, et surtout de vagabonder. Cette liberté s’est illuminée en Hollande, dans cette famille Prins qui m’accueillit, à Ede, où il me semble avoir pris définitivement conscience de ce qui était beau à mes yeux, pas question d’ouvrir ici un quelconque débat esthétique. Pour simplifier, disons que ma sensibilité a trouvé là de quoi s’alimenter, et c’est ainsi que je ne suis pas devenu tout à fait un voyou. J’ai découvert là ce qui désormais me serait nécessaire, l’art et la vie dirais-je un peu pompeusement, l’art indissociable de la vie la plus quotidienne... ». 
Ainsi se décrit brièvement l’écrivain Jean-Claude Pirotte dans un entretien publié sur le site Internet de son éditeur principal, « Les éditions du temps qu’il fait ». Son enfance et son adolescence sont donc partagées entre la Wallonie, les Pays-Bas, la Bourgogne et Florence (1952-1962). Ayant fugué à l’âge de 11 ans, il est accueilli dans une famille aux Pays-Bas (1953), avant de retourner à Namur. Ses études de Lettres restent inachevées car les Sciences politiques et le Droit l’attirent davantage. Durant l’hiver ‘60-’61, il participe à la Grande grève wallonne contre la Loi unique. Fils de Jean Pirotte, le président de Wallonie libre, Jean-Claude Pirotte est à son tour plongé dans le Mouvement wallon. Il fait ses premiers pas dans l’action wallonne en étant le porte-parole de Jeune Wallonie lors du congrès de Wallonie libre en novembre 1963.

En 1964, le jeune diplômé de l’Université libre de Bruxelles s’inscrit au barreau de Namur. Dans le cabinet d’avocat où il travaille, il connaît un certain succès en plaidant dans des affaires sulfureuses. La perspective d’une carrière politique le tente jusqu’au moment où, candidat à un mandat politique, Bernard Anselme lui est préféré. Déjà, il a manifesté un goût certain pour le dessin, la lecture, l’écriture. S’étant promis d’écrire chaque jour, Jean-Claude Pirotte décroche à dix-sept ans le premier prix de composition française décerné par l’Académie de Langue et de Littérature françaises de Belgique, mais durant sa carrière d’avocat, l’écrivain sommeille. Depuis l’enfance, il se consacre également à la peinture ; là il n’hésite pas à s’exposer. En novembre 1998, la galerie Mouvements, à Paris, lui consacrera une exposition.

Mais la carrière d’avocat de Jean-Claude Pirotte est brisée par un « fait-divers ». Accusé (il niera toujours les faits) d’avoir favorisé la tentative d’évasion d’un de ses clients (1975), Jean-Claude Pirotte est condamné à dix-huit mois de prison et le procureur du roi ordonne sa radiation du barreau. « Ma condamnation, elle aussi, a été une chance miraculeuse. De nouveau je me suis trouvé dans l’obligation de conquérir et de protéger ma liberté. Ces policiers, ces magistrats qui se sont fourvoyés en me poursuivant et en me condamnant, et qui n’ont même pas réussi à entamer mon idéal de justice, je devrais les bénir. Dans la misère et l’insécurité de ce qu’il faut bien appeler une “cavale”, la littérature, la peinture, la musique, et la vigilante tendresse de ma compagne (qui m’apportait, où que je sois, avec sa présence furtive mais éblouissante, des livres et de quoi peindre) m’ont rendu à la vérité. À la paresse. Au vagabondage. Active, la paresse. Productif, le vagabondage... ».

Tandis qu’une exposition de ses aquarelles à la Maison de la Culture de Namur fait l’objet d’une saisie par la justice, J-Cl. Pirotte préfère se soustraire à l’exécution de la peine plutôt que de plaider son innocence : il mène alors une vie d’errance, dans les provinces françaises, dans le Val d’Aoste, en Catalogne et en Turquie. C’est le début d’une cavale qui dure cinq ans et la suite d’une éternelle errance même si, en 1981, sa peine est prescrite. Dans son exil, il a rencontré l’écrivain André Dhôtel qui l’a encouragé à une carrière littéraire.

En 1981, l’écrivain Jean-Claude Pirotte publie Journal moche qui reçoit le Prix anticonformiste décerné par l’hebdomadaire français Arts. Chroniqueur à la RTBf (1985-1989) et à La Liberté du Morbihan (Lorient, 1987), collaborateur à France-Culture, collaborateur épisodique à des revues de la région d’Angoulême (depuis 1989), il poursuit ses voyages et ses vagabondages, et surtout une carrière d’écrivain apprécié par la critique et le public. Ces romans sont d’ailleurs nourris de l’errance de leur auteur, dont les cousins en littérature s’appellent Villon, Verlaine ou Rimbaud. Reconnu comme écrivain, poète ou encore peintre, celui que Wallonie libre, dès 1963, identifiait comme un grand espoir de la littérature, obtient notamment le Prix Rossel en 1986, pour Un été dans la combe. Le suicide de sa fille (1991) est un tourment supplémentaire sur son chemin de vie. Chargé des missions Stendhal au Portugal en 1996 et 1997, il s’est installé à Montolieu en qualité de chargé de mission « Vie littéraire » en 1999.

Depuis Goût de cendre, publié chez Thone en 1963, Jean-Claude Pirotte a publié une cinquantaine de livres, dont plusieurs ont été couronnés : Prix Apollinaire 2011, Grand Prix de poésie de l’Académie française, Prix des Deux Magots, prix Roger-Kowalski et grand prix de Poésie de la Ville de Lyon (2008), prix Marc Orlan (pour Place des Savanes son 5e et dernier roman). En 2012, il recevait le Goncourt de la poésie pour l’ensemble de son œuvre.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse – Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1280

Œuvres principales

Contrée (Thone, 1965)
D’un mourant paysage (Thone, 1969)
Journal moche (Luneau-Ascot, 1981)
La Vallée de Misère (Le Temps qu’il fait (réed. en 1997), 1987)
Les Contes bleus du vin (Le Temps qu’il fait, 1988)
Sarah, feuille morte (Le Temps qu’il fait, 1989)
L’Épreuve du jour (Le Temps qu’il fait, 1991)
La Pluie à Rethel (Labor, 1991)
Fond de cale (Le Temps qu’il fait, 1991)
Récits incertains (Le Temps qu’il fait, 1992)
Il est minuit depuis toujours (La Table ronde, 1993)
Un Été dans la combe (La Table ronde, 1993)
Lettres de Sainte-Croix-du-Mont (l’Escampette, 1993)
Plis perdus (La Table ronde, 1994)
Un voyage en automne (La Table Ronde, 1996)
La Légende des petits matins (La Table ronde, 1996)
Le Noël du cheval de bois (Le Temps qu’il fait, 1997)
Faubourg, poésie (Le Temps qu’il fait, 1997)
Cavale (La Table Ronde, 1997)
Boléro (La Table Ronde, 1998)
Mont Afrique (Le Cherche-midi, 1999. (rééd. Gallimard, 2001)
Ange Vincent (La Table Ronde, 2001).
Les Chiens du vent (avec Pierre Silvain, Cadex, 2002)
Rue des Remberges prélude (Le Temps qu’il fait, 2003)
Un rêve en Lotharingie récit (National Geographic et Stock, 2003)
Dame et dentiste (poèmes, Inventaire/Invention, 2003)
Fougerolles (poèmes, Virgile, 2004)
La Boîte à musique (avec Sylvie Doizelet, poèmes, La Table ronde, 2004)
Une adolescence en Gueldre (La Table ronde, 2005)
Expédition nocturne autour de ma cave (Stock, 2006)
Un bruit ordinaire suivi de Blues de la racaille (poèmes, La Table Ronde, 2006)
Hollande (poèmes et peintures, Le Cherche Midi, 2006)
Un voyage en automne (La Table Ronde, 1996)
Absent de Bagdad (La table ronde, 2007)
Passage des ombres (La Table Ronde, 2008)
Revermont (Le Temps qu’il fait, 2008)
Avoir été (Le Taillis Pré, 2008)
Le Promenoir magique et autres poèmes 1953-2003 (La table ronde, 2009)
Voix de Bruxelles (avec Hugues Robaye, CFC, 2009)
Autres séjours (Le Temps qu’il fait, 2010)
Cette âme perdue (Le Castor Astral, 2011)
Place des savanes (Le Cherche Midi, 2011)
Ajoie (La Table ronde, 2012)
Le très vieux temps (Le Temps qu’il fait, 2012)
Vaine pâture (Mercure de France, 2013)
Brouillard (Le Cherche Midi, 2013)
Gens sérieux s’abstenir (Le Castor Astral, 2014)
Portrait craché (Le Cherche Midi, 2014)