© Bibliothèque du Conservatoire royal de Bruxelles

Prevost Germain

Culture, Musique

Tournai 23/08/1891, San Francisco 1987

Altiste du Quatuor Pro Arte dirigé par Alphonse Onnou, Germain Prevost a participé à l’aventure étonnante de ce quatuor à corde constitué dans des conditions difficiles au moment de la Grande Guerre, qui rencontra plein succès dans l’Entre-deux-Guerres, avant de connaître une seconde vie aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale.

Natif de Tournai, formé au Conservatoire de Bruxelles, Germain Prevost y remporte, en 1913, un premier prix d’Alto, dans la classe de Léon Van Hout, membre du Quatuor Ysaÿe. Le projet de former un quatuor sur le modèle « Ysaÿe » animait déjà le violoniste verviétois Alphonse Onnou. Il faudra quelques années avant que ne se mette en place définitivement le Quatuor Pro Arte, nom trouvé en 1917. La composition du groupe varie fortement en ces années de guerre et de reconstruction. Mais Onnou s’appuie très rapidement sur Laurent Halleux, un autre Verviétois, comme second violon et, à partir de 1919, Germain Prévost en devient le troisième pilier ; arrivé en même temps que lui, Fernand Quinet (Prix de Rome 1921) cèdera son siège à Robert Maas. Contraints au service militaire, les jeunes musiciens se produisent parfois sous le nom de « Quatuor à Archets du 1er Régiment des Guides » (1920-1921), mais une fois libérés de leurs obligations, les membres du quatuor ne vont plus cesser de se produire sous le nom Pro Arte, pendant vingt ans, rencontrant un succès exceptionnel durant tout l’Entre-deux-Guerres.

Pendant un peu plus de dix ans, jusqu’au début des années 1930, Bruxelles est le lieu régulier des Concerts Pro Arte, mais, de plus en plus souvent, le quatuor est appelé à l’étranger. Remarqué par Elizabeth Sprague Coolidge, une milliardaire américaine passionnée par la musique de chambre, le quatuor est invité aux États-Unis dès 1926 ; il se produit lors de l’inauguration de la salle de musique de la bibliothèque du Congrès, à Washington, puis régulièrement, grâce à sa mécène, il retourne en Amérique du Nord pour donner notamment les Concerts Pro Arte-Coolidge.

Le quatuor fait connaître des compositeurs de son époque (choix artistique d’Onnou), ou plus classiques (orientation de Halleux). Ils interprètent Schönberg, Berg, Roussel, Honegger, Absil… et reçoivent des compositions spécifiques de Bartok, Milhaud, Stravinsky, qui sont autant de témoignages de la qualité du groupe. À travers les États-Unis, les tournées du quatuor d’Onnou sont appréciées, mais fatigantes : en 1939, Robert Maas déclare forfait. Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, Onnou et ses compagnons musiciens (dont le violoncelliste anglais Warwick-Evans pour remplacer Maas) se retrouvent coincés Outre-Atlantique. Ils décident alors de continuer à se produire sur place. Le responsable de l’Université du Wisconsin, leur offre l’hospitalité, sur le campus, en tant que « quatuor-en-résidence ».

Frappé d’une leucémie, aux États-Unis, en 1940, Onnou est le premier à disparaître. Il est remplacé par le catalan Antonio Brosa (1894-1979), formé à Barcelone à l’école verviétoise du violon par Mathieu Crickboom. En 1943, c’est Laurent Halleux qui décide de démissionner. Dernier représentant du groupe originel, l’altiste Prevost décide à son tour de jeter le gant en juin 1947, cédant la place à des Américains qui perpétuent durablement le Pro Arte Quartet of the University of Wisconsin, puisque le quatuor fête ses cent ans d’existence en 2013, avant d’entreprendre une courte tournée en Wallonie et à Bruxelles.

En 1944, Igor Stravinsky avait dédicacé à Germain Prevost l’Élégie pour alto solo, qui se joue entièrement en sourdine, pour honorer la mémoire d’Alphonse Onnou le fondateur du Quatuor Pro Arte. Si Prevost renonce au quatuor Pro Arte, ce n’est pas pour rentrer au pays. Appréciant particulièrement le mode de vie de la société américaine, il a été rejoint par sa famille en 1945 et il retrouve Laurent Halleux à Hollywood. Engagé comme musicien dans les studios de la Metro Goldwyn Mayer, il s’installe à Eagle Rock, un faubourg de Los Angeles, où il se lie d’amitié avec le pianiste André Previn, émigré juif allemand, qui fait carrière à Hollywood, puis comme chef d’orchestre et compositeur. Membre du New Art String Quartet (fin des années 1940), alto dans le San Francisco Symphony Orchestra (1960-1963), Prevost tient la partition de premier alto à l’Orchestre d’Oakland, et donne quelques récitals avec Previn, à San Francisco, avant de s’éteindre, loin de Tournai, à 96 ans.

Sources

Anne VAN MALDEREN, Historique et réception des diverses formations Pro Arte (1912-1947) : apport au répertoire de la musique contemporaine, thèse, Louvain-la-Neuve, 2012, p. 518
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, en particulier Le Jour Verviers du 2 mai 2014, La Libre Culture du 21 mai 2014
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 394
http://proartequartet.org/about.html (s.v. mai 2016)
Anne VAN MALDEREN, Le quatuor Pro Arte (1912-1947), dans Revue de la Société liégeoise de musicologie, Liège, 2002, n°19, p. 25-45 sur http://popups.ulg.ac.be/1371-6735/index.php?id=480&file=1 (s.v. mai 2016)
Eric Walter WHITE, Stravinsky : A critical Survey 1882-1946, Toronto, 1997, p. 180